RSOC Vol. 20 No. 30 2023 pp 30. Publié en ligne 28 novembre 2023.

Comprendre le rétinoblastome : épidémiologie et génétique

Ido Didi Fabian

Oncologue oculaire chef de clinique, Ocular Oncology Service, Goldschleger Eye institute, Sheba Medical Center, Tel Aviv, Israël.


Mandeep S Sagoo

Service de rétinoblastome, Royal London Hospital ; Ocular Oncology Service NIHR Biomedical Research Centre for Ophthalmology, Moorfields Eye Hospital et UCL Institute of Ophthalmology, Londres, Royaume-Uni.


Figure 1 Rétinoblastome multifocal, suggérant une forme héréditaire © Ido Didi Fabian
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L’origine d’un rétinoblastome est généralement la mutation aléatoire d’un gène dans une cellule rétinienne. Il est important d’essayer d’identifier si l’enfant présente un rétinoblastome héréditaire, car ce dernier peut affecter les deux yeux de l’enfant. Les frères et soeurs et les futurs enfants d’un enfant atteint de rétinoblastome présentent un risque plus élevé de développer ce cancer.

Le rétinoblastome est le cancer oculaire le plus fréquent chez l’enfant. Il s’agit cependant d’une maladie relativement rare, qui affecte une naissance vivante sur 16 000 à 18 000 dans la population mondiale1. Son incidence est semblable au sein des populations et ne varie pas en fonction du sexe, du groupe ethnique ou de la situation socioéconomique. À l’échelle mondiale, environ 8 000 enfants par an développent un rétinoblastome ; la grande majorité d’entre eux développent cette maladie avant l’âge de cinq ans.

Le rétinoblastome a son origine dans une cellule photoréceptrice de la rétine et est lié à une mutation du gène RB1 (qui est normalement un gène suppresseur de tumeur). Chaque personne hérite de deux copies (dites « allèles ») du gène RB1, une de chaque parent. Pour qu’un rétinoblastome se développe, il doit se produire une mutation dans les deux copies du gène RB1 au sein d’une même cellule rétinienne.

En fonction de la nature de la mutation, le rétinoblastome peut être classé comme héréditaire (mutation dite héréditaire ou acquise) ou non héréditaire (mutation sporadique ou spontanée).

Rétinoblastome héréditaire

Dans beaucoup de cas de rétinoblastome héréditaire, l’enfant a hérité d’un de ses parents un allèle du gène RB1 comportant une mutation, et cette mutation est donc présente dans toutes les cellules de cet enfant ; il se produit ensuite une deuxième mutation dans une cellule rétinienne, ce qui entraîne une tumeur.

Les enfants ayant un rétinoblastome héréditaire développent souvent la maladie à un jeune âge (âge médian de 15 mois). Les tumeurs peuvent se développer à plusieurs endroits dans un seul oeil (maladie multifocale, voir Figure 1) et dans les deux yeux (maladie bilatérale).

Un enfant atteint de rétinoblastome bilatéral a 100 % de chances de présenter une mutation héréditaire. Le rétinoblastome héréditaire peut également se développer de manière asymétrique, avec une tumeur de stade différent dans chaque oeil au moment de la consultation. Ces enfants peuvent aussi présenter d’abord un rétinoblastome unilatéral qui deviendra ensuite bilatéral.

Il est particulièrement important d’identifier un rétinoblastome d’origine héréditaire. Si vous voyez en consultation un enfant atteint de rétinoblastome unilatéral, ne supposez pas qu’il s’agit forcément d’un rétinoblastome non héréditaire : l’on estime que 10 à 20 % des enfants présentant la forme unilatérale de la maladie ont un rétinoblastome héréditaire. Renseignez-vous sur les antécédents familiaux de l’enfant, demandez si certains membres de la famille ont subi une énucléation durant leur enfance et examinez toujours le deuxième oeil à la recherche de signes précoces de tumeur. Envoyez la famille vers un service de conseil génétique et de test génétique, si possible (page 31).

Rétinocytome

Un rétinocytome est une tumeur de l’oeil non cancéreuse provoquée par le même gène. Il faut rechercher des rétinocytomes dans les yeux des parents d’un enfant atteint de rétinoblastome ; la présence d’un rétinocytome dans l’oeil d’un parent ou d’un frère ou soeur confirmera que le rétinoblastome est héréditaire dans cette famille.

Mosaïcisme

Parfois, une mutation aléatoire se produit dans le gène RB1 peu de temps après la formation d’un embryon. En fonction du stade de développement auquel se produit cette mutation, il se peut que certaines cellules du corps de l’enfant comportent ensuite cette mutation du gène RB1, mais pas toutes les cellules. On parle alors de mosaïcisme génétique. Si cette mutation du gène RB1 est présente dans les cellules germinales (ovules ou spermatozoïdes), alors elle pourra être transmise aux générations suivantes.

Rétinoblastome non héréditaire

Le rétinoblastome non héréditaire n’affecte qu’un seul oeil. C’est le type de rétinoblastome le plus courant. Comme son nom l’indique, ce type de rétinoblastome n’est pas hérité des parents et ne se transmet pas aux générations suivantes. Ce rétinoblastome se développe lorsqu’il se produit deux mutations aléatoires dans une même cellule rétinienne, une dans chaque allèle du gène RB1. On parle aussi de rétinoblastome « sporadique ».

Récemment, on a découvert qu’un rétinoblastome pouvait se développer en l’absence de mutation du gène RB1, suite à une amplification de l’oncogène MYCN2. C’est un phénomène rare : ceci ne se produit que chez 3 % enfants présentant un rétinoblastome unilatéral et la maladie se développe à un âge plus jeune, généralement avant six mois.

Références

1 Kivelä T. The epidemiological challenge of the most frequent eye cancer: retinoblastoma, an issue of birth and death. Br J Ophthalmol 2009;93:1129–1131.

2 Rushlow DE, Mol BM, Kennett JY, et al. Characterisation of retinoblastomas without RB1 mutations: Genomic, gene expression, and clinical studies. Lancet Oncol 2013;14:327–334. Available at: www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23498719