RSOC Vol. 13 No. 17 2016 pp 34-37. Publié en ligne 31 mars 2017.

Prévenir la perte visuelle due à la maculopathie

Nicholas Beare

Ophtalmologiste chef de service, St Paul’s Eye Unit, Royal Liverpool Hospital, Liverpool, Royaume-Uni.


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Administration d’injections d’anti-VEGF dans une salle propre. MEXIQUE © Pedro A Gomez Bastar
Administration d’injections d’anti-VEGF dans une salle propre. MEXIQUE © Pedro A Gomez Bastar

Quelles options thérapeutiques pour prévenir la perte de vision causée par la maculopathie diabétique ? Voici quelques recommandations pour mettre en oeuvre avec succès photocoagulation maculaire et injections intravitréennes.

Le traitement au laser pour réduire la perte visuelle due à l’oedème maculaire diabétique (OMD) est moins efficace que la photoagulation pan-rétinienne ne l’est pour réduire le risque de perte visuelle due à la rétinopathie diabétique (RD) proliférante. Les traitements intravitréens sont efficaces, mais ne peuvent pas souvent être mis en oeuvre, pour des raisons de coût élevé et d’accès au traitement.

Quand traiter par photocoagulation maculaire?

Le seuil d’intervention pour la photocoagulation maculaire est généralement la présence d’un oedème maculaire cliniquement significatif (OMCS), tel qu’il est défini dans l’étude ETDRS. L’on considère comme OMCS : tout épaississement de la rétine (oedème) et/ou exsudat(s) situé(s) dans un rayon de 500 μm (1/3 de diamètre papillaire) du centre de la fovéa ; ou encore tout oedème de taille supérieure à une surface papillaire situé à moins d’un diamètre papillaire du centre de la fovéa, y compris un oedème touchant déjà la fovéa. La photocoagulation maculaire est plus efficace si l’OMD est localisé (oedème maculaire focal) que s’il est généralisé et s’étend sur toute la macula centrale (oedème maculaire diffus). La tomographie par cohérence optique (TCO) permet de visualiser en détail les oedèmes maculaires, mais elle n’est pas nécessaire pour déterminer si un patient remplit les conditions d’intervention par photocoagulation au laser, car le seuil d’intervention a été établi avant l’introduction de la TCO.

Les exsudats, s’ils atteignent la fovéa, peuvent parfois menacer ou affecter la vision en l’absence d’oedème maculaire. Le traitement au laser est indiqué en cas d’exsudats sans oedème à une distance du centre de la fovéa inférieure ou égale à 500 μm, en particulier des exsudats de forme longue ou des exsudats en traînées pointant vers le centre.

Conseils pour réussir la photocoagulation maculaire

Figure 1. Exemple de photocoagulation en grille (ou en quinconce) autour de la fovéa. Il est possible de continuer les impacts en direction de la périphérie si nécessaire, mais il ne faut pas plus se rapprocher du centre de la fovéa. © Nicholas Beare
Figure 1. Exemple de photocoagulation en grille (ou en quinconce) autour de la fovéa. Il est possible de continuer les impacts en direction de la périphérie si nécessaire, mais il ne faut pas plus se rapprocher du centre de la fovéa. © Nicholas Beare

La photocoagulation maculaire est beaucoup moins intense et plus mesurée que la photocoagulation pan-rétinienne (PPR). Les impacts du laser maculaire peuvent cibler les microanévrysmes ou bien être appliqués en grille (c’est-à-dire en quinconce) sur toute la zone oedémateuse. Une photocoagulation maculaire combine généralement ces deux approches : l’on cible d’abord les microanévrysmes, puis l’on applique des impacts en quinconce sur les zones oedémateuses non traitées (voir Figure 1).

Bien qu’il soit important de bien focaliser le faisceau laser durant une PPR, cela l’est encore plus durant la réalisation d’une photocoagulation maculaire : la focalisation est absolument cruciale. Les rayons des lasers rétiniens ne sont pas parallèles, mais convergent au contraire en un point focal. Lorsque vous préparez l’équipement laser, assurez-vous de focaliser le laser et la lampe à fente dans le même plan. Vous pouvez ajuster la focalisation sur le fond d’oeil en maintenant le laser en position « Veille » (standby). Focalisez le faisceau, puis ajustez la mise au point de chaque oculaire pour obtenir une image nette.

Pour réaliser une photocoagulation maculaire:

  • La taille de spot utilisée par défaut est 100 μm ; vous pouvez toutefois utiliser un spot de taille plus petite si vous ciblez de petits microanévrysmes et si le patient peut rester parfaitement immobile.
  • Des durées courtes, par exemple 20 millisecondes, entraînent moins de lésions rétiniennes, mais il vous faudra peut-être augmenter la durée de tir pour traiter des microanévrysmes.
  • La puissance du laser doit être faible pour commencer (100 mW) puis augmentée par paliers de 50 mW si nécessaire, comme pour la PPR. Toutefois, il faut que l’impact soit tout juste visible (donc moins visible que dans le cas de la PPR).
  • Ajustez la puissance du laser à distance de la fovéa, au bord de l’oedème maculaire. La raison en est que l’énergie du laser est moins bien absorbée dans les zones oedémateuses. Il sera peut-être nécessaire d’augmenter la puissance du laser dans les zones oedémateuses, mais n’allez pas au-delà d’une augmentation de 100 mV.
  • Lors d’une première séance de photocoagulation maculaire, il faut appliquer les impacts à 750 μm ou plus (un demi-diamètre papillaire) du centre de la fovéa. Si vous avez du mal à visualiser précisément la fovéa, alors élargissez la zone centrale à éviter.
  • La « grille » est constituée d’impacts formant des cercles concentriques et disposés en quinconce ; une fois qu’ils ont réglé la puissance du laser, la plupart des opérateurs préfèrent commencer par le cercle le plus proche de la fovéa et s’éloigner ensuite vers la périphérie en appliquant des impacts formant quatre à six cercles concentriques. Ceci devrait produire une « grille » suffisante pour traiter un oedème maculaire diffus.
  • Si une séance supplémentaire semble nécessaire, et si le patient peut rester immobile, vous pouvez appliquer des impacts formant un autre cercle concentrique, encore plus éloigné du centre, à 500 μm du centre (1/3 de diamètre papillaire). Toutefois, une fois que vous avez terminé votre grille, des impacts supplémentaires n’apporteront aucun bénéfice (contrairement à la PPR, durant laquelle vous pouvez appliquer de nouveaux impacts entre les impacts précédents, aussi souvent que nécessaire).
  • Lorsque l’on cible des microanévrysmes, le résultat à obtenir est, dans l’idéal, un changement de couleur. Il est toutefois difficile d’appliquer l’impact directement sur la cible au premier essai et il ne faut pas s’autoriser plus de cinq essais par microanévrysme donné. Puisque les microanévrysmes se produisent dans la zone d’épaississement de la rétine, il peut être nécessaire d’appliquer des impacts en position légèrement plus antérieure pour photocoaguler plus précisément les microanévrysmes.
  • Lorsque vous appliquez les impacts en quinconce (en grille), la distance entre les impacts devrait être approximativement égale au diamètre d’un spot.

Le plein effet d’une photocoagulation maculaire ne se fera pas sentir avant une durée allant de huit semaines à un an, donc ne vous précipitez pas pour en évaluer le résultat. Le but principal de cette intervention est d’empêcher que la vision ne se détériore davantage et les études récentes portant sur une cohorte de patients traités au laser montrent qu’en moyenne, ce traitement permet d’obtenir une vision stable. Toutefois, en cas d’oedème maculaire focal associé à une bonne vision, cela vaut vraiment la peine de maintenir cette bonne vision grâce à un traitement au laser.

Complications de la photocoagulation maculaire

Les impacts fovéolaires accidentels sont la complication à éviter. Celle-ci peut se produire si:

  1. Vous ciblez des microanévrysmes situés à moins de 500 μm (1/3 de diamètre papillaire) du centre de la fovéa.
  2. Vous n’évitez pas toute la zone centrale de la macula lorsque vous ne parvenez pas bien à visualiser l’emplacement de la fovéa.
  3. Le patient fait un mouvement brusque.

Le pire scénario est une perte immédiate de la vision centrale, mais ce risque peut être atténué en utilisant des durées de tir courtes. Parfois les patients peuvent percevoir des scotomes paracentaux dus aux impacts du laser si ces derniers sont situés près du centre de la fovéa ; il est donc important d’écouter vos patients.

Rôle du traitement intravitréen dans la prise en charge de la maculopathie

Des études récentes ont montré que, chez les patients présentant un OMD dont la vision est devenue inférieure ou égale à 5/10e, le traitement par anti-VEGF entraîne une meilleure amélioration de la vision que le traitement au laser. Ces injections intravitréennes entraînent une diminution rapide et efficace de l’OMD. Le traitement au laser prévient généralement la perte de vision mais n’entraîne pas souvent d’amélioration visuelle. Dans le cas d’yeux présentant une acuité visuelle inférieure à 5/10e, l’amélioration visuelle après injections répétées de bevacizumab est en moyenne de deux lignes sur l’échelle de Snellen ; pour un quart des patients, cette amélioration atteint trois lignes. Ce traitement présente toutefois certains problèmes, y compris son coût, la contrainte que représentent des injections mensuelles et le risque d’infection. Le coût relativement faible du bevacizumab peut s’avérer rédhibitoire pour beaucoup de patients dans les pays à faible ou moyen revenu. Par ailleurs, ce traitement suppose l’existence d’une pharmacie fiable, capable de diviser les doses à usage intraveineux en doses intravitréennes dans des conditions stériles. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, la présence de cas groupés d’endophtalmie a amené les autorités à soupçonner l’existence de lots contaminés de préparations d’anti-VEGF. Dans les régions où il existe moins de règlementations, cette préoccupation est d’autant plus justifiée.

Les résultats d’essais cliniques ont montré que neuf à 12 injections sont nécessaires durant la première année de traitement ; il s’agit donc d’un traitement intensif qui nécessite des rendez-vous réguliers pour obtenir les meilleurs résultats thérapeutiques. Après la première année, le traitement devient moins contraignant, mais certains patients présentent un OMD récurrent et doivent régulièrement recommencer le traitement.

En dépit de ces problèmes, l’efficacité supérieure des injections intravitréennes fait d’elles une option thérapeutique intéressante pour certains patients, notamment ceux qui peuvent payer le prix de ces médicaments et habitent suffisamment près du centre de soins pour s’y rendre aussi souvent que l’exige leur traitement.

Les stéroïdes, le moins cher étant la triamcinolone, constituent une autre option de traitement intravitréen. Le traitement par stéroïdes est efficace, mais les résultats visuels sont amoindris par la cataracte induite par ces médicaments ; en moyenne, même après extraction de la cataracte, les résultats visuels sont moins bons qu’après un traitement par anti-VEGF. Ceci s’explique peut-être par une aggravation de l’OMD ou la présence éventuelle d’un oedème maculaire cystoïde postopératoire. L’injection intravitréenne de stéroïdes est une option thérapeutique, particulièrement chez les patients pseudophaques. L’augmentation de la pression intraoculaire après injection peut être problématique, par conséquent il est important de la surveiller et de traiter si nécessaire.