Chirurgie du trichiasis : une approche centrée sur le patient
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Le trachome est la principale cause de cécité d’origine infectieuse dans le monde. Les cicatrices cornéennes à l’origine de la cécité liée au trachome surviennent lorsque les cils supérieurs se tournent vers l’intérieur de l’oeil et frottent sur la cornée. On parle alors de trichiasis. Si le bord palpébral se tourne vers l’intérieur, on utilise le terme entropion. On estime qu’à l’heure actuelle 8,2 millions de personnes dans le monde présentent un trichiasis et que 3,1 millions de personnes sont aveugles à cause du trachome.
Une analyse systématique des études sur le trachome en population générale a montré que les femmes présentent un risque environ deux fois plus élevé que les hommes de développer un trichiasis. La fréquence du trichiasis augmente avec l’âge ; cependant, dans les communautés dont le taux d’infection est très élevé, les enfants peuvent parfois présenter un trichiasis.
Les personnes ayant développé un trichiasis trachomateux (TT) ont généralement besoin d’un traitement qui consiste soit à faire basculer les cils vers l’extérieur au moyen d’une intervention chirurgicale, soit à supprimer un ou deux cils éversés qui frottent sur la cornée. Dans le deuxième cas de figure, on épile le ou les cils éversé(s) avec une pince. La rotation bilamellaire du tarse (RBLT) et la rotation postérieure du tarse (méthode de Trabut) sont deux interventions chirurgicales couramment utilisées pour traiter le trichiasis trachomateux dans les pays où le trachome est endémique. On estime que ces deux interventions produisent des résultats comparables.
Dans certains pays, le nombre de personnes vivant avec un trichiasis trachomateux non traité est extrêmement élevé. Très souvent, il s’agit de personnes vivant dans des communautés pauvres et reculées. À titre d’exemple, on estime que 1,2 million de personnes en Éthiopie présentent un trichiasis trachomateux et auraient besoin d’un traitement chirurgical. Or le nombre d’opérations du trichiasis réalisées en Éthiopie s’élève à environ 80 000 par an. À ce rythme, il faudrait 15 ans pour opérer tous ces cas de trichiasis trachomateux non traités, et ce sans prendre en compte les nouveaux cas qui ne manqueraient pas de se développer !
Plusieurs raisons permettent d’expliquer le nombre élevé de personne dont le trichiasis n’est pas pris en charge dans les pays d’endémie :
- Les patients ignorent parfois l’existence d’un traitement chirurgical, ou craignent de se faire opérer des yeux. Par conséquent, le nombre de personnes qui décident de se faire opérer est souvent peu élevé, même lorsque l’intervention est gratuite. Parfois, lorsqu’une communauté a conscience que dans une clinique donnée les patients subissent souvent une récidive du trichiasis après l’intervention, ceci augmente la peur de l’opération et a un impact négatif sur le recours au traitement.
- Pour certains patients, les frais de transport jusqu’au service de soins oculaires, ou l’absence d’un compagnon de voyage, représentent des obstacles de taille. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des femmes. Par ailleurs, ces dernières doivent s’occuper des enfants et du ménage et ont rarement le temps d’aller se faire opérer. Parfois, le centre de traitement est tout simplement trop éloigné pour que la population ait recours aux services offerts.
- Dans certains cas, il n’y a tout simplement pas d’offre de traitement. Personne n’a été formé à la chirurgie du trichiasis, ou les équipements et consommables nécessaires ne sont pas disponibles.
Les stratégies visant à réduire le nombre d’opérations du trichiasis en attente varient d’un pays à l’autre et d’un contexte à l’autre.
Ces stratégies comprennent, entre autres : sensibilisation au traitement du trichiasis par l’éducation sanitaire, y compris par des émissions de radio ; offre d’opérations du trichiasis à faible coût, à proximité de l’endroit où vivent les personnes atteintes de TT ; ou renforcement des missions de stratégie avancée dans les communautés où le trachome est répandu.
L’opération du trichiasis peut être réalisée par des infirmiers spécialisés en ophtalmologie ou des médecins formés à cet effet. Il a été établique la chirurgie du trichiasis pratiquée par des non-ophtalmologistes peut produire des résultats comparables à ceux des interventions pratiquées par des ophtalmologistes.
L’un des enjeux consiste à encourager les chirurgiens du trichiasis formés à continuer d’exercer en milieu rural et à les équiper pour qu’ils puissent réaliser suffisamment d’opérations chaque année pour maintenir leur niveau d’expérience et la qualité de leurs résultats.
La formation des chirurgiens est malheureusement de qualité variable et ils ne font pas toujours l’objet d’un encadrement adéquat, ce qui peut entraîner des taux élevés de récidive du TT après intervention. Les chirurgiens qui ne réalisent que quelques interventions du trichiasis par mois ont également tendance à avoir de mauvais résultats chirurgicaux, ce qui entraîne un cercle vicieux : peu de patients, faible productivité, mauvaise qualité de l’intervention et piètres résultats.
Pour vaincre ce cercle vicieux, il nous faut améliorer notre planification et reconnaître que les résultats pourraient être améliorés.
Pour bien planifier la prise en charge du TT, il faut prendre des mesures à différents niveaux du système de santé :
Au niveau national
- Il faut identifier les zones où la prévalence du TT est élevée et en faire des cibles prioritaires des programmes de traitement chirurgical du TT.
- Il faut offrir aux chirurgiens du trichiasis une formation de qualité et les équiper ensuite de manière adéquate. La qualité des soins est de première importance. Afin d’améliorer la qualité des interventions chirurgicales, il faut standardiser la formation des chirurgiens du trichiasis et certifier ces derniers en se basant sur le manuel de l’OMS sur l’évaluation des chirurgiens du trichiasis.
- Il faut porter une attention particulière à la sélection des candidats à la formation, à la création d’une filière professionnelle et à l’encadrement des chirurgiens du trichiasis.
- Il faut mettre à disposition des chirurgiens du trichiasis une quantité suffisante d’instruments et de consommables.
- Lorsque les services, qu’ils soient fournis sur place ou lors d’une mission de stratégie avancée, font appel à des chirurgiens du trichiasis peu compétents et mal encadrés, ceci entraîne des mauvais résultats chirurgicaux et donne mauvaise réputation au programme.
Au niveau du district
- Au niveau du centre de santé, il faut prévoir des moyens de transport pour fournir des interventions de stratégie avancée dans les communautés affectées par le TT et faire en sorte qu’il y ait suffisamment de consommables pour réaliser les interventions chirurgicales (médicaments, fils de suture, pansements, etc.).
- Dans certaines situations, il peut s’avérer nécessaire d’envisager des mesures incitatives (par exemple des primes) pour encourager les bons chirurgiens du trichiasis à participer à des programmes intensifs de chirurgie dans des régions reculées.
Au niveau communautaire
- Au niveau de la communauté, les programmes de chirurgie du trichiasis doivent clairement et délibérément cibler les femmes. Pour réussir un programme de lutte contre le trachome, il faut impliquer les communautés concernées par l’entremise des chefs de village, des représentantes des organisations de femmes, des enseignants, des agents de santé communautaires, des agents de vulgarisation sanitaire ou autres personnels de santé de première ligne. Le recrutement de patientes satisfaites de leur opération du trichiasis s’est révélé être une bonne stratégie pour sensibiliser les femmes et les encourager à se faire opérer.
- Un programme de stratégie avancée doit comporter un volet de sensibilisation de la communauté au trachome. Il doit également impliquer la communauté dans la planification et la mise en oeuvre des activités, et mobiliser la communauté de telle sorte qu’elle finisse par s’approprier le programme. La participation et la mobilisation de la communauté sont essentielles à l’appropriation de la stratégie CHANCE au niveau communautaire et à la réussite de la mise en oeuvre de toutes ses composantes.
- Les responsables de la planification des services de santé au niveau local et communautaire doivent décider de la participation financière éventuelle des membres de la communauté au coût de l’opération. Ceci permettra de mettre en place une prestation de services durable et d’éviter que la communauté ne sous-estime la valeur du service offert (par exemple parce qu’elle considère qu’un service gratuit est de qualité inférieure) ou ne se retrouve dans une situation de dépendance. Ceci étant dit, il ne faut pas que le prix de l’opération soit rédhibitoire pour les patients pauvres.
En résumé, il est essentiel de prendre en compte les besoins des patients. Ceci nécessite une planification exhaustive aux niveaux national, du district et de la communauté afin d’adapter et de renforcer le système de santé pour répondre à ces besoins. L’objectif à terme est que les patients présentant un trichiasis trachomateux soient opérés avec succès, soient satisfaits du résultat et plaident en faveur du traitement au sein de leur communauté. Ce n’est que lorsque nous aurons atteint ce but que nous serons véritablement en mesure d’éliminer le trachome cécitant.
Références
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