RSOC Vol. 16 No. 21 2019 pp 15-16. Publié en ligne 01 août 2019.

Traitement d’urgence : traumatismes perforants et corps étrangers intraoculaires

Nyawira Mwangi

Chercheuse associée, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Londres, Royaume-Uni./h4>

Dorothy M Mutie

Ophtalmologiste et maître de conférences, Kenya Medical Training College, Nairobi, Kenya.


Traumatisme perforant avec hernie irienne. © Helen Keller International
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Un patient présentant un traumatisme perforant doit immédiatement recevoir les premiers soins, puis être envoyé d’urgence dans un service spécialisé, particulièrement en cas de corps étranger intraoculaire.

Jusqu’à 40 % des traumatismes perforants se compliquent par la présence d’un corps étranger intraoculaire (CEIO)1,2. Ce corps étranger peut être toxique (fer, cuivre, matière végétale) ou inerte (verre ou plastique). La perte visuelle résultant d’un traumatisme perforant peut être due à l’effet mécanique du traumatisme ou à des complications post-traumatiques, par ex. endophtalmie, décollement de rétine, toxicité d’un métal ou ophtalmie sympathique2. Si l’on veut contribuer à préserver l’acuité visuelle du patient et l’anatomie du globe, il faut dans les plus brefs délais diagnostiquer le traumatisme et envoyer le patient dans un service où l’on pourra extraire le CEIO et réaliser une réparation chirurgicale.

Identification et diagnostic

Lorsque le patient se présente dans votre centre avec un traumatisme, réalisez une première évaluation (et réanimation, si nécessaire) en appliquant la procédure ABCDEF d’évaluation systématique des patients traumatisés (A : airways = voies respiratoires ; B : breathing = ventilation ; C : circulation, etc.)3. L’encadré ci-contre récapitule les questions à poser lors du recueil des antécédents. Renseignez-vous également sur l’existence éventuelle de comorbidités générales ou d’allergies à des médicaments et renseignez-vous sur l’heure du dernier repas ingéré par le patient. Les traumatismes qui ne sont pas uniquement oculaires, comme les traumatismes crâniens, doivent être pris en charge en collaboration avec d’autres spécialistes.

Recueil des antécédents

  • A Âge du patient
  • D Date et heure du traumatisme
  • M Mécanisme du traumatisme (objet pointu, marteau et burin, scie, ponceuse, explosifs, pare-brise cassé, etc.) et lieu de l’accident (travail, domicile, jardin ou champ, agression physique, accident de la route, etc.)
  • L Lésions subies
  • S Symptômes et signes (douleur, rougeur, baisse de vision)
  • T Traitements et interventions déjà subis
  • V État visuel du patient avant le traumatisme (notamment antécédents d’intervention chirurgicale) et renseignements sur le port ou non d’une protection oculaire au moment de l’accident

Un CEIO incarcéré au niveau du segment postérieur n’est en général pas visible. Il faut supposer la présence d’un CEIO incarcéré dans les milieux endoculaires tant que vous n’avez pas preuve du contraire, même si un traumatisme s’est produit il y a un certain temps1,2.

Notez la meilleure acuité visuelle corrigée dans les deux yeux et effectuez un examen complet de l’oeil et de ses annexes. Utilisez un releveur à paupières de Desmarres pour ne pas exercer de pression sur le globe durant l’examen.

Parmi les observations cliniques et les antécédents qui devraient vous faire suspecter un CEIO, on peut citer : antécédents de martèlement d’un objet métallique, plaie sclérale avec hernie de l’uvée, point d’entrée au niveau de la cornée avec présence d’oedème, chambre antérieure peu profonde, trou au niveau de l’iris, pupille de forme irrégulière, cristallin endommagé et hémorragie intravitréenne.

Prise en charge immédiate

Une fois l’examen terminé, il faut :

  1. Protéger l’oeil avec une coque oculaire.
  2. Administrer des analgésiques par voie générale.
  3. Administrer à titre prophylactique des antibiotiques à large spectre, par voie générale.
  4. Administrer des antiémétiques en cas de nausées ou vomissements.
  5. Appliquer les mesures appropriées de prophylaxie antitétanique.
  6. Recommander un jeûne strict, au cas où le patient devrait subir une intervention chirurgicale.
  7. Noter soigneusement vos observations et les mesures thérapeutiques qui ont été prises.

Attention :

  • Si le patient présente des lacérations, remettez à plus tard le relevé de la pression intraoculaire (PIO).
  • Évitez toute pression sur le globe ; n’appuyez pas sur la sclère, par exemple.
  • N’essayez surtout pas d’extraire un corps étranger faisant saillie à la surface de l’oeil.

Orientation

Envoyez de toute urgence le patient dans un établissement disposant du personnel et équipements suivants :

  • Un chirurgien ophtalmologiste équipé pour réaliser une vitrectomie par la pars plana (nécessaire pour un CEIO du segment postérieur).
  • Équipements d’imagerie permettant de réaliser une radiographie et une échographie de l’orbite, ainsi qu’un tomodensitogramme. L’IRM est contre-indiquée tant que vous n’avez pas exclu la présence d’un CEIO métallique.
  • Un bloc opératoire où l’on pourra dans les plus brefs délais extraire le CEIO, administrer une injection intravitréenne d’antibiotiques et effectuer la réparation chirurgicale qui convient.

Expliquez avec tact au patient qu’il devra peut-être subir plusieurs interventions et que le pronostic visuel est incertain, mais qu’il mettra toutes les chances de son côté s’il se rend au plus vite dans le service spécialisé que vous lui conseillez. Donnez au patient une lettre de recommandation détaillée et prévenez le chirurgien de l’établissement.

Préparatifs pour faire face à cette urgence

Pour être prêt à prendre en charge ce type d’urgence ophtalmologique, votre établissement doit préparer à l’avance ce qui suit :

  • Matériel : releveur à paupières de Desmarres, coque oculaire rigide, sparadrap, ainsi que l’équipement standard pour un examen ophtalmologique.
  • Médicaments : analgésiques, antibiotiques, antiémétiques, vaccins contre le tétanos.
  • Renseignements : coordonnées du service spécialisé le plus proche pouvant réaliser une vitrectomie.

Le personnel doit aussi s’entraîner à :

  • Recueillir le consentement des patients (et l’accord des très jeunes patients).
  • S’entretenir du pronostic visuel avec le patient.
  • Écrire une lettre de recommandation à remettre au spécialiste.

Références

1 Parke DW, Flynn HW, Fisher YL. Management of intraocular foreign bodies: a clinical flight plan. Can J Ophthalmol 2013;48:8-12.

2 Loporchio D, Mukkamala L, Gorukanti K, Zarbin M, Langer P, Bhagat N. Intraocular foreign bodies: A review. Surv Ophthalmol 2016;61:582-596.

3 Mutie D Mwangi N. Assessing an eye injury patient. Comm Eye Health J 2015;28(91):46-48.