Santé oculaire primaire : quels sont les besoins des jeunes enfants ?
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Une santé oculaire primaire intégrée est essentielle pour la détection précoce, l’orientation et la prise en charge des affections oculaires qui touchent les jeunes enfants.
En 2020, le Vision Loss Expert Group (« Groupe d’experts sur la perte de vision ») a estimé que 70,2 millions d’enfants âgés de 0 à 14 ans souffrent de déficience visuelle, dont 1,44 million d’enfants qui sont aveugles1. Ces chiffres sont plus élevés dans les pays d’Asie du Sud et d’Afrique subsaharienne, parce que la prévalence estimée de la cécité y est plus élevée et parce que la population infantile est plus importante dans ces régions.
Des études indiquent que la plupart des enfants aveugles sont nés aveugles à cause d’une maladie congénitale, ou sont devenus aveugles avant l’âge de 5 ans à la suite d’une maladie acquise. Environ 40 à 50 % de ces causes sont évitables, ce qui signifie qu’elles peuvent être prévenues ou traitées. Il est très important d’intervenir à temps dans les cas d’affections oculaires à apparition précoce, car plus le traitement intervient tardivement, plus l’impact négatif est important, non seulement sur la vision de l’enfant tout au long de sa vie, mais aussi sur son développement moteur, cognitif, social et émotionnel. Par exemple, la cataracte, le glaucome et le rétinoblastome peuvent être présents à la naissance ou se développer chez le nourrisson ou durant la petite enfance.
Dans la plupart des pays, les agents de soins de santé primaires sont en contact avec les mères et les enfants âgés de 0 à 5 ans au cours de la période prénatale, lorsque les mères se rendent dans les établissements de soins de santé primaire pour le suivi de leur grossesse, ou dans les centres de santé primaire, où les enfants sont vus en consultation pour le suivi de leur croissance, la supplémentation en vitamine A, et les vaccinations. Les agents de soins de santé primaires sont donc très bien placés pour identifier et orienter de manière appropriée les enfants souffrant d’affections oculaires ; pour ce faire, toutefois, ils ont besoin des connaissances, des compétences et de l’équipement nécessaires, et cela fait souvent défaut.
Que peuvent faire les agents de santé primaire ?
- Promouvoir la santé oculaire. Encourager les mères à se rendre dans des centres de consultation prénatale où les maladies sexuellement transmissibles peuvent être dépistées et traitées afin de prévenir l’ophtalmie néonatale. Sensibiliser les mères à l’importance d’une alimentation saine et à l’hygiène du visage.
- Prévenir les maladies oculaires. Prescrire une prophylaxie oculaire (antibiotiques) immédiatement après la naissance pour prévenir l’ophtalmie néonatale. Promouvoir les suppléments de vitamine A, en fournir aux enfants âgés de 6 mois à 5 ans (lorsque cela est conseillé), et proposer la vaccination des nourrissons contre la rougeole pour prévenir la cécité cornéenne.
- Traiter les maladies oculaires. Traiter les maladies oculaires courantes telles que la conjonctivite.
- Orienter les cas de maladies oculaires complexes. Identifier et orienter les enfants atteints d’affections graves telles que l’ulcère de cornée, la cataracte et le rétinoblastome.
- Réhabiliter les enfants atteints d’affections incurables. Promouvoir le port de lunettes auprès des parents et des enfants, le cas échéant.
Composantes de la santé oculaire primaire pour les enfants
L’objectif de la santé oculaire primaire pour les enfants est de prévenir et de réduire la cécité chez l’enfant. Les dix activités-clés de l’OMS pour la santé oculaire du jeune enfant définissent clairement ce qui doit être fait au niveau primaire du système de santé2. Ces activités portent à la fois sur la prévention et sur la prise en charge active des maladies oculaires chez l’enfant. Elles se répartissent en trois catégories :
- La promotion de la santé à l’intention des mères (par exemple l’allaitement maternel, le lavage du visage et une bonne nutrition).
- Un bon déploiement de mesures préventives spécifiques (par exemple la supplémentation en vitamine A, la vaccination contre la rougeole et la prophylaxie de l’ophtalmie néonatale).
- Le dépistage et l’orientation des enfants présentant des affections oculaires traitables (par exemple la cataracte, le glaucome, les ulcères de cornée et le rétinoblastome).
Les agents de santé primaire doivent posséder des compétences en matière de promotion sanitaire et d’anamnèse ; ils doivent en outre savoir comment administrer des médicaments pour les yeux, comment effectuer un examen oculaire simple et comment examiner le reflet pupillaire, afin d’identifier les cas qui doivent être référés aux personnels spécialisés en soins oculaires. Ces cas complexes incluent notamment :
- Pupilles blanches ou asymétrie du reflet pupillaire
- Yeux anormalement petits ou grands
- Traumatisme grave
- Yeux rouges et douloureux
- Préoccupations concernant la vision d’un enfant exprimées par le parent ou la personne qui est chargée de prendre soin de l’enfant.
Intégration de la santé oculaire primaire dans les programmes de santé infantile
L’intégration de la santé oculaire dans la santé infantile nécessite de former tous les agents de soins de santé primaires s’occupant d’enfants à la prévention, à la détection et à l’orientation des affections oculaires chez l’enfant. Bon nombre des interventions-clés sont déjà des composantes des programmes de santé infantile, notamment la vaccination contre la rougeole, mais les agents de soins de santé primaires devront acquérir de nouvelles compétences cliniques essentielles, telles que l’examen du reflet pupillaire et l’examen de base des yeux de l’enfant à l’aide d’une lampe torche.
Les avantages d’intégrer pleinement les soins oculaires primaires dans les services de santé infantile sont potentiellement énormes. En effet, cette intégration permettrait de renforcer l’accès à la promotion de la santé oculaire et aux mesures préventives, ainsi qu’au dépistage et au traitement, et ce pour tous les enfants3. L’engagement du ministère de la Santé peut conduire à un changement de politique qui permettra l’inclusion de la santé oculaire dans la stratégie de prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (PCIME) élaborée par l’Organisation mondiale de la santé. Une telle collaboration avec le gouvernement peut conduire à des changements positifs à très grande échelle4.
Références
1 Burton M et al. The Lancet Global Commission in Global Eye Health: vision beyond 2020. Lancet Glob Health 2021 ; 9 : e489–551.
2 OMS. A five-year project for the prevention of childhood blindness: Report of a WHO Consultation. Genève : OMS, 2002.
3 Malik ANJ, Mafwiri M, Gilbert C. Integrating primary eye care into global child health policies. Arch Dis Child 2018 ; 103 (2) : 176-80.
4 Malik ANJ, Mafwiri M, Gilbert C, et al. Integrating eye health training into the primary child healthcare programme in Tanzania: a pre-training and post-training study. BMJ Paediatr Open 2020 ; 4 (1) : e000629.
Causes de cécité évitables chez l’enfant : qui impliquer dans les soins oculaires primaires ?*
Le Tableau 1 montre quelques-unes des causes de cécité évitable chez l’enfant, ainsi que le personnel et les services qui voient bien plus souvent (et bien plus tôt) ces enfants que l’ophtalmologiste. On voit bien que, dans ce cas, le rôle des services d’ophtalmologie est tardif et donc négligeable, et qu’il importe d’identifier en amont les services de premier recours afin d’identifier les personnes et services à impliquer dans les soins oculaires primaires (SOP).
Par exemple, la prévention et même l’élimination de l’ophtalmie néonatale passera forcément par l’implication, la formation des sages-femmes et leur approvisionnement en pommade antibiotique ; celle de l’avitaminose A ou de la rougeole compliquée passera par l’implication du programme élargi de vaccination et la formation des services de pédiatrie et des « Soins mère et enfant ». Les mêmes services peuvent également jouer un rôle déterminant dans le dépistage précoce des cataractes et des glaucomes congénitaux.
Le rôle le plus important de l’ophtalmologiste dans la prévention ou la prise en charge précoce de ces pathologies sera en fait de former le personnel de ces services de premier recours.
Tableau 1 Causes de cécité évitables chez l’enfant : qui impliquer dans les soins oculaires primaires ?
Cause de cécité évitable chez l’enfant | Personnes ou services de premier recours (à partir de la communauté) | Rôle des services d’ophtalmologie | Services les mieux adaptés pour les activités de prévention ou de prise en charge précoce (donc à impliquer en priorité) |
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Rougeole compliquée |
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Tardif, donc négligeable Rôle essentiellement de formateur pour les services à impliquer en priorité (voir colonne de droite) | SME1 PEV2 PCIME3 |
Ophtalmie néonatale |
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Tardif, donc négligeable Rôle essentiellement de formateur pour les services à impliquer en priorité (voir colonne de droite) | SME1 Accoucheuses traditionnelles Sages-femmes |
Avitaminose A Xérophtalmie |
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Tardif, donc négligeable Rôle essentiellement de formateur pour les services à impliquer en priorité (voir colonne de droite) | SME1 PEV2 PCIME3 |
Autres affections (traumatisme, cornée, etc.) |
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Tardif, donc négligeable Rôle essentiellement de formateur pour les services à impliquer en priorité (voir colonne de droite) | SME1 PCIME3 |