RSOC Vol. 06 No. 07 2009 pp 17. Publié en ligne 01 janvier 2009.

Prophylaxie de l’endophtalmie par injection intracamérulaire de céfuroxime

David Yorston

Ophtalmologiste, chef de clinique, Tennent Institute of Ophthalmology, Gartnavel Hospital, 1053 Great Western Road, Glasgow G12 0YN, Royaume-Uni.

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Étude de l’ESCRS sur la prophylaxie de l’endophtalmie postopératoire après chirurgie de la cataracte : rapport préliminaire sur les résultats principaux d’une étude européenne multicentrique

Barry P, Seal DV, Gettinby G, Lees F, Peterson M, Revie CW ; ESCRS Endophthalmitis Study Group

Publié dans : J Cataract Refract Surg 2006;32(3): 407-10

Objectif : Rapporter les résultats de l’étude multicentrique sponsorisée par l’ESCRS (Société européenne de la chirurgie de la cataracte et de la chirurgie réfractive) sur la prophylaxie de l’endophtalmie après chirurgie de la cataracte.

Cadre : Vingt-quatre unités et services d’ophtalmologie en Autriche, en Belgique, en Allemagne, en Italie, en Pologne, au Portugal, en Espagne, en Turquie et au Royaume-Uni, avec un bureau administratif en Irlande, un centre coordonnateur en Angleterre et une unité de gestion de données et de statistique en Écosse.

Méthodes : Cette étude clinique multinationale, aléatoire partiellement masquée et avec groupe placebo, avait pour but d’évaluer rétrospectivement l’effet prophylactique d’une injection intracamérulaire de céfuroxime et/ou de l’instillation en peropératoire d’un collyre à la lévoflaxine sur l’incidence de l’endophtalmie après la chirurgie de la cataracte par phacoémulsification. L’étude a débuté en septembre 2003, mais a dû être interrompue avant le terme prévu en janvier 2006. Elle utilisait l’allocation aléatoire de patients selon un plan factoriel 2 x 2.

Résultats : À la fin de 2005, des données de suivi complètes avaient été recueillies pour plus de 13 698 patients inclus dans l’étude. Il a été observé que l’injection intracamérulaire de céfuroxime avait un effet bénéfique si tranché qu’il ne serait pas éthique de continuer l’étude et d’attendre d’avoir recueilli toutes les donnés de suivi avant de communiquer ce résultat important. Si l’on considère le nombre total de cas d’endophtalmie rapportés, le taux d’incidence de l’endophtalmie observé dans les groupes de traitement n’ayant pas reçu une injection intracamérulaire de céfuroxime (23 cas parmi 6 862 patients) était presque cinq fois supérieur (rapport de cote RC : 4,59 ; intervalle de confiance IC 95 % : 1,74 – 12,08 ; p=0,002) au taux observé dans les groupes ayant reçu ce traitement prophylactique (5 cas parmi 6 836 patients). Si l’on ne considérait que les cas dont on avait prouvé qu’ils étaient d’origine infectieuse, le taux était alors plus de cinq fois plus élevé (RC : 5,32 ; IC 95 % : 1,55-18,26 ; p= 0,008) au sein des groupes de traitement n’ayant pas reçu de céfuroxime. Bien que l’instillation peropératoire d’un collyre à la lévoflaxine soit également associée à une réduction du taux observé d’incidence de l’endophtalmie postopératoire, cet effet était moins important et n’était pas significatif sur le plan statistique, que le calcul soit fait avec le nombre total de cas rapportés ou avec le nombre de cas dont on avait prouvé qu’ils étaient d’origine infectieuse. Dans la mesure où toutes les données de suivi ne nous sont pas encore parvenues, il est possible que d’autres cas d’endophtalmie nous soient communiqués ; cependant, nous ne nous attendons pas à ce que ceci change la conclusion principale. Toutefois, nous anticipons que lorsque nous aurons réussi à recueillir les données de suivi pour tous les patients, le nombre total de patients inclus dans l’étude s’élèvera à 16 000.

Conclusion : L’administration d’une injection intracamérulaire de céfuroxime au moment de l’intervention réduit de façon significative le risque que le patient développe une endophtalmie après la chirurgie de la cataracte.

Commentaire

Cet article présente les résultats d’un essai clinique aléatoire à grande échelle, rigoureusement conçu, dont le but était d’évaluer l’efficacité d’une injection intracamérulaire de 1 mg de céfuroxime à la fin de l’intervention de la cataracte. Les résultats ont montré que l’utilisation de céfuroxime avait un effet si bénéfique que l’essai fut interrompu avant le terme prévu, car il ne semblait pas éthique de ne pas proposer à chaque patient ce traitement prophylactique.

En nous basant sur les chiffres ci-dessus, sur 10 000 opérations de la cataracte réalisées sans injection intracamérulaire postopératoire de céfuroxime, nous devrions nous attendre à ce qu’une endophtalmie à culture positive survienne dans 23,3 cas. Avec une injection intracamérulaire de céfuroxime, le nombre de cas serait seulement 4,4 (RC : 5,32 ; IC 95 % : 1,55-18,26).

Dix millions d’opérations de la cataracte sont réalisées dans le monde chaque année. Ceci nous donne une incidence de l’endophtalmie égale à 23 000 par an. Si tous les chirurgiens de la cataracte réalisaient une injection intracamérulaire de céfuroxime à la fin de chaque opération, l’incidence de l’endophtalmie serait seulement de 4 400.

Qu’en est-il de la toxicité ? Il apparaît que l’injection intracamérulaire de céfuroxime ne présente aucune toxicité : des chercheurs en Suède ont publié des résultats portant sur des milliers d’yeux ayant recu une injection intracamérulaire de céfuroxime sans effet indésirable1 .

Il est possible que les résultats sur l’effet prophylactique du céfuroxime en intracamérulaire s’avèrent différents dans les pays en développement. L’étude ci-dessus a été menée en Europe, qui plus est sur des yeux opérés par phacoémulsification. Vraisemblablement, dans la majorité des cas, le chirurgien a réalisé une incision en cornée transparente, sans suture. Dans les pays en développement, peu de services d’ophtalmologie utilisent couramment la méthode de phacoémulsification. Les chirurgiens tendent à préférer l’extraction extracapsulaire, une technique au cours de laquelle l’incision est recouverte d’un lambeau conjonctival et qui est peut-être associée à un risque d’infection moins élevé. Toutefois, dans la mesure où la méthode de fermeture de l’incision n’est pas le seul facteur pouvant influencer la survenue d’une endophtalmie, il se peut tout à fait qu’une injection intracamérulaire de céfuroxime à la fin d’une extraction extracapsulaire ait un effet prophylactique similaire.

En dépit de ces incertitudes, cette étude représente la meilleure preuve que nous ayons concernant la prophylaxie de cette complication accablante.

Référence

1 Montan PG, Wejde G, Setterquist H, Rylander M, Zetterström C. Prophylactic intracameral cefuroxime: evaluation of safety and kinetics in cataract surgery. J Cataract Refract Surg 2002;28(6): 982-987.

Préparation d’une injection de céfuroxime

Matériel nécessaire

  • Flacon de 250 mg de céfuroxime
  • 2 x 10 ml de solution isotonique salée
  • Seringue de 2 ml
  • Seringue de 1 ml

Méthode

  1. Dissoudre le céfuroxime dans 12,5 ml de solution isotonique salée (soit 20 mg/ml)
  2. Prélever 1 ml de la solution de céfuroxime (20 mg) dans la seringue de 2 ml
  3. Compléter jusqu’à 2 ml avec 1 ml de solution isotonique salée (soit 10 mg/ml)
  4. Prélever 0,1 ml de cette solution (1 mg) avec la seringue de 1 ml et injecter dans la chambre antérieure avec une canule de Rycroft, par une paracentèse dans la chambre antérieure.