Prise en charge postopératoire et chirurgie de la cataracte : l’expérience des hôpitaux Aravind
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Le traitement de la cataracte ne se limite pas à l’intervention chirurgicale et les soins postopératoires jouent un rôle important. La prise en charge postopératoire mise en oeuvre dans les hôpitaux Aravind, présentée ici, s’appuie fortement sur le conseil aux patients.
« Votre opération est réussie ». Entendre ces mots de la bouche du chirurgien ophtalmologiste est un vrai soulagement pour le patient. Tout est bien qui finit bien. Toutefois, nous devons, en tant que professionnels de l’ophtalmologie, nous assurer que le patient sache qu’une opération de la cataracte réussie n’est pas synonyme de fin du traitement de la cataracte. Une bonne prise en charge postopératoire est aussi importante que les soins prodigués par le chirurgien avant et pendant l’opération.
Dans les hôpitaux ophtalmologiques Aravind, nous insistons sur une bonne prise en charge postopératoire, en particulier parce qu’une excellente intervention chirurgicale peut se solder par un piètre résultat si les soins postopératoires ne sont pas adéquats.
Dans nos hôpitaux, de nombreux patients sont opérés en ambulatoire et d’autres sont hospitalisés, en particulier les patients identifiés durant des activités de stratégie avancée. Dans cet article, nous présentons la façon dont se déroulent les soins postopératoires dans ces deux cas de figure.
En fin d’intervention
Pour toutes les opérations de la cataracte, la procédure se termine par une injection intracamérulaire d’antibiotiques (pour une prophylaxie de l’endophtalmie). Nous utilisons dans ce cas de la moxifloxacine intracamérulaire, qui diminue la fréquence de l’endophtalmie postopératoire, la faisant passer de 8 cas sur 10 000 opérations à 2 cas sur 10 000.1 Ensuite, une goutte de povidone iodée à 5 % est instillée dans le sac conjonctival et l’oeil est refermé.
Parallèlement à l’injection intracamérulaire d’un antibiotique et à l’administration par voie topique de povidone iodée lors de l’opération, l’administration topique d’un collyre antibiotique pendant la période qui suit immédiatement l’opération aide à prévenir la survenue d’une infection due à la contamination de la chambre antérieure pendant l’opération ou pendant la période qui suit immédiatement l’opération. En cas de rupture de la capsule postérieure pendant l’opération, les patients commencent un traitement antibiotique systémique (ofloxacine 200 mg deux fois par jour) le jour de l’opération et pendant 3 jours, en mesure prophylactique supplémentaire contre l’endophtalmie.
En salle post-anesthésique
Les patients sont emmenés en salle de réveil où ils reçoivent des conseils quant aux soins qu’ils devront prodiguer à leur oeil pendant la période postopératoire. La bonne méthode d’instillation des gouttes leur est enseignée pendant la séance de conseil. Les patients apprennent à nettoyer le bord palpébral ainsi que la zone périphérique avec du coton chirurgical (qui est inclus dans leur kit postopératoire) et il leur est conseillé de ne laisser aucun fluide ni corps étranger pénétrer dans l’oeil. Le port de lunettes sombres (lunettes de soleil) est recommandé à l’extérieur pour se protéger et être moins ébloui.
Les patients en ambulatoire portent un pansement oculaire et une coque oculaire pour rentrer chez eux. Ils reçoivent des instructions à suivre le jour de l’intervention :
- Retirer le pansement oculaire et la coque oculaire 2 à 3 heures après être arrivé à domicile.
- 6 heures après l’opération, instiller des gouttes antibiotiques toutes les heures (5 à 6 fois en tout) et des corticoïdes topiques toutes les deux heures (3 fois en tout). À compter du jour suivant, les corticoïdes sont instillés 6 fois par jour, puis progressivement réduits.
- Porter un pansement oculaire stérile (donné aux patients lors de leur sortie) la première nuit suivant l’opération.
Le même régime s’applique aux patients hospitalisés, mais le collyre est administré par le personnel infirmier.
Examen postopératoire
Tous les patients sont examinés le premier jour suivant l’opération afin d’exclure toute complication postopératoire précoce, de diagnostiquer toute pathologie du fond d’oeil, ce qui était impossible avant l’opération en raison de l’opacité des milieux oculaires, et d’évaluer le résultat visuel postopératoire immédiat.
L’examen inclut une mesure de l’acuité visuelle, avec et sans trou sténopéique, un examen à la lampe à fente et un examen du fond d’oeil. L’examen se fait après dilatation pupillaire. Une attention particulière est portée à la plaie (pour vérifier si elle est bien fermée bord à bord), à la clarté de la cornée, à la profondeur de la chambre antérieure, à la réaction cellulaire et à l’emplacement et au centrage de la lentille intraoculaire. En cas de fuite de la plaie, de présence importante de matériau cristallinien résiduel ou de décentrage de la lentille intraoculaire, une seconde opération est planifiée. Un examen du fond d’oeil est fait avec une lentille de + 90 dioptries pour exclure la présence d’un glaucome ou d’une pathologie rétinienne.
Dans le cas d’une rupture de la capsule postérieure, un examen plus détaillé est requis. Vérifier s’il y a présence éventuelle de vitré dans la chambre antérieure, pour détecter s’il touche la cornée (ce qui entraînerait un bloc pupillaire) ou si des mèches de vitré sont insérées dans la plaie. Dans ce dernier cas, une vitréolyse au laser Nd YAG est planifiée et, en cas de présence de vitré dans la chambre antérieure, une vitrectomie antérieure est réalisée. Dans le cas d’une rupture de la capsule postérieure, un examen détaillé de la cavité du vitré est également requis pour exclure la luxation de fragments nucléaires ou corticaux.
Séance de conseil postopératoire
Le premier jour après l’opération (jour 1), les patients sont à nouveau vus et conseillés. Le besoin d’un suivi après 30 jours est réitéré et le traitement médicamenteux postopératoire est expliqué. Il est également recommandé aux patients de consulter un ophtalmologiste immédiatement en cas de douleur soudaine, de rougeur oculaire ou de détérioration de la vue.
Dans les hôpitaux Aravind, le conseil tient une place prépondérante : des conseillers spécialement formés doivent conseiller de façon adéquate les patients et répondre à toutes leurs questions. À la fin de la séance de conseil, une liste de contrôle est utilisée pour s’assurer que tous les aspects importants ont été communiqués au patient (Figure 1). Les conseillers expliquent également aux patients quand ils pourront reprendre leurs différentes activités.
Sortie de l’hôpital
La plupart des patients hospitalisés sortent le premier jour après l’opération. Toutefois, ceux qui ont été orientés dans le cadre de nos activités de stratégie avancée sortent le deuxième ou le troisième jour selon la distance à laquelle se trouve leur village. Un document de sortie détaillé est donné aux patients. Il inclut le détail des médicaments postopératoires, comme les corticoïdes topiques et le collyre antibiotique.
Les corticoïdes sont utilisés 6 fois par jour la première semaine et réduits toutes les semaines pendant 6 semaines. Des antibiotiques topiques sont utilisés 3 fois par jour pendant 2 semaines après l’opération. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) topiques, comme le népafénac ou le kétoralac, sont généralement prescrits lors de la visite de suivi du premier mois afin de réduire l’incidence d’oedème maculaire cystoïde (OMC) et de prévenir les rebonds inflammatoires pouvant survenir après la diminution et l’arrêt des stéroïdes. Pour les patients présentant un risque élevé, par exemple en cas de rupture de la capsule postérieure avec issue de vitré, ou en cas d’OMC après opération du premier oeil, un collyre d’AINS est prescrit immédiatement après l’opération.
Visites de suivi
Lors de la visite de suivi du premier mois, un examen de la réfraction est effectué et des lunettes sont prescrites aux patients en fonction de leurs besoins. Leur pression intraoculaire est contrôlée afin d’exclure toute élévation consécutive à l’utilisation de corticoïdes topiques. L’oeil est examiné en détail pour y déceler toute éventuelle séquelle postopératoire et l’autre oeil est examiné pour planifier l’opération de la cataracte du second oeil, en cas de besoin. Certains patients peuvent être rappelés avant la fin du premier mois en cas de complication peropératoire ou postopératoire. Il est conseillé aux patients de faire un examen annuel de suivi une fois les deux yeux opérés.
Conclusion
Bien que le chirurgien et l’équipe de soins oculaires jouent un rôle prépondérant dans l’intervention chirurgicale, les soins postopératoires supposent le partage de responsabilités entre l’équipe de soins oculaires et le patient. Il est essentiel de faire comprendre au patient l’importance de l’observance du traitement et du suivi, afin d’assurer un bon résultat de l’opération de la cataracte.
Référence
1 Haripriya, Chang DF, Namburar S, Smita A, Ravindran RD. Efficacy of Intracameral Moxifloxacin Endophthalmitis Prophylaxis at Aravind Eye Hospital. Ophthalmology.2016 Feb ;123(2) : 302-8.