Prêts à effectuer le dépistage ? Commencez avec l’objectif en tête
Related content
Les programmes de santé oculaire en milieu scolaire doivent être bien planifiés. Avant le début de toute activité, chaque membre de l’équipe doit connaître les objectifs et savoir comment l’on va suivre la réalisation des progrès accomplis. Ce n’est qu’ainsi que les programmes pourront avoir un impact maximal.
Lorsque l’on planifie une initiative de santé oculaire en milieu communautaire, comme dans tout processus de planification, il est important de déterminer ce que l’on souhaite réaliser. Avant d’agir, il faut se poser la question suivante : « Quels sont les résultats positifs que nous espérons obtenir, et qui va en bénéficier ? ». Ce changement positif est le but ou l’impact du programme. Il est important de se poser cette question dès le début de la planification des programmes de santé oculaire en milieu scolaire. En fonction de l’objectif, différentes activités peuvent être envisagées, chacune d’entre elles pouvant bénéficier à différents groupes de personnes.
Activités au profit des élèves
- Détection et prise en charge des erreurs de réfraction chez les élèves.
- Détection et orientation des enfants présentant d’autres affections oculaires.
- Formation des infirmières scolaires à la détection et au traitement des troubles oculaires simples chez les enfants en milieu scolaire.
- Éducation à la santé pour apprendre à protéger la santé oculaire des enfants.
Activités au profit des enseignants
- Détection et prise en charge des erreurs de réfraction chez les enseignants, y compris la presbytie.
- Détection et orientation des enseignants présentant une mauvaise vision ou des antécédents de cataracte, de glaucome ou de rétinopathie diabétique.
Activités au profit des communautés
- Éducation des enfants afin qu’ils deviennent des catalyseurs de changement et contribuent à l’amélioration de la santé oculaire dans leur famille et leur communauté (voir aussi le site en anglais : www.childtochild.org.uk)
Après avoir décidé des composantes à inclure, les activités nécessaires à la réalisation de l’objectif peuvent être planifiées en partant de l’objectif ou de l’impact désiré (voir Figure 1). Il est important de décrire les objectifs qui, s’ils sont mis en oeuvre, permettront d’atteindre le but ou l’impact visé. Les objectifs doivent être clairs, précis et mesurables. Le terme SMART (Spécifique, Mesurable, Ambitieux, Réaliste, et Temporellement défini) est souvent utilisé.
Exemple
Considérons par exemple un programme de santé oculaire en milieu scolaire dont l’objectif serait défini comme suit : « Réduire les déficiences visuelles dues à des erreurs de réfraction non corrigées et à d’autres problèmes oculaires chez les enfants, améliorer la vision de près des enseignants, et réduire le risque de perte visuelle due à la rétinopathie diabétique chez les enseignants atteints de diabète ».
Pour atteindre ce but, on peut imaginer les objectifs suivants :
- Former …* enseignants dans ….* écoles à la réalisation d’un test de la vue chez l’enfant.
- Soumettre …* enfants âgés de 10 à 18 ans à un test de dépistage oculaire, entre [date 1] et [date 2].
- Fournir des lunettes pour la vision de loin à …* % des enfants, dont …* % seront des lunettes prêtes à l’emploi.
- Orienter …* % des enfants vers l’hôpital de base pour une évaluation et un traitement appropriés.
- Recommander un test de dépistage de la rétinopathie diabétique, et un traitement éventuel, à …* enseignants (dont …* % de ceux âgés de 40 ans et plus présentent un diabète).
* Les nombres vont varier d’un endroit à l’autre et doivent être basés sur les données publiées dans des revues scientifiques ou dans les rapports de programmes de santé oculaire en milieu scolaire ayant déjà eu lieu au même endroit ou dans un endroit similaire.
Les activités nécessaires pour mettre en oeuvre les objectifs sont présentées dans l’encadré à la page 32. Une fois les activités planifiées, les intrants nécessaires à leur réalisation peuvent être identifiés et budgétisés. Les objectifs sont également importants dans la mesure où ils génèrent les indicateurs nécessaires au suivi des progrès réalisés dans la mise en oeuvre du programme (voir pages 32–33).
La plupart des programmes de santé oculaire en milieu scolaire ne recueillent pas de données au-delà du nombre de paires de lunettes distribuées ou offertes. Cela signifie qu’il n’est pas possible de savoir si le programme a eu un impact, s’il a été bénéfique pour les enfants ou les enseignants (voir la ligne « Ne pas s’arrêter à cette étape ! » dans la Figure 2).
Lorsque le nombre et la proportion d’enseignants qui sont référés à l’hôpital de base et qui suivent un traitement ne sont pas connus, on ne peut pas savoir s’ils en ont retiré un bénéfice (on ne peut que le supposer). De même, en l’absence de données concernant le nombre d’enfants qui obtiennent des lunettes et le nombre et la proportion d’enfants qui les portent par la suite, nous ne pouvons pas évaluer l’impact du programme.
Nous supposons souvent que les enfants obtiendront leurs lunettes et les porteront, alors qu’en fait le nombre d’enfants qui reçoivent et portent effectivement leurs lunettes n’est peut-être pas assez important pour que l’activité en vaille la peine. De même, nous supposons souvent que les enfants et les enseignants bénéficient d’une meilleure fonction visuelle et sont satisfaits du traitement qu’ils ont reçu grâce au programme. Cependant, le seul moyen de le savoir consiste à recueillir des données adéquates.
Il est relativement facile de recueillir des informations supplémentaires pour évaluer la couverture du programme et la qualité du dépistage (voir Figure 2 page 31).
Comment utiliser les informations recueillies dans le cadre des programmes de santé oculaire en milieu scolaire
Pourquoi faire tant d’efforts pour recueillir ces informations ? La réponse est que l’évaluation de ce que nous faisons nous permet de mettre en lumière les améliorations à apporter. Par exemple, si aucun des enseignants diabétiques identifiés ne se rend à l’hôpital de base pour un examen de la rétine, il est important que nous le sachions. Nous devrons alors en découvrir la cause afin que des mesures correctives puissent être prises, ou mettre fin à l’activité. Si le programme inclut les enfants âgés de 5 à 9 ans, il est important de connaître la proportion d’enfants qui ont besoin de lunettes, et ensuite la proportion d’enfants qui les portent. Si ce nombre est très faible, il faudra se demander si l’inclusion de ce groupe d’âge est une bonne manière d’utiliser les ressources.
Activités basées sur les objectifs 1 à 5 et données de suivi à recueillir
Dans l’exemple choisi, les activités à mettre en oeuvre comprennent notamment :
- Former les enseignants à tester la vision de chaque oeil avec une ligne d’optotypes pour les seuils 7/10e et 5/10e
- Dépistage par test de vision et examen oculaire de base pour les enfants
- Recueil des données obtenues sur l’acuité visuelle, la réfraction et la meilleure acuité visuelle avec correction pour ceux qui échouent au test de vision
- Prescription et distribution de lunettes (faites sur mesure ou prêtes à l’emploi) aux enfants qui satisfont aux critères de prescription
- Orientation des enfants dont la vision ne s’améliore pas avec la réfraction, qui présentent des anomalies oculaires, ou qui auraient besoin d’un examen de la réfraction sous cycloplégie
- Évaluation de la vision de près des enseignants à l’aide de méthodes standard et distribution de lunettes de lecture si nécessaire
- Conseils à tous les enseignants qui ont des antécédents connus de diabète et orientation pour un examen de la rétine.
Les objectifs vont déterminer les données à recueillir (les indicateurs) pour suivre en continu les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs et pour évaluer la qualité du programme. Voici des exemples de données de suivi à recueillir :
- Nombre d’enseignants formés
- Nombre d’enfants soumis au dépistage oculaire
- Nombre d’enfants à qui l’on a prescrit des lunettes
- Nombre d’enfants orientés vers un service d’ophtalmologie.
Tableau 1. Recueillir des données (voir Figure 2) pour identifier les problèmes Dans cet exemple, seulement 28 enfants ont bénéficié d’une meilleure vision, alors qu’on estimait à 400 le nombre d’enfants qui auraient pu tirer bénéfice de ce dépistage.
Besoins réels | ||
---|---|---|
Nombre total d’enfants | 10 000 | |
On estime que 4 % ont des erreurs de réfraction importantes | 400 | Ont besoin de lunettes |
Données de suivi | ||
Nombre total d’enfants | 10,000 | |
80 % (de 10 000) soumis au dépistage | 8 000 | |
8 % (de 8 000) ont échoué au dépistage | 640 | |
60 % (de 640) se sont présentés à l’examen de la réfraction | 384 | |
60 % (de 384) ont reçu une ordonnance pour des lunettes | 230 | |
40 % (de 384) avaient une vision normale lors de ce nouveau test | 154 | [Faux positifs] |
Données relatives aux résultats | ||
50 % (de 230) ont obtenu leurs lunettes | 115 | |
30 % (de 115) portent leurs lunettes | 35 | Portent des lunettes |
Données d’impact | ||
80 % (de 35) déclarent que leur vision s’est améliorée | 28 | Satisfaits |
Supposons que l’on envisage de tester la vue de 10 000 enfants âgés de 10 à 15 ans et que l’on estime que 4 % d’entre eux présentent des erreurs de réfractions non corrigées (voir Tableau 1). Il y aura par conséquent environ 400 enfants ayant besoin de lunettes dans cette population de départ. Supposons qu’un suivi minutieux révèle que 4 écoles n’ont pas pris part au dépistage et que seulement 8 000 enfants ont subi un test de dépistage oculaire. 8 % des 8 000 enfants testés ont échoué au dépistage oculaire, mais seulement 60 % d’entre eux se sont présentés au test de réfraction. Parmi les enfants ayant subi un test de la réfraction, certains enfants se sont avérés avoir une vue normale (il s’agissait donc de faux positifs) ; dans les autres cas, les enfants avaient effectivement besoin de lunettes et ils ont reçu une ordonnance. Parmi les enfants à qui l’on a prescrit des lunettes, seulement 50 % ont obtenu ces lunettes et parmi ces 50 %, seulement 30 % des enfants portaient effectivement leurs lunettes 4 mois plus tard et 80 % d’entre eux étaient satisfaits de leurs lunettes. Ces données sont présentées dans le Tableau 1 ; il apparaît donc que, bien que l’on ait prévu au départ que 400 enfants ayant besoin de lunettes profiteraient de ce dépistage oculaire, au final seulement 35 enfants portaient des lunettes et seulement 28 d’entre eux étaient satisfaits de leurs lunettes (ce qui représente 7 % des 400 enfants qui devaient tirer bénéfice de ce dépistage). Il faut recueillir le même type de données pour les enfants chez qui le dépistage oculaire révèle une anomalie et qui sont orientés vers des services de soins oculaires. S’il s’avère que peu d’entre eux ont suivi ces recommandations, il faudra en établir les raisons et prendre les mesures correctives nécessaires.
Les données présentées dans le Tableau 1 soulèvent de nombreuses questions dont l’examen pourrait permettre d’améliorer le programme de dépistage oculaire. Pour améliorer la couverture, par exemple, il faudra peut-être mieux expliquer le programme aux chefs d’établissement ou faire preuve de plus de souplesse quant au calendrier de mise en oeuvre du programme. Dans l’exemple présenté ici, environ deux fois plus d’enfants que prévu ont échoué au dépistage oculaire (8 %, au lieu des 4 % prévus). Un pourcentage élevé (40 %) des enfants qui ont échoué au dépistage et se sont présentés pour le test de réfraction n’avaient en fait pas besoin de lunettes. Ceci suggère que le test de dépistage oculaire pourrait être amélioré (voir article à la page 36). Le fait que seulement 60 % des enfants ayant échoué au dépistage se soient présentés pour le test de réfraction suggère également que le lieu ou les conditions d’administration de ce test méritent réflexion. Seulement la moitié des enfants à qui l’on a prescrit des lunettes les ont effectivement obtenues (ce qui est une constatation courante) donc il faut réfléchir aux moyens d’améliorer l’accès immédiat à des lunettes abordables et de qualité (voir article à la page 38).
En résumé, les programmes de santé oculaire en milieu scolaire doivent être soigneusement planifiés et suivis afin de tirer le meilleur parti possible des ressources disponibles.