Myopie de l’enfant : rôle des programmes intervenant en milieu scolaire
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Des solutions passionnantes sont en cours de développement pour lutter contre l’énorme augmentation du nombre de cas de myopie chez l’enfant, notamment en Asie de l’Est. Les programmes de santé oculaire en milieu scolaire peuvent faire toute la différence dans la lutte contre la déficience visuelle due à des erreurs de réfraction non corrigées chez l’enfant.
Le nombre d’enfants dans le monde dont la déficience visuelle est due à des erreurs de réfraction non corrigées (ERNC) s’élève à 12,8 millions1 et les ERNC sont la principale cause de déficience visuelle chez l’enfant partout où des études ont été menées sur ce sujet2. La moitié des enfants présentant une déficience visuelle due à une ERNC vivent en Chine1, où le nombre total présentant une ERNC atteindra 100 millions en 20203. La prévalence de la myopie, qui est l’erreur de réfraction la plus courante, augmente rapidement chez les enfants à travers le monde, atteignant 80 à 90 % chez les élèves du secondaire en Asie orientale4.
Pourquoi faut-il s’en soucier ?
Les lunettes sont essentielles à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies sur l’accès à des services de santé essentiels et à une éducation équitable et de qualité5. Le port de lunettes est un moyen peu coûteux, sûr et efficace pour corriger les erreurs de réfraction. Lorsqu’on fournit des lunettes à un enfant, on améliore considérablement ses résultats scolaires6 et on lui donne accès à des opportunités dont il pourra profiter tout au long de sa vie.
Défis à relever
Malheureusement, dans les régions où les ressources sont limitées, seulement 15 à 25 % des enfants qui ont besoin de lunettes en bénéficient6,7. Les raisons de cette occasion manquée sont multiples :
- Le coût des lunettes (il a été démontré que la fourniture de lunettes gratuites double le taux d’utilisation).
- La crainte que les lunettes nuisent à la vision des enfants, même s’il a été prouvé que cette crainte est infondée8.
- Le manque de connaissances des parents sur la myopie de leur enfant.
- Le faible taux d’utilisation des lunettes fournies (ce taux peut être amélioré par diverses méthodes, notamment les encouragements des enseignants).
- L’idée que le port de lunettes est inesthétique ou peu commode.
- La mauvaise qualité des services de réfraction disponibles9.
Solutions : réduire les cas de myopie chez l’enfant
La lutte contre la myopie a connu récemment des évolutions importantes en ce qui concerne les mesures de prévention ou de ralentissement de l’évolution de la myopie. Ces dernières incluent maintenant l’augmentation du temps passé à l’extérieur1, les lentilles à double foyer ou foyers multiples, les lentilles cornéennes dures portées pendant la nuit, et l’utilisation de gouttes d’atropine à très faible concentration. Il apparaît que quand les enfants passent 40 minutes de plus à l’extérieur chaque jour, ceci peut réduire d’un quart les nouveaux cas de myopie10 ; certaines études suggèrent que le fait de passer plus de temps à l’extérieur pourrait même permettre une réduction atteignant 50 %. Dans des pays comme la Chine où les taux de myopie sont très élevés, il est difficile pour les enfants de passer plus de temps à l’extérieur à cause de la pression scolaire qui les pousse à étudier davantage. Cependant, sur l’île de Taïwan, un programme à grande échelle appelé « Daily 120 » a permis à tous les enfants de passer deux heures (120 minutes) en plein air par jour d’école, et il semblerait que cela soit en train de réduire le taux de myopie. L’augmentation du temps que les enfants passent en plein air peut également réduire le risque de diabète et d’obésité infantile, deux problèmes qui prennent de plus en plus d’ampleur chez les enfants à travers le monde. Le temps passé à l’extérieur permet aussi de lutter contre la carence en vitamine D.
En ce qui concerne l’atropine, des concentrations plus élevées peuvent causer une vision trouble pendant la lecture et une photophobie en raison de la dilatation pupillaire. Cependant, des études récentes à Singapour11 suggèrent que l’utilisation de très faibles concentrations (0,01 %) présente plusieurs avantages : cette dose a un effet presque aussi fort sur le ralentissement de l’évolution de la myopie que des concentrations plus élevées, mais elle n’affecte pas la vision de près, ne cause aucun problème de photosensibilité et, plus important encore, ne semble pas avoir un effet rebond significatif (aggravation de la myopie après l’arrêt du traitement). L’effet de l’atropine à 0,01 % dans la réduction de la myopie pourrait en fait être supérieur à celui obtenu avec des concentrations plus élevées.
Solutions : les programmes de dépistage en milieu scolaire
En attendant que ces nouvelles stratégies soient prêtes à être utilisées à plus grande échelle, les écoles offrent un cadre avantageux pour le dépistage traditionnel des troubles de la vue chez l’enfant. Les taux de scolarisation continuent d’augmenter partout dans le monde et l’école est un endroit où l’on peut retrouver la majorité des enfants d’une communauté et où un suivi régulier peut être assuré, souvent avec l’aide d’enseignants qui connaissent bien les besoins des enfants. Les enfants scolarisés sont plus susceptibles de développer une myopie nécessitant le port de lunettes, et les lunettes sont plus susceptibles de conduire à de meilleurs résultats scolaires si les enseignants encouragent les enfants à les porter à l’école. La prise en charge de tous les troubles de la vue affectant les enfants dans un lieu donné peut être réalisée en collaborant avec les établissements de soins ophtalmologiques avoisinants. Les programmes de soins oculaires en milieu scolaire fonctionnent mieux dans les zones où l’on observe une forte prévalence des erreurs de réfraction, un taux de scolarisation élevé, une forte densité de population, et de bonnes infrastructures de transport. Ceci est illustré par les deux exemples ci-après.
Le programme social « Seeing for Learning » de REAP (Rural Education Action Programme) est un exemple de collaboration réussie entre les secteurs privé et public. Il propose des services de dépistage oculaire et fournit des lunettes aux enfants vivant dans les zones rurales en Chine. Les enseignants sont formés pour assurer le dépistage oculaire initial parmi les élèves, puis les enfants qui ont besoin de soins supplémentaires sont référés vers des centres ophtalmologiques affiliés dans des hôpitaux avoisinants. Après des examens complémentaires et une réfraction effectuée par un professionnel de la santé au centre ophtalmologique, les enfants des écoles rurales reçoivent gratuitement leur première paire de lunettes. Ainsi, le centre ophtalmologique a accès à un nouveau segment de consommateurs, les enfants ont accès aux services et aux lunettes dont ils ont besoin, les écoles obtiennent de meilleurs résultats, et on reconnaît que le gouvernement régional a fait des efforts pour trouver une solution à un problème de santé publique.
Le nouveau programme REACH (Refractive Error Among Children) mis en oeuvre par Orbis dans 15 districts en Inde (soit trois millions d’élèves) travaille avec des partenaires locaux sur la problématique de l’erreur de réfraction non corrigée (ERNC). Les lignes directrices de REACH aident à uniformiser le processus de dépistage pour tous les partenaires. Le programme utilise des appareils de dépistage de poche à LED, des autoréfractomètres portables, et REACHSoft, une solution logicielle complète conçue pour recueillir des données relatives à la planification, la mise en oeuvre et le suivi en temps réel des activités sur le terrain. Les données générées sont analysées et utilisées pour mieux comprendre les difficultés locales en matière de prestation de services, facilitant ainsi la mise en oeuvre de futurs programmes.
Ces exemples de programmes de santé oculaire en milieu scolaire, et bien d’autres programmes à travers le monde, rassemblent les prestataires de soins de santé et les professionnels de l’éducation afin d’améliorer la vision des enfants dans le lieu où cette amélioration aura le plus d’impact : dans les écoles, où une bonne vision facilite l’apprentissage.
Références
1 Resnikoff S et al. Global magnitude of visual impairment caused by uncorrected refractive errors in 2004. Bull World Health Organ 2008;86(1): 63–70.
2 Ellwein LB. Case finding for refractive errors: Assessment of refractive error and visual impairment in children. Community Eye Health 2002;15(43): 37.
3 Sun HP et al. Secular trends of reduced visual acuity from 1985 to 2010 and disease burden projection for 2020 and 2030 among primary and secondary school students in china. JAMA Ophthalmol 2015;133(3): 262-8.
4 Morgan IG et al. Myopia. The Lancet 2012;379(9827): 1739–48.
5 UN. Sustainable Development Goals. [Available from: http://www.un.org/sustainabledevelopment/education/]
6 Ma X et al. Effect of providing free glasses on children’s educational outcomes in China: cluster randomized controlled trial. BMJ 2014 23;349: g5740.
7 Wang X et al. Population prevalence of need for spectacles and spectacle ownership among urban migrant children in Eastern China. JAMA Ophthalmol 2015;133(12): 1399–406.
8 Ma X et al. Safety of spectacles for children’s vision: a cluster-randomized controlled trial. Am J Ophthalmol 2015;160(5): 897–904.
9 Zhou Z, Zeng J, Ma X, Pang X, Yi H, Chen Q, et al. Accuracy of rural refractionists in western China. Invest Ophthalmol Vis Sci 2014;55(1): 154–61.
10 He M et al. Effect of time spent outdoors at school on the development of myopia among children in China: a randomized clinical trial. JAMA 2015;314(11): 1142–8.
11 Chia A et al. Five-year clinical trial on atropine for the treatment of myopia 2: Myopia control with atropine 0.01% eyedrops. Ophthalmology 2-16;123: 391–9.