RSOC Vol. 21 No. 31 2024 pp 20-21. Publié en ligne 12 juillet 2024.

L’unité de production de collyres du Ruharo Mission Hospital

Dan Kuguminkiriza

Pharmacien de l’unité de production de collyres, Ruharo Eye Centre, Ruharo Mission Hospital, Mbarara, Ouganda.


Abeer H A Mohamed-Ahmed

Chercheuse associée en pharmacologie et gestion d’essais cliniques, London School of Hygiene & Tropical Medicine, Royaume-Uni.


Quatre photographies distinctes montrant l’extérieur et l’intérieur de l’unité de production.
Figure 1 L’unité de production de collyres du Ruharo Mission Hospital. Dans le sens horaire, en commençant en haut à gauche : l’extérieur du bâtiment, la salle blanche, la salle de contrôle qualité, et la salle de préparation des matières premières. Adapté de : voir référence1. © Ruharo Mission Hospital CC BY-NC-SA 4.0
Related content

Quatre ans seulement après son lancement, cette installation basée en milieu hospitalier en Ouganda détient l’autorisation de fabriquer dix médicaments ophtalmologiques, rendant ces derniers plus abordables pour les patients et plus accessibles.

Le centre de soins oculaires Ruharo (Ruharo Eye Care Centre) fait partie du Ruharo Mission Hospital en Ouganda et traite des patients souffrant d’une large gamme d’affections oculaires, telles la cataracte, le glaucome et les infections cornéennes.

Une unité de production de collyres a été mise sur pied en 2019 afin de fournir des collyres de haute qualité à un prix abordable, pour traiter des affections oculaires courantes.

À l’origine, il s’agissait d’un petit laboratoire qui préparait des collyres par petits lots de 50 unités. Un système de seau était utilisé pour la stérilisation. Avec l’augmentation de la demande, l’installation a commencé à produire des lots de 100 unités, puis de 400 unités.

Cependant, la satisfaction de la demande et l’approvisionnement en ingrédients ont rapidement posé problème. Une autorisation de fabrication a donc été demandée pour permettre à l’unité d’importer ses propres matières premières et emballages. Au cours de cette procédure, l’autorité ougandaise chargée de la réglementation des médicaments (Ugandan National Drug Authority), qui délivre les autorisations de fabrication, a inspecté l’unité et a déclaré qu’un environnement de travail plus stérile était nécessaire pour l’obtention de l’autorisation.

Ceci nécessitait un investissement financier important, d’environ 30 000 dollars US. L’unité ophtalmologique a pu couvrir le coût de cet investissement en utilisant les fonds qu’elle avait constitués au cours des deux années précédentes. Étant donné que l’unité fournissait déjà 90 % des médicaments pour les yeux utilisés dans notre hôpital, les avantages à long terme justifiaient cet investissement.

L’unité détient aujourd’hui une autorisation de la Ugandan National Drug Authority pour la production de collyres stériles stérilisés en fin de procédé. Elle produit plus d’une dizaine de médicaments ophtalmologiques et à usage diagnostique, y compris de la fluorescéine, des cycloplégiques, des mydriatiques, des antibiotiques, des anti-inflammatoires, ainsi que des traitements spécifiques pour le glaucome, la kératite microbienne, la conjonctivite allergique et la sécheresse oculaire.

La plupart des matières premières sont importées de Chine ; les agents nettoyants proviennent d’Ouganda et les matériaux de conditionnement sont importés du Royaume- Uni et de Chine.

L’unité de production de collyres fonctionne comme une unité distincte relevant de la direction générale de l’hôpital. Elle est gérée par deux membres du personnel non technique et quatre membres du personnel technique :

  • Un chimiste, qui est également le responsable de la production
  • Un chercheur en pharmacie et un chercheur en laboratoire, qui sont responsables du contrôle de la qualité
  • Un pharmacien, qui est également le superviseur et le responsable de l’assurance qualité.

Le coût de production par flacon est d’environ 0,50 dollar US, et le prix de vente d’un flacon est d’environ 1,70 dollar US l’unité. Les revenus générés sont soit réinvestis dans l’installation, soit utilisés pour couvrir les frais de fonctionnement de l’hôpital.

Le Ruharo Eye Care Centre est le plus gros consommateur de ces collyres fabriqués localement ; il utilise 60 % des collyres produits. D’autres hôpitaux ophtalmologiques de la région passent également des commandes auprès de l’unité, et des démarches sont en cours pour trouver un distributeur à l’échelle nationale.

L’unité

L’unité de production de collyres se compose d’une salle blanche (classe C), d’une salle de stérilisation et d’une salle de contrôle de la qualité (voir Figure 1). La salle blanche est équipée d’un système CVC (chauffage, ventilation et climatisation) à débit d’air contrôlé équipé d’un filtre de 0,4 μm capable d’éliminer la poussière et les particules présentes dans l’air. Le système CVC fournit de l’air pur à l’installation et contrôle la température.

Boîte de passage statique.
Figure 2 Unité de production de collyres du Ruharo Mission Hospital. a. Boîte de passage statique pour stérilisation aux UV. © Ruharo Mission Hospital CC BY-NC-SA 4.0
Hotte à flux laminaire.
Figure 2 Unité de production de collyres du Ruharo Mission Hospital. b. Hotte à flux laminaire pour la pesée des ingrédients et matériaux dans des conditions d’asepsie. © Ruharo Mission Hospital CC BY-NC-SA 4.0

Équipements et processus critiques de l’unité de production de collyres

Les équipements utilisés ainsi que les processus sont décrits ci-dessous :

1. Stockage des matières premières Les matières premières sont stockées dans une pièce où la température et l’humidité relative sont contrôlées et surveillées à l’aide d’un thermomètre-hygromètre numérique.

2. Pesage des matières premières

  • Les matières premières sont transférées de la salle de stockage à la salle de pesage à travers une boîte de passage statique équipée d’une lampe UV (Figure 2). La lampe UV stérilise par irradiation les matières premières, les emballages et les réservoirs de poudre.
  • La salle de pesage est équipée d’un ventilateur d’extraction qui crée une pression d’air négative dans la pièce et provoque ainsi une entrée d’air frais à travers les filtres de 10 μm.
  • Le pesage est effectué à l’aide d’une balance numérique ayant une plage de 0,01 g à 5 000 g, dans des conditions stériles assurées par une hotte à flux laminaire équipée de filtres HEPA (Figure 2).

3. Transfert des matières premières de la salle de pesage à la salle blanche

Les poudres et autres matières premières pesées traversent une deuxième boîte de passage (avec irradiation UV) pour arriver dans la salle blanche de classe C.

4. Salle blanche

La propreté de la salle est assurée par :

  • Le nettoyage de toutes les surfaces, y compris le sol, les murs et le plafond, avec une solution antiseptique préparée selon les instructions du fabricant.
  • La pulvérisation de toutes les surfaces avec de l’éthanol à 70 % avant le début de la production.
  • Un système CVC qui garantit la pureté de l’air circulant dans la pièce.

5. Mélange et filtration des solutions de collyre

Le mélange et la filtration des solutions de collyre se font dans une unité de traitement par lots (Figure 3) qui comprend :

  • Une cuve de mélange d’une capacité de 20 litres avec des pédales rotatives motorisées et une chemise d’eau qui peut être chauffée ou refroidie en fonction des températures requises pour le mélange.
  • Une chambre de filtration équipée d’un filtre de 5 μm et d’une pompe d’aspiration fournissant la pression nécessaire à l’écoulement du filtrat.
  • Un réservoir d’une capacité de 20 litres dans lequel le filtrat est stocké avant d’être mis dans des flacons en verre pour l’emballage primaire.

6. Remplissage des flacons de collyre

  • Un distributeur « Pressmatic » libère un volume donné de collyre dans les flacons.
  • Les bouchons et les compte-gouttes (pipettes) sont ensuite serrés sur les flacons à l’aide d’une boucheuse manuelle (Figure 3).
Équipement.
Figure 3 Unité de production de collyres du Ruharo Mission Hospital. a. Unité de traitement par lots. © Ruharo Mission Hospital CC BY-NC-SA 4.0
Personne portant un équipement de protection individuelle complet, travaillant dans l’unité de production.
Figure 3 Unité de production de collyres du Ruharo Mission Hospital. b. Boucheuse manuelle. © Ruharo Mission Hospital CC BY-NC-SA 4.0

7. Stérilisation

Les flacons de collyre fermés sont placés sur des plateaux d’autoclave et transférés dans les autoclaves pour la stérilisation terminale à la vapeur (Figure 4).

8. Examen visuel des flacons de collyre après remplissage

Une inspection visuelle (visant à repérer des fuites ou des particules et à vérifier la clarté des solutions de collyre) est effectuée à l’aide d’une lumière blanche sur un fond blanc et sur un fond noir.

9. Contrôle qualité

Une sélection aléatoire de flacons de collyre est effectuée dans chaque lot pour un contrôle qualité qui évalue le pH, la stérilité et la teneur en médicaments. Certaines de ces analyses sont effectuées en interne, tandis que d’autres sont sous-traitées à l’université de Mbarara.

Les produits qui passent avec succès les tests de qualité sont envoyés dans les magasins de l’hôpital, puis livrés au dispensaire.

Deux photographies distinctes montrant des autoclaves.
Figure 4 Autoclaves automatisés utilisés à l’unité de production de collyres du Ruharo Mission Hospital. © Ruharo Mission Hospital CC BY-NC-SA 4.0

Référence

1 Picken CAR, Brocchini S, Burton MJ, Blundell-Hunter G, Kuguminkiriza D, Kaur H, et al. Local Ugandan Production of Stable 0.2% Chlorhexidine Eye Drops. Transl Vis Sci Technol. 2023;12(1):27.