RSOC Vol. 05 No. 06 2008 pp 29. Publié en ligne 01 août 2008.

Les défis du plaidoyer en Afrique subsaharienne

Kayode Odusote

Directeur, Département du développement des ressources humaines, Organisation Ouest-Africaine de la Santé (OOAS), Siège de l’OOAS, 01 BP 153, Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.

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Un atelier sur le plaidoyer pourpromouvoir les objectifs de VISION 2020. AFRIQUE DU SUD. © Kovin Naidoo
Un atelier sur le plaidoyer pourpromouvoir les objectifs de VISION 2020. AFRIQUE DU SUD. © Kovin Naidoo

Dans les cinq années qui ont suivi son lancement, VISION 2020 : le Droit à la Vue a produit des résultats significatifs1. Les facteurs qui ont contribué au succès de cette initiative sont, entre autres :

  • un renforcement de l’engagement politique
  • un engagement accru de la part des professionnels spécialisés en ophtalmologie
  • plus d’engagement et de soutien de la part des organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales
  • une participation plus importante des entreprises et plus de partenariats avec ce secteur.

VISION 2020 n’a toutefois pas connu le même succès partout dans le monde. En Afrique subsaharienne, où un grand nombre de personnes souffrent encore de cécité, les gouvernements nationaux n’ont pas fait preuve d’un grand engagement politique. Ceci en dépit du fait qu’ils ont signé la déclaration de VISION 2020 et ont par là même souscrit à toutes les résolutions de l’Assemblée mondiale de la Santé concernant cette initiative. En outre, l’engagement des professionnels de la santé se limite à un petit nombre de « convertis » et le niveau de participation du secteur privé ou de l’entreprise est encore très modeste. Sans l’engagement et le soutien des ONG opérant dans la région, l’initiative VISION 2020 aurait peiné à faire de substantiels progrès après son lancement en 2002.

Dans la sous-région ouest-africaine, en particulier, la nécessité de mener des actions de plaidoyer occupe une place importante dans l’ordre du jour de tous les ateliers ou réunions visant à planifier ou à évaluer les programmes nationaux VISION 2020. En effet, les actions de plaidoyer s’avèrent essentielles pour accélérer la mise en uvre des programmes nationaux et pour se rapprocher des buts de l’initiative. Toutefois, les réunions ne sont généralement suivies que de très peu d’effets. Il y a deux explications possibles à cela :

  1. Manque d’engagement de la part des gouvernements. Les gouvernements nationaux doivent être à la tête de l’initiative VISION 2020 et doivent s’en faire les défenseurs dans leur pays. Malheureusement, nous sommes encore au stade où ces gouvernements doivent eux-mêmes être ciblés par des actions de plaidoyer. Il est encore trop tôt pour que ces gouvernements plaident en faveur de VISION 2020. Généralement, c’est au coordonnateur national VISION 2020 que revient la responsabilité d’œuvrer pour atteindre les objectifs du programme national. Malheureusement, ce responsable, tout comme ses homologues dans d’autres domaines de la santé publique, a souvent du mal à obtenir le soutien de son propre gouvernement.
  2. Manque de savoir-faire. Le plaidoyer nécessite que l’on planifie, que l’on s’appuie sur des preuves solides et que l’on transmette les messages de façon efficace. Ce dernier aspect requiert d’excellentes compétences dans le domaine de la communication. Malheureusement, la plupart des personnes impliquées dans la mise en œuvre de VISION 2020 sont des personnels de santé dont les connaissances ou compétences en matière de communication sociale sont plutôt limitées. Bien que ces professionnels soient capables de rassembler des preuves solides, ils ne savent pas forcément comment sélectionner les données qui conviennent le mieux pour une action de plaidoyer et ils n’arrivent pas toujours à développer un message cohérent. En conséquence, les preuves qu’ils auront rassemblées ne présenteront qu’un intérêt limité pour les dirigeants politiques ou les économistes et elles n’auront sur eux qu’un impact limité. De la même façon, le programme de formation des personnels de santé ne comporte pas de module qui leur enseigne à sélectionner une voie de communication et un calendrier de communication appropriés et qui leur apprenne à transmettre efficacement un message.

Ce qu’il faut faire

Les organisations et institutions non gouvernementales doivent prendre la tête des actions de plaidoyer pour le changement aux niveaux national et sous-régional, au moins en Afrique subsaharienne. Ces organisations doivent former une coalition entre elles et avec d’autres organisations internationales ; en effet, plus il y aura de personnes soutenant les mêmes objectifs, plus leurs actions de plaidoyer auront du poids. Le coordonnateur du programme national pourrait diriger la formation d’une telle coalition dans chaque pays. Il ou elle devra également fournir des information pertinentes pour planifier la stratégie du plaidoyer et en choisir les cibles.

Le besoin en formation ou en conseils pratiques pour structurer et mener à bien les actions de plaidoyer est également important. Nous pouvons tirer des leçons du militantisme et du rôle du plaidoyer dans les domaines des droits de l’homme et de la société civile ; nous pouvons aussi tirer des enseignements des actions de plaidoyer dans d’autres domaines de la santé. À des fins de formation, nous pouvons adapter les matériels pédagogiques pour le plaidoyer en leur ajoutant des exemples tirés d’autres programmes nationaux VISION 2020 qui ont connu plus de succès.

Enfin, il nous faut nous atteler à la question des preuves sur lesquelles s’appuiera le plaidoyer. Nous avons besoin de données crédibles prouvant l’impact de VISION 2020 sur la santé et sur l’économie ; la personne qui transmettra le message doit pouvoir défendre et expliquer ces preuves. Il ne fait aucun doute que des preuves crédibles peuvent changer les politiques et améliorer le financement des programmes. La démonstration en a été faite par PROFILES, une approche développée par l’Academy for Educational Development (Académie pour le développement pédagogique) : il s’agit d’une approche pour le plaidoyer et le développement de politiques, dans le domaine de la nutrition, entièrement basée sur des bases de données. Cet outil de plaidoyer utilise les connaissances scientifiques actuelles pour estimer le coût et l’efficacité d’interventions proposées dans le domaine de la nutrition. Il combine des données locales avec des modèles statistiques établis pour générer des graphiques qui montrent clairement l’impact d’un problème donné. Si nous parvenions à développer un outil semblable dans le domaine de la santé oculaire, cela nous aiderait à mener des actions de plaidoyer à une plus grande échelle. C’est ce qu’il nous faut pour obtenir à la fois l’engagement politique et les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs de VISION 2020 : le Droit à la Vue.

Références

1 State of the World’s Sight, VISION 2020: The Right to Sight 1999-2005. Executive Summary. Genève : OMS, 2005.

2 Burkhalter BR, Abel E, Aguayo V, Diene SM, Parlato MB, Ross JS. Nutrition advocacy and national development: the PROFILES programme and its application. Bull World Health Organ 1999;77(5): 407-15.