La gestion des ressources humaines dans le cadre de VISION 2020
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Introduction
Les soins de santé sont l’œuvre d’individus. Un système de santé efficace nécessite un personnel motivé et compétent. Ce dernier est constitué par l’ensemble des personnes qui, directement ou indirectement, contribuent à promouvoir, protéger et améliorer la santé de la population.
La notion de santé oculaire communautaire implique que l’on fournisse des soins oculaires à la population, aussi près que possible de son lieu d’habitation et, dans la mesure du possible, à un prix qui lui paraîtra abordable. Elle encourage la prise en charge d’individus, alors que l’approche classique des centres de soins oculaires consistait à prendre en charge des maladies. Pour que les services de santé oculaires soient efficaces et aient un impact, il est essentiel de disposer d’un nombre suffisant d’agents de santé oculaire bien qualifiés, motivés et déployés de façon équitable.
La réalité aujourd’hui est que, dans la plupart des communautés des pays en développement, en particulier en Afrique subsaharienne, il y a très peu d’agents de santé oculaire. Ceux qui sont sur place sont surmenés et sous-payés ; leur travail n’est pas reconnu et ils manquent de motivation. Les directeurs des établissements de santé du district n’ont aucune influence sur la formation, le recrutement, la rémunération ou le déploiement du personnel et ne savent pas toujours comment motiver le personnel avec lequel ils travaillent. Cet état de fait est l’une des raisons pour laquelle le développement des ressources humaines est l’un des piliers de VISION 2020 : « le droit à la vue ». Pour atteindre les objectifs de cette initiative mondiale, il faut disposer de suffisamment d’agents de santé oculaire de qualité, motivés, et en effectif suffisant à tous les niveaux du système de santé oculaire.
Identification des besoins en personnel
Pour atteindre l’objectif d’un personnel adéquat, la première étape consiste à faire une analyse de situation et à identifier les manques de personnel. Les normes de l’OMS, en termes de personnel de santé oculaire, sont exprimées en fonction de la taille de la population (par exemple nombre d’ophtalmologistes par million de personnes). Dans beaucoup de pays en développement, la planification des ressources humaines est rudimentaire et la plupart des personnels de santé oculaire de haut niveau (ophtalmologistes, infirmiers/techniciens supérieurs, opticiens) exercent leur profession dans les grandes villes. Au Togo, par exemple, il y a trois ophtalmologistes par million de personnes (donc plus que le minimum de deux ophtalmologistes par million de personnes recommandé par l’OMS en Afrique), mais plus de 80 % d’entre eux vivent et travaillent à Lomé, la capitale. Par conséquent, ces normes de l’OMS ne permettent pas d’identifier les manques fonctionnels qui existent au niveau des districts, là où les besoins en santé oculaire sont les plus importants. Pour identifier le manque de personnel en rapport avec les objectifs de VISION 2020, il paraîtrait plus réaliste de faire appel au concept d’équipe, en basant les besoins en personnel d’un pays sur les services spécifiques que l’on souhaite apporter.
Formation, recrutement et déploiement
L’étape suivante est la formation, le recrutement et le déploiement équitable du personnel. Dans la plupart des pays, ces fonctions sont centralisées et impliquent plusieurs ministères et agences du gouvernement. Les agents de santé oculaire ont rarement l’opportunité d’influencer ce processus en faveur des services de santé oculaire de la région ou du district. Toutefois, le directeur ou coordinateur du Programme national de prévention de la cécité (ou du Comité VISION 2020) peut mettre en place une « Alliance pour le plaidoyer » avec des associations professionnelles et des ONG, actives au sein du pays et capables de convaincre les autorités de former et de recruter plus de personnel en santé oculaire. Ce ne sera pas chose facile. La plupart des pays sont en train de mettre en place des réformes économiques qui recommandent une diminution importante des dépenses publiques et un gel du recrutement dans le secteur public. Toutefois, le fait que les ressources humaines dans le domaine de la santé soient actuellement à l’ordre du jour nous offre l’opportunité d’agir, particulièrement en Afrique. Un certain nombre de pays sont en train de réformer leur système de santé et on peut espérer que ceci entraîne une décentralisation, ce qui permettrait aux régions et aux districts de mieux contrôler le recrutement, le déploiement et la rémunération du personnel.
En plus de son rôle auprès du gouvernement, l’Alliance pour le plaidoyer peut égale- établissements de formation, que la formation soit plus en rapport avec les besoins du pays et les maladies prioritaires, donc plus conforme à VISION 2020.
Au niveau du district, le directeur des services de santé oculaire n’a que peu d’infl uence sur le nombre et le niveau des agents de santé oculaire, mais ses propres qualités de leader et de gestionnaire ont une infl uence cruciale sur la performance de son personnel, souvent peu nombreux et peu motivé. Lors d’un atelier récent en Afrique occidentale – consacré au développement des ressources humaines pour augmenter le taux de chirurgie de la cataracte – il est apparu que le manque de motivation des employés était la cause la plus importante du faible taux de chirurgie de la cataracte. La motivation avait plus d’importance que l’approvisionnement en consommables et la formation1. Par conséquent, si les directeurs veulent améliorer les résultats au niveau du district, ils doivent motiver leur personnel.
Motivation du personnel
Lorsqu’on réfl échit à la notion de motivation, on pense souvent aux bénéfices financiers ; cependant, en réalité, ceux-ci n’ont qu’un effet limité et de faible durée sur la motivation. Les salaires faibles sont démotivants, mais l’effet d’une augmentation de salaire sur la performance dure moins de huit semaines. Une étude réalisée au Nigeria sur les causes de l’émigration a montré que, dans la liste des raisons évoquées, une mauvaise rémunération était en fait loin derrière la limitation des opportunités de promotion rapide2.
Une gestion efficace des ressources humaines engendre une motivation durable et une amélioration de la performance. Une bonne gestion implique un respect des individus, la valorisation du travail de chacun et la prise en compte du développement de carrière. Les membres du personnel sont motivés lorsque :
- Ils sont respectés en tant qu’individus et leurs opinions sont écoutées et considérées lors de la prise de décision
- Leur travail a un sens, est reconnu et contribue à l’atteinte des objectifs de l’organisation ; on leur donne des responsabilités et des défis à relever
- On leur donne l’opportunité de développer leur carrière par le biais de la formation et du recyclage.
Pour plus d’idées sur l’amélioration de la gestion des ressources humaines, voir l’encadré n°1.
Conclusion
Une gestion des ressources humaines centrée sur les individus est essentielle pour obtenir les services de santé oculaire recommandés par VISION 2020 (efficaces, de bonne qualité et centrés sur les individus), même dans une situation de recrutement réduit, de déploiement inéquitable et de dépenses publiques limitées. Une bonne gestion nécessite que la direction s’engage envers les personnes qui prodiguent les soins oculaires et envers les personnes qui les reçoivent.
Encadré nº1
Sept actions-clés pour améliorer la gestion des ressources humaines
Dans le cadre de VISION 2020, le(la) directeur(trice) des services de santé oculaire du district peut améliorer les performances et la motivation de son personnel par ces sept actions-clés :
- Désigner un cadre du personnel comme responsable de la Gestion des Ressources Humaines (GRH) afin de donner plus de poids à l’équipe de GRH dans la prise de décision.
- Mettre en place une surveillance sensible des équipes cliniques ; le plan de travail de ces équipes doit être clairement défini et basé sur le plan de travail du district. Le responsable de l’équipe doit superviser chacun de ses membres.
- Développer et mettre en œuvre un système de suivi des performances ; celuici ne doit pas être punitif, doit permettre de reconnaître les réussites et d’identifier les besoins en formation.
- Veiller à la répartition équitable de la charge de travail et à l’équité du système de rémunération. La transparence est importante.
- Suivre les données relatives au personnel pour être au courant du découragement (ou du départ) de certains employés, des taux de renouvellement et d’absentéisme.
- Mettre en place un bon système de gestion des stocks de consommables, afind’assurer l’approvisionnement dans les délais impartis et de fournir un service de bonne qualité, ce qui améliorera la satisfaction des patients et le moral du personnel.
- Favoriser le développement professionnel des membres du personnel en leur proposant des formations et de nouveaux défis. Généralement, la formation peut être organisée sur place. Si l’opportunité d’une formation externe se présente, il faut que cette dernière contribue directement et immédiatement à la performance de l’organisation. Les bénéficiaires d’une formation doivent être sélectionnés de manière transparente.
Références
1. Atelier pour le développement des ressources humaines pour la prévention de la cécité (HRD II) en Afrique de l’Ouest, organisé par la West African Health Organisation, 22-24 juillet 2004, Accra, Ghana.
2. Nyoni J. Emigration of health workers from Africa – facts and lessons. Communication présentée au forum sous-régional sur les ressources humaines dans le domaine de la santé en Afrique de l’Ouest. 4-6 avril 2005, Abuja, Nigeria.