RSOC Vol. 04 No. 03 2007 pp 16 - 18. Publié en ligne 01 janvier 2007.

La dégénérescence maculaire liée à l’âge

David Yorston

Chef de service ophtalmologique, Tennent Institute of Ophthalmology, Gartnavel Hospital, 1053 Great Western Road, Glasgow G12 0YN, Écosse, Royaume-Uni.

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Introduction

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) n’était pas autrefois considérée comme une cause importante de cécité dans le monde, car elle semblait ne concerner que la minorité de la population mondiale qui réside dans les pays riches. Toutefois, l’augmentation de l’espérance de vie, particulièrement en Asie, a remis en question cette idée reçue. Les chiffres les plus récents de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur la cécité indiquent que plus de trois millions de personnes dans le monde sont aveugles par DMLA, ce qui représente 9 % de tous les cas de cécité. Les seules causes de cécité plus importantes que la DMLA sont la cataracte et le glaucome.

Figure 1a. Schéma d’une fovéa normale, montrant le rapport entre photorécepteurs, épithélium pigmentaire et choriocapillaire. David Yorston
Figure 1a. Schéma d’une fovéa normale, montrant le rapport entre photorécepteurs, épithélium pigmentaire et choriocapillaire. David Yorston
Figure 1b. Dans la DMLA exsudative, des néovaisseaux se développent sous la rétine à partir des vaisseaux de la choriocapillaire. Ceci entraîne un décollement séreux de l’épithélium pigmentaire et de la rétine. En fin de compte, les vaisseaux sont remplacés par une cicatrice fibreuse épaisse, ce qui entraîne une perte des photorécepteurs. David Yorston
Figure 1b. Dans la DMLA exsudative, des néovaisseaux se développent sous la rétine à partir des vaisseaux de la choriocapillaire. Ceci entraîne un décollement séreux de l’épithélium pigmentaire et de la rétine. En fin de compte, les vaisseaux sont remplacés par une cicatrice fibreuse épaisse, ce qui entraîne une perte des photorécepteurs. David Yorston

Qu’est-ce que la DMLA ?

La DMLA est une maladie qui atteint les personnes âgées de plus de 50 ans. Elle touche la macula au centre de la rétine. La macula est essentielle pour accomplir les tâches qui nécessitent une vision fine, telles la lecture et la reconnaissance des visages. Il existe deux formes de DMLA : atrophique ou exsudative. La dégénérescence maculaire atrophique est souvent asymptomatique. Les patients peuvent toutefois évoluer vers la perte de vision par une atrophie progressive du tissu maculaire (on désigne parfois ce stade avancé de la DMLA atrophique sous le terme d’atrophie géographique). La DMLA exsudative se caractérise par une détérioration plus rapide de la vision, en raison d’hémorragies et d’exsudats (voir Figures 1a et 1b).

Figure 2. Cette diapositive montre une néovascularisation choroïdienne sous la fovéa. On remarque une hémorragie sous-rétinienne inféro-temporale. La membrane fibrovasculaire, de couleur grise, apparaît également sous la rétine à proximité de la flaque vasculaire. David Yorston
Figure 2. Cette diapositive montre une néovascularisation choroïdienne sous la fovéa. On remarque une hémorragie sous-rétinienne inféro-temporale. La membrane fibrovasculaire, de couleur grise, apparaît également sous la rétine à proximité de la flaque vasculaire. David Yorston

Tableau clinique

La DMLA exsudative est due au développement d’une membrane fibrovasculaire sous la rétine. Cette néovascularisation choroïdienne (NVC) anormale a pour origine la choriocapillaire ; par conséquent, il se produit une fuite de liquide à travers ces néovaisseaux qui ne se produit pas dans des vaisseaux rétiniens. Ceci entraîne un décollement de rétine localisé, au niveau de la fovéa, qui peut s’accompagner d’œdème et d’exsudats. De plus, les vaisseaux sanguins peuvent se rompre et entraîner une hémorragie sous-rétinienne (voir Figure 2). En fin de compte, les néovaisseaux deviennent inactifs et il ne reste sous la macula qu’une cicatrice blanche fibreuse. À ce stade, l’acuité visuelle se réduit généralement à compter les doigts (CLD) ou à voir les mouvements de la main.

Le premier symptôme de la DMLA est une distorsion des lignes droites. Les contours des portes et des fenêtres apparaissent incurvés ou déformés. Ce symptôme, désigné sous le nom de métamorphopsie, est dû à la présence d’une petite vésicule de liquide sous la fovéa. Par la suite, le patient se plaindra d’une perte de vision centrale et l’acuité visuelle diminuera. Contrairement à la cataracte ou au glaucome, la DMLA n’affecte que la vision centrale, donc les patients n’ont pas besoin d’aide pour s’orienter. L’examen révèle souvent une fovéa surélevée, parfois également une hémorragie sous-rétinienne et des exsudats durs. Ces signes sont beaucoup plus faciles à détecter si l’on utilise un verre de contact pour examen au biomicroscope, par exemple de 78 ou 66 dioptries. Ceci permet de voir la macula de façon stéréoscopique, ce qui n’est pas possible avec un ophtalmoscope direct.

Figure 3. Angiographie à la fluorescéine correspondant au même œil . La néovascularisation apparaît beaucoup plus clairement. La zone noire correspond à l’hémorragie et la membrane fibrovasculaire apparaît comme une zone lumineuse de forme irrégulière, dont la largeur est équivalente à environ deux diamètres de papille optique. David Yorston
Figure 3. Angiographie à la fluorescéine correspondant au même œil . La néovascularisation apparaît beaucoup plus clairement. La zone noire correspond à l’hémorragie et la membrane fibrovasculaire apparaît comme une zone lumineuse de forme irrégulière, dont la largeur est équivalente à environ deux diamètres de papille optique. David Yorston

L’examen le plus concluant est l’angiographie à la fluorescéine. On injecte ce colorant par voie intraveineuse. Ensuite, pendant que le colorant circule dans l’œil , on réalise une série de photographies de la rétine en lumière bleue. La fluorescéine émet une lumière verte détectée par l’appareil photo. Contrairement à celle des vaisseaux rétiniens, la parois des néovaisseaux choroïdiens laisse fuir la fluorescéine. Ceci apparaît comme une zone lumineuse dans les angiographies (voir Figure 3). On parle de néovascularisation choroïdienne classique si celle-ci est très nettement visible par angiographie à la fluorescéine. On parle de NVC occulte lorsqu’on distingue une fuite mais les néovaisseaux n’apparaissent pas nettement. Les appareils numériques permettant d’examiner le fond d’œil sont coûteux, mais leurs frais de fonctionnement sont très bas. Ils rendent donc l’angiographie par fluorescéine plus accessible.

La forme atrophique de la DMLA entraîne une perte de vision très progressive et apparaît comme une zone atrophiée d’épithélium pigmentaire sous la fovéa.

Facteurs de risque

On ne connaît pas exactement les causes de la DMLA, mais certains faits importants ont récemment été identifiés. Tout d’abord, nous savons que l’âge est le facteur de risque le plus important. La DMLA est beaucoup plus fréquente chez les personnes âgées de plus de 80 ans. Malheureusement, dans la mesure où nous vieillissons tous, ce facteur de risque ne peut être modifié. Par ailleurs, plusieurs études épidémiologiques ont montré que les fumeurs sont plus à risque de développer une DMLA. Le lien entre tabagisme et cécité est maintenant bien connu ; c’est un message de santé publique important. Une personne ayant fumé un paquet de cigarettes par jour pendant 40 ans a trois fois plus de chances de développer une DMLA. Il semble que ce risque diminue lorsqu’on arrête de fumer. Le tabagisme passif est toutefois également lié à un risque accru de DMLA. Il se peut que 15 % des cas de DMLA soient à mettre au compte du tabagisme. Les facteurs génétiques sont également importants. Plusieurs études récentes ont démontré que deux gènes étaient liés à la DMLA, indépendamment l’un de l’autre : une variante du gène codant pour le facteur H du complément (une protéine qui aide à réguler la réaction inflammatoire) et un autre gène moins bien étudié, situé sur le chromosome 10. Il se peut que ces variations géniques soient à l’origine de près de 40 à 50 % des cas de DMLA.

Prévention

Il n’existe actuellement pas de prophylaxie parfaite de la DMLA. L’arrêt de la consommation de tabac diminue le risque d’apparition d’une DMLA, mais ne l’élimine pas totalement. Une étude américaine de grande envergure a montré que la consommation de doses élevées de vitamines A, C, E et de zinc permet de réduire de façon significative le risque d’évolution d’une DMLA. Ce traitement prévient la NVC, mais semble n’avoir aucun effet contre l’atrophie géographique. Les compléments alimentaires sont plus efficaces chez les patients qui présentent un risque élevé de DMLA exsudative, en particulier lorsqu’ils ont déjà un œil affecté par la maladie. Chez ces patients, la prise de compléments alimentaires diminue d’environ 25 % le risque de développer une DMLA exsudative dans l’œil adelphe. Ce traitement n’est pas recommandé aux fumeurs, car il pourrait augmenter leur risque de développer un cancer du poumon. Aux États-Unis, on estime que huit millions d’individus âgés de plus de 55 ans risquent de développer une DMLA ; 1,3 million d’entre eux perdront vraisemblablement la vue au cours des cinq prochaines années. La consommation de compléments alimentaires (vitamines et zinc) réduirait ce chiffre de 300 000 et l’arrêt de la consommation de tabac permettrait sans doute d’épargner encore plus de personnes. Nous devons mettre des compléments alimentaires à la disposition des patients à risque. Nous devons également souligner systématiquement que tabagisme et cécité sont étroitement liés.

Traitement

Il n’existe pas de traitement efficace contre l’atrophie géographique. Pendant longtemps, la photocoagulation au laser était le seul moyen de lutter contre les néovaisseaux choroïdiens. Ce traitement est efficace, mais il détruit la rétine sus-jacente et entraîne donc une perte de vision centrale. Par conséquent, la photocoagulation au laser n’est vraiment utile que chez les 10 % de cas de DMLA exsudative dont les néovaisseaux choroïdiens sont situés à distance de la fovéa.

Il existe depuis peu des traitements permettant d’épargner la vision. On peut citer, premièrement, la photothérapie dynamique avec injection de vertéporfine. La vertéporfine est une molécule qui ne devient active que lorsqu’elle est exposée à une longueur d’onde spécifique. On injecte ce médicament par voie intraveineuse, puis on irradie la zone de NVC avec un laser de faible puissance émettant la bonne longueur d’onde. Ceci active la vertéporfine, qui détruit alors les vaisseaux sanguins anormaux situés sous la fovéa, sans léser la rétine sus-jacente. Les essais cliniques ont démontré que ce traitement diminue de moitié le risque de perte de vision chez les patients présentant une néovascularisation choroïdienne classique (nettement visible sur un angiogramme à la fluorescéine). Environ 60 % des patients traités ont perdu moins de trois lignes d’acuité visuelle (lorsqu’on utilise l’échelle EDTRS) en deux ans, contre 30 % des patients ayant reçu un placebo. La vertéporfine est malheureusement un médicament très onéreux et il faut généralement renouveler le traitement. Même les pays riches se sont beaucoup interrogés sur l’accessibilité financière et la rentabilité de ce traitement.

Tous les néovaisseaux oculaires, qu’ils soient rétiniens ou choroïdiens, se développent sous l’action de facteurs angiogéniques, qui sont des molécules qui stimulent la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins. L’un des plus important est le facteur de croissance endothélial vasculaire ou VEGF. Un certain nombre de médicaments permettent d’inhiber l’action du VEGF. Malheureusement, dans la mesure où ce facteur de croissance joue un rôle utile dans d’autres parties de l’organisme, les médicaments qui inhibent son action ne peuvent être administrés par voie générale et doivent être injectés directement au niveau de la rétine, généralement par des injections intraoculaires successives.

Le premier de ces agents angiostatiques est le pegaptanib. Un essai randomisé, comparant des injections intra-vitréennes de pegaptanib administrées toutes les six semaines avec de fausses injections, a montré qu’au bout d’un an 70 % des patients traités avaient perdu moins de trois lignes d’acuité visuelle, contre 55 % des patients dans le groupe témoin. L’efficacité de ce traitement ne semblait pas dépendre du type de néovascularisation choroïdienne – dans cet essai, il donnait d’aussi bons résultats avec une néovascularisation occulte qu’avec une néovascularisation classique. Malheureusement, 1,3 % des patients ayant reçu les injections ont développé une endophtalmie et 0,6 % d’entre eux ont développé un décollement de rétine. On ne connaît pas la durée optimale de traitement ; vraisemblablement, l’arrêt des injections entraînerait une réactivation des néovaisseaux. Le ranibizumab est un autre médicament qui inhibe l’action du VEGF. Il n’est pas encore disponible, mais les résultats des essais semblent prometteurs : moins de 10 % des patients ont perdu trois lignes d’acuité visuelle et plus de 30 % ont récupéré au moins deux lignes

L’acétate d’anécortave est un stéroide angiostatique, ce qui signifie qu’il n’a aucune propriété glucocorticoïde et n’entraîne donc aucun des effets secondaires habituels des corticoïdes, comme l’élévation de la PIO ou la diminution des défenses immunitaires. Des essais sont en cours pour déterminer si ce médicament peut être utilisé pour traiter et pour prévenir la DMLA exsudative. L’anécortave peut être administré par injection sous-ténonienne et l’effet du traitement peut durer jusqu’à six mois. Un essai clinique a récemment comparé l’injection sous-ténonienne d’anécortave avec la photothérapie dynamique avec injection de vertéporfine. Dans les deux groupes, environ 45 % des patients ont perdu moins de trois lignes d’acuité visuelle. Les injections doivent être renouvelées tous les six mois, mais elles ne semblent présenter aucun danger. Dans la mesure où le groupe témoin était traité par photothérapie dynamique, tous les patients inclus dans cette étude présentaient une néovascularisation choroïdienne classique. Par conséquent, cet essai n’a fourni aucune information sur l’efficacité de l’anécortave dans le cas d’une néovascularisation occulte. Nous attendons actuellement les résultats d’autres essais cliniques.

Bien que la photothérapie dynamique, le pegaptanib et l’anécortave permettent de ralentir la perte visuelle, aucun de ces traitements n’offre une guérison complète. Ils réduisent considérablement le risque de cécité, mais ils ne permettent pas de restaurer une vision normale. Dans la plupart des essais cliniques, le succès thérapeutique était défini comme une perte de vision inférieure à trois lignes d’acuité visuelle ; de ce fait, un œil dont l’acuité visuelle était tombée de 1,5/10 à 1/10 après traitement était considéré comme un succès thérapeutique, bien que la vision du patient demeure mauvaise.

L’alternative au traitement médical est l’intervention chirurgicale. La translocation maculaire, bien qu’elle n’ait pas encore fait l’objet d’études de grande envergure, semble offrir un peu d’espoir aux patients qui développent des néovaisseaux choroïdiens dans l’œil adelphe. L’opération se base sur le principe suivant : les néovaisseaux choroïdiens se développent en réponse à des anomalies de l’épithélium pigmentaire et de la choroïde, mais la macula sus-jacente est en fait initialement saine. Si l’on déplace la macula vers une autre partie de la rétine, dont l’épithélium pigmentaire est sain, alors la macula redeviendra fonctionnelle. On y parvient en réalisant une vitrectomie par la pars plana, puis en injectant avec une aiguille 40 G une solution salée sous la rétine, pour décoller complètement cette dernière. Une fois la rétine décollée, on réalise une rétinotomie sur 360° juste derrière l’ora serrata. On peut alors soulever et enlever la membrane formée par les néovaisseaux choroïdiens avec une pince fine à usage intraoculaire. La rétine est seulement attachée au niveau de la papille optique ; elle fait l’objet d’une rotation d’environ 45°, de telle sorte que la macula soit maintenant placée au-dessus d’une partie saine de la choroïde. On réattache alors la rétine en remplissant la cavité du vitré avec de l’huile de silicone. Au bout de trois mois, on enlève l’huile de silicone et on ajuste les muscles obliques supérieur et inférieur de façon à faire tourner le globe oculaire dans la direction opposée ; la macula se retrouve alors à nouveau au centre de l’axe visuel. Cette intervention chirurgicale est très complexe et très coûteuse. Toutefois, la plus grande étude réalisée à ce jour a montré que l’acuité visuelle moyenne à distance passait de 1,5/10 à 2,5/10 après l’intervention et que la vision de près s’améliorait encore plus, la vitesse moyenne de lecture passant de 71 à 105 mots par minute.

Malgré bien des efforts thérapeutiques, de nombreux patient développent tout de même une perte visuelle très importante. Bien que nous ne puissions les guérir, nous pouvons tout de même aider ces patients en leur fournissant des aides visuelles et en leur assurant un soutien social, La vision périphérique « navigationelle » est généralement intacte, donc ces patients n’ont pas besoin d’une formation pour apprendre à se déplacer. Une mauvaise vision de près peut être toutefois très handicapante. Il est peu probable que les aides pour basse vision permettent au patient de lire un livre, mais elles lui permettront au moins de lire les prix au marché ou les gros titres d’un journal.

Conclusion

Les problèmes posés par la DMLA ne feront que s’aggraver avec le vieillissement de la population mondiale. Bien que nous ayons fait des progrès très importants dans le domaine de l’étiologie et du traitement de la DMLA, nous sommes encore bien loin de pouvoir guérir ou prévenir cette maladie.