RSOC Vol. 16 No. 21 2019 pp 2-3. Publié en ligne 01 août 2019.

Gestion des urgences : leçons à tirer du secteur aérien

David Yorston

Ophtalmologiste chef de clinique, Tennent Institute of Ophthalmology, Gartnavel Hospital, Glasgow, Écosse, Royaume-Uni.


Mike Duncalfe

Gestionnaire des opérations aériennes, Mission Aviation Fellowship, Papouasie-Nouvelle-Guinée.


Lorsque le vol US Airways 1549 a amerri sur le fleuve Hudson à New York, la préparation et l'entraînement ont permis de sauver la vie des passagers et de l'équipage. ÉTATS-UNIS
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Une urgence ophtalmologique ne devrait pas être une surprise : la préparation et la pratique font toute la différence.

Nombreux sont ceux qui se souviennent de l’histoire et des images extraordinaires du vol commercial d’US Airways qui, ayant subi une perte de puissance des réacteurs, avait amerri sur le fleuve Hudson en plein New York, le tout sans victimes ni blessés graves. Même si les urgences sont rares dans le ronron quotidien du transport aérien moderne, le secteur consacre encore énormément d’argent et de temps à apprendre comment éviter les accidents et urgences aéronautiques, ainsi qu’à la façon de les gérer lorsqu’ils se produisent.

Les parallèles et les différences entre l’aviation et la médecine ont fait l’objet de quantité d’articles et de débats. Bien qu’un centre de soins oculaires soit très différent d’un avion, nous pouvons tirer des enseignements de la façon dont le secteur du transport aérien aborde la gestion des urgences.

Les compagnies aériennes et les constructeurs consacrent énormément de temps et de ressources à la planification des situations d’urgence. Les déplacements par vol commercial sont désormais le mode de transport par passager-kilomètre le plus sûr et les urgences sont de plus en plus rares dans l’aviation. Néanmoins, la préparation aux situations d’urgence reste une priorité du secteur. Bien que les urgences ophtalmologiques abordées dans ce numéro de la Revue soient toutes, individuellement, relativement peu courantes, tous les personnels de santé oculaire seront un jour confrontés à des patients qui ont besoin d’un traitement d’urgence. Que ces patients recouvrent ou non la vue, le résultat thérapeutique dépendra du temps et des efforts que les personnels de santé oculaire auront consacrés à se préparer à de telles urgences.

Travail d’équipe

La culture de préparation du secteur de l’aéronautique se base sur la gestion des ressources de l’équipage ou CRM (abréviation de « Crew Resource Management »)1. En quelques mots, le CRM est une approche qui requiert la préparation de tout l’équipage, et pas seulement celle du pilote. En cas d’urgence, chaque membre de l’équipage a un rôle à tenir et en assume la responsabilité. Dans le contexte d’un centre de soins oculaires, ceci signifie que la prise en charge d’une urgence ne revient pas seulement à l’ophtalmologiste, mais à l’équipe dans son ensemble. Par exemple, si un patient se présente avec un ulcère cornéen grave, le réceptionniste du centre de soins oculaires doit être capable d’identifier qu’il s’agit d’un problème sérieux et de faire en sorte que le patient soit vu rapidement. L’infirmier spécialisé en ophtalmologie réalise qu’il s’agit d’un ulcère cornéen grave et s’assure que l’équipement nécessaire au prélèvement d’un échantillon est disponible et prêt à l’emploi. Le pharmacien peut commencer à préparer un collyre puissant pour que le traitement commence dès confirmation du diagnostic. L’ophtalmologiste écoute l’opinion des infirmiers et autres personnels de la clinique et est ainsi prêt à prélever des échantillons et commencer le traitement.

Procédures opérationnelles standard

L’aéronautique s’appuie également sur des procédures opérationnelles standard. Il s’agit de directives et protocoles écrits qui détaillent la marche à suivre en cas d’urgence. Même si vous pensez savoir comment prendre en charge un glaucome aigu, le fait d’avoir par écrit et à portée de main la procédure à suivre réduit le risque d’erreur ou d’oubli. Tous les centres de soins oculaires devraient se doter de protocoles écrits pour traiter les urgences ophtalmologiques. Ils doivent être rédigés pour le centre et donner des instructions spécifiques, comme une liste du matériel nécessaire au prélèvement d’échantillons en cas d’ulcère cornéen infecté, ou une description de la préparation de la dose correcte d’antibiotique pour une injection intravitréenne. Tout le personnel du centre de soins oculaires doit avoir accès aux protocoles à tout moment.

Préparation et pratique

Les équipages aériens s’entraînent et simulent les situations d’urgence. Les pilotes ont accès à des simulateurs de vol complexes et coûteux qui leur permettent de vivre le pilotage d’un avion après une panne moteur. Lorsque l’événement se produit effectivement, leur entraînement et leur expérience les aident à prendre les bonnes décisions. En ophtalmologie nous ne disposons pas de simulateurs complexes pour nous préparer aux urgences. Les équipes peuvent s’entraîner à préparer l’administration intravitréenne d’antibiotiques avec quelques seringues. L’équipe chirurgicale peut se préparer à gérer une issue de vitré en conservant à portée de main un vitréotome « d’entraînement » et en effectuant des exercices à intervalles réguliers, afin que tous les infirmiers du bloc opératoire sachent comment assembler et connecter cet appareil.

Chacun doit consacrer du temps et de l’énergie à la planification et à la préparation des urgences. L’entraînement et la préparation doivent concerner l’ensemble de l’équipe de soins oculaires afin que chacun comprenne ses responsabilités et, avec l’aide de directives standard, sache exactement ce qu’il doit faire en cas de confrontation avec une urgence ophtalmologique.

Pour en savoir plus

1 Ressources et tutoriels sur la gestion des ressources de l’équipage : www.crewresourcemanagement.net