RSOC Vol. 21 No. 31 2024 pp 2-4. Publié en ligne 12 juillet 2024.

Gestion des médicaments dans un hôpital ophtalmologique

Ushalini Rasiah

Responsable de la qualité, Aravind Eye Care System, Madurai, Inde.


Dhivya Ramasamy

Membre du corps enseignant supérieur, LAICO, Aravind Eye Care System, Madurai, Inde.


Une pharmacienne est assise à une table en face d’un patient. Elle est en train d’écrire sur un formulaire.
Une assistante en pharmacie renseigne un patient sur ses médicaments oculaires et sur leur mode d’administration. INDE © Ramkumar, Aravidn Eye Hospital CC BY-NC-SA 4.0
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La gestion des médicaments est essentielle à la sécurité et à l’efficacité des soins oculaires.

Les médicaments constituent une part importante du traitement ophtalmologique : en effet, une proportion considérable des patients qui bénéficient d’une consultation externe dans les établissements de soins ophtalmologiques tertiaires et primaires se voient prescrire des médicaments.

Il est donc important que la gestion des médicaments ophtalmologiques soit intégrée dans les services de soins oculaires à tous les niveaux. Les progrès considérables réalisés dans le domaine des traitements médicamenteux en ophtalmologie nous ont permis de disposer d’un large éventail de médicaments, chacun ayant un usage spécifique. Cette complexité fait qu’il est crucial pour les hôpitaux de mettre en oeuvre une approche systématique et sûre de délivrance des médicaments. En l’absence de protocoles appropriés, des erreurs dans la délivrance des médicaments peuvent survenir et risquent d’entraîner de graves conséquences pour les patients1.

Pharmacie de l’hôpital ou du centre de santé

Tout établissement de soins ou hôpital se doit de gérer un stock de médicaments utilisés à deux fins distinctes :

  1. Les médicaments utilisés au sein de l’établissement à des fins diagnostiques ou durant les interventions médicales. Ces médicaments comprennent les collyres mydriatiques, les collyres anesthésiques, ainsi que les médicaments utilisés pendant les traitements d’urgence ou durant les interventions chirurgicales.
  2. Les médicaments prescrits et délivrés au patient pour un usage à la maison. Certains hôpitaux donnent au patient une ordonnance qu’il devra ensuite présenter dans une pharmacie locale.

Les médicaments en stock dans la pharmacie d’un hôpital ou centre de soins dépendent des prestations fournies par l’établissement. Par exemple, les centres de soins primaires et secondaires disposeront de médicaments oculaires couramment utilisés pour les allergies et les infections, tandis que les établissements de soins tertiaires peuvent avoir divers médicaments plus complexes pour des affections telles qu’un glaucome ou une uvéite.

Il est important d’avoir une vision globale des médicaments dont les patients peuvent avoir besoin. Par exemple, même si le glaucome n’est pas traité dans un centre de soins ophtalmologiques primaires, il serait utile que cet établissement ait en stock des médicaments courants contre le glaucome, afin que les patients puissent se les faire renouveler localement.

Standardisation

Il est important de standardiser la liste des médicaments et des marques utilisés ou délivrés à l’hôpital. Ceci permet de mieux négocier les prix, de mieux gérer les stocks, et peut contribuer à garantir la qualité et l’efficacité des médicaments.

Rédaction des ordonnances

Pour une délivrance sûre des médicaments, une ordonnance lisible et complète est essentielle.

Les ordonnances doivent être écrites lisiblement, en lettres majuscules si possible. Dans la mesure du possible, utilisez des ordonnances imprimées.

L’ordonnance doit être complète. Elle doit comporter le nom du patient, le numéro de son dossier médical, le nom du médicament, le dosage, la posologie et la durée du traitement. Toute instruction particulière doit être écrite clairement et sans ambiguïté. L’ordonnance doit également comporter le nom et la signature du médecin, ainsi que la date.

Veillez à ce que seul le personnel autorisé soit habilité à prescrire des médicaments. Si un assistant note les instructions du médecin, la mise en place d’une politique de relecture contribuera à éviter les erreurs. Dans la mesure du possible, donnez aux patients une série d’instructions qui prennent en compte les médicaments prescrits lors de consultations antérieures ainsi que la prescription actuelle.

Pièce de stockage, dans laquelle on voit des étagères sur lesquelles sont rangés des médicaments.
Les médicaments LASA (« look alike, sound alike », de sonorité ou apparence semblable, sont clairement étiquetés dans ce local de stockage. INDE © Rajkumar, Aravidn Eye Hospital CC BY-NC-SA 4.0

Gestion des stocks

Un stock suffisant de médicaments permet aux patients de commencer leur traitement sans tarder. Les médicaments ne doivent pas être périmés, et ils doivent être de bonne qualité. Il est donc important de contrôler régulièrement le niveau des stocks (faire l’inventaire) et de vérifier la qualité des médicaments achetés au fur et à mesure qu’ils arrivent : vérifiez qu’il n’y a pas de fuite, de décoloration, de contamination, etc.

Il est également important de développer de bonnes relations de travail avec quelques fournisseurs fiables, car ceci peut aider les hôpitaux à éviter les faux médicaments, à négocier de meilleurs prix et à garantir des niveaux de stock suffisants. Lorsqu’il existe une relation de longue date et une confiance mutuelle, les fournisseurs peuvent accepter de remplacer les médicaments dont la date de péremption est proche et de répondre à des besoins particuliers en médicaments. Certains fournisseurs peuvent aussi fournir des produits en consignation, c’est-à-dire que l’hôpital ne paie les médicaments que lorsqu’ils ont été vendus.

Mettez en place des systèmes qui garantissent que les stocks sont toujours gérés selon la méthode du premier entré, premier sorti (PEPS) ; ainsi, les premiers médicaments arrivés dans le stock sont les premiers à sortir du stock. Habituellement, cela se fait en gardant les boîtes nouvellement achetées à l’arrière et en servant les boîtes qui sont à l’avant. Un système d’inventaire informatisé peut améliorer considérablement la gestion des stocks de médicaments et alerter le personnel sur les médicaments dont la date de péremption est proche.

Formulaire de prescription rempli et signé.
Figure 1 Une fois que les patients du Aravind Eye Hospital ont obtenu leurs médicaments, ils emportent l’ordonnance chez eux. Cette ordonnance* comporte le nom du médicament, l’oeil dans lequel il doit être administré, la durée du traitement, sa fréquence et sa posologie. Le QR code présent en haut à droite est relié à une vidéo démontrant l’instillation d’un collyre. *Ce formulaire est celui utilisé dans les hôpitaux du groupe Aravind en Inde et a été traduit de l’anglais.

Entreposage et élimination

Entreposez toujours les médicaments conformément aux recommandations du fabricant. Veillez à ce que la zone de stockage soit bien éclairée et bien ventilée, et vérifiez régulièrement que personne n’enlève des médicaments sans autorisation. Veillez également à ce que tous les médicaments soient conservés à la bonne température.

Les médicaments de consonance ou d’apparence semblables, désignés selon leur dénomination anglophone par les termes de look alike, sound alike (LASA), peuvent entraîner des erreurs de délivrance et d’administration. Affichez une liste des médicaments LASA à l’intention des pharmaciens et des autres membres du personnel, et encouragez l’utilisation des dénominations communes des médicaments (noms génériques). D’autres conseils de l’Organisation mondiale de la Santé sont disponibles à l’adresse suivante (en anglais) : bit.ly/WHOlasa

Effectuez des audits réguliers pour identifier et retirer les médicaments périmés, et éliminez tous les médicaments en toute sécurité.

Deux boîtes de collyre étiquetées. L’une d’elles porte une étiquette sur laquelle est inscrit le numéro un et l’autre porte le numéro deux.
Figure 2 Les boîtes de médicaments sont clairement étiquetées et comportent un numéro qui est repris sur l’ordonnance et/ ou les consignes que les patients rapportent chez eux. © Rajkumar, Aravind Eye Hospital CC BY-NC-SA 4.0

Délivrance sécurisée

Les processus doivent être normalisés à la pharmacie afin de garantir que le personnel vérifie toujours la prescription, s’assure que le médicament, le dosage et la quantité sont appropriés, que la facturation est correcte, et que des instructions claires sont données à la remise du médicament. La délivrance du médicament doit être accompagnée d’instructions détaillées sur les choses à faire et à ne pas faire, notamment la manière d’ouvrir le flacon de collyre (ne pas utiliser une épingle pour le perforer, par exemple), l’hygiène, la posologie et la fréquence à respecter, le temps d’attente avant d’instiller un deuxième collyre, ainsi que des instructions particulières concernant la conservation du médicament (réfrigération, etc.), sans oublier son élimination après usage ou péremption (quand et comment).

Considérations durant l’élaboration d’une liste modèle de médicaments

Une première étape essentielle consiste à mettre en place des protocoles normalisés de traitement et d’examen du patient.

Incluez dans votre liste des médicaments dont l’efficacité a été prouvée. Vous pouvez commencer par consulter la Liste modèle de médicaments essentiels de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), notamment la section 14.1 « Agents diagnostiques : médicaments ophtalmologiques » et la section 21 « Préparations ophtalmologiques ». Vous obtiendrez la version la plus récente (en anglais) en vous rendant sur la page : https://bit.ly/3RcEXuE

Assurez-vous que votre liste comporte non seulement le « meilleur » médicament, mais également des substitutions abordables qui sont disponibles localement. Passez régulièrement en revue votre liste en suivant les résultats obtenus et en recherchant constamment des solutions de substitution.

Une fois établie, votre liste modèle de médicaments doit être communiquée aux personnels suivants dans votre hôpital : médecins, personnels conseillant les patients (infirmiers ou personnels paramédicaux), pharmaciens, personnels responsables de la gestion des stocks et de l’approvisionnement en médicaments. Certains établissements gouvernementaux reçoivent leurs médicaments directement par le biais de services gouvernementaux et ne peuvent choisir ni les fabricants, ni les fournisseurs de médicaments. Dans ces cas-là, les gestionnaires de l’hôpital doivent conseiller les personnes responsables de la commande de médicaments sur les meilleurs médicaments à commander.

Amélioration de l’adhésion au traitement

Le conseil lors de la délivrance du médicament est important et doit inclure des informations sur les raisons du traitement et la manière de prendre le médicament. Le cas échéant, il convient d’expliquer les interactions entre différents médicaments ou encore entre les médicaments et les aliments. Les informations doivent être fournies dans un langage simple et clair que le patient peut comprendre. Ces instructions orales doivent être accompagnées d’informations imprimées ou numériques auxquelles le patient pourra se référer ultérieurement. Un QR code imprimé sur l’ordonnance peut aider les patients et leur famille à accéder à ces informations par la suite (voir Figure 1).

Pour faciliter la tâche des patients qui doivent prendre plusieurs médicaments, ajoutez des étiquettes colorées ou comportant un numéro (voir Figure 2). L’ordonnance fera également référence à ce numéro. Il est ainsi plus facile pour tout le monde de suivre les instructions, pas seulement pour ceux qui ne savent pas lire.

En ce qui concerne les patients prenant des médicaments pour une maladie chronique, les conseils doivent inclure l’importance de l’adhésion au traitement à long terme ainsi que des instructions sur le renouvellement des ordonnances.

Effets indésirables des médicaments

Les effets indésirables sont des événements défavorables consécutifs à l’utilisation d’un médicament. Cela peut aller d’une simple éruption cutanée à une affection grave telle que l’oedème pulmonaire. Toute réaction à un médicament doit être consignée et analysée afin de déterminer si elle est due au médicament lui-même, à une interaction avec un autre médicament ou à un problème lié à un lot particulier de médicaments.

L’existence d’un système de notification structuré aide les comités de pharmacovigilance ou les associations locales de soins de santé à suivre les effets indésirables des médicaments dans l’ensemble du pays, ce qui leur permet de prendre des décisions collectives sur les médicaments et la prise en charge des effets indésirables.

Référence

1 Kalita IR, Singh HV, Veena K, Mouttappa F. Primary eye care in pediatric population-I study (PREPP-I study): Demographic and clinical profile of pediatric patients treated in six major vision centers of a tertiary eye care facility in South India. Indian Journal of Ophthalmology.