RSOC Vol. 01 No. 01 2004 pp 23 - 24. Publié en ligne 01 août 2004.

Entretien et réparation des instruments utilisés en chirurgie ophtalmique : Formation au sein des cliniques ophtalmologiques

Dr Danny Haddad

Country Director Tanzania/Senior, Technical Advisor Onchocerciasis, Helen Keller International, PO Box 34.424, Dar es Salaam, Tanzanie


Dr Jan G F Worst

Professeur, Chirurgien ophtalmologiste, Jan Worst Research Group, Julianalaan 11, 9751 BM Haren, Pays-Bas

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Mise en pratique des techniques apprises.  Danny Haddad
Mise en pratique des techniques apprises. Danny Haddad

Les instruments de microchirurgie pour l’ophtalmologie sont fragiles et demandent un soin tout particulier. L’entretien et la réparation sont d’autant plus importants dans les pays en développement, où les instruments sont généralement difficiles à remplacer. Après de nombreuses demandes d’aide pour la réparation d’instruments de microchirurgie pour l’ophtalmologie, le groupe de recherche Jan Worst a lancé en 1994 un projet ayant pour but de former le personnel des cliniques ophtalmologiques à l’entretien et la réparation de ces instruments.

Objectifs

Les objectifs de ce projet étaient les sui-vants :

  • Mise au point de techniques simples per-mettant d’entretenir et de réparer les instruments chirurgicaux dans différents environnements ;
  • Constitution d’une boite à outil contenant tous les outils, instruments et matériels nécessaires aux techniques d’entretien et de réparation;
  • Elaboration de matériel de formation et de référence ;
  • Formation du personnel des cliniques ophtalmologiques à l’entretien et à la réparation d’instruments chirurgicaux.
Utilisation des nouveaux instruments en salle d’opération.  Danny Haddad
Utilisation des nouveaux instruments en salle d’opération. Danny Haddad

Méthodologie

Formation

La formation a été conçue pour le personnel ophtalmologique et technique des cliniques ophtalmologiques, travaillant dans des environnements hospitaliers variées de plusieurs pays d’Afrique et d’Asie. Il a été décidé de donner des formations sur site plutôt qu’en un seul endroit centralisé du pays. Ainsi, plus de personnes d’une même clinique pouvaient être formées. De plus, cela permettait de résoudre des problèmes initiaux ou spécifiques de certaines cli-niques. Enfin, plus d’instruments seraient ainsi disponibles pour former en pratique le personnel, en utilisant les instruments de leur propre clinique.

Boîte à outils

Une boîte à outils a été constituée contenant tous les outils nécessaires à la réparation des instruments et à la fabrication de cer-tains matériels. Ces outils comprenaient plusieurs pierres d’affûtage, des limes, des pinces, des pinces à plier les aiguilles, un équipement de soudure et des tissus de net-toyage des lentilles, avec assez de matériel pour un an. Pour une meilleure durabilité, les outils étaient de bonne qualité et diffi-cilement cassables. Chaque clinique rece-vait sa boîte, contenant les outils et instru-ments nécessaires à la maintenance et la réparation des instruments.

ITIR, Manuel & vidéo

L’Intermediate Technology Information Ring (ITIR) ainsi que le manuel intitulé Appropriate Technology in Ophtalmology

(Technologie appropriée en Ophtalmologie) ont été révisés en 1996. Ces ouvrages étaient utilisés comme manuel de référence dans les cliniques visitées. Jan Worst Research Group et l’ITIR ont réalisé, pour cette formation, un film détaillé sur l’entre-tien et la réparation. Grâce au soutien de la Fondation Fred Hollows, un manuel détail-lé accompagnait la vidéo. Cette dernière est disponible en anglais et français en VHS et CD vidéo (mpeg). Les manuels existent en anglais en copie papier ou fichier pdf.

Matériel de formation

Pour plus de détails sur ce matériel de formation, veuillez contacter le Dr Danny Haddad à l’adresse ci-dessus ou par courriel à [email protected].

L’éditeur

Cliniques

Dans chaque pays où le projet a été mis en œuvre, en moyenne quatre cliniques ont été visitées. Une présentation était faite aux ophtalmologistes de l’établissement, suivie d’une formation détaillée pour les infir-miers de salles d’opérations et/ou les tech-niciens hospitaliers. Au cours du projet, trente et une cliniques de neuf pays (Ghana, Zimbabwe, Malawi, Tanzanie, Kenya, Ouganda, Ethiopie, Papouasie Nouvelle-Guinée et Nigeria) ont été visitées. Les hôpitaux étaient un mélange d’hôpitaux universitaires, provinciaux et mission-naires.

Ateliers

Des ateliers ont été organisés en République démocratique populaire du Laos et au Vietnam, avec des participants de six et neuf cliniques respectivement. Faute de temps, les ateliers dans ces pays ont été centralisés plutôt que d’avoir lieu dans chaque clinique.

Techniques enseignées et utilisées

Pour comprendre pourquoi un instrument ne fonctionne pas, il est important d’assi-miler son mode de fonctionnement. Cela comprenait les tests à réaliser sur les instru-ments pour voir s’ils marchaient bien et pour déceler tout dysfonctionnement.

Nettoyage des instruments

L’accent a été mis sur l’importance d’un bon nettoyage des instruments, particulière-ment pour éviter la rouille ainsi que sur la stérilisation, lorsque l’utilisation d’un liquide de stérilisation est nécessaire. Une démonstration a été faite pour montrer les méthodes de nettoyage correctes avec des savons doux et des compresses.

Entretien des équipements et des instruments

L’entretien des ophtalmoscopes et des lampes à fente a été inclus aux sessions de formation lorsque les cliniques le signalait comme étant un problème majeur. Le problème le plus courant consistait en l’accumulation de poussière sur les lentilles.

Réparation des instruments chirurgicaux

La technique la plus importante était l’affû-tage des ciseaux. Une petite pierre d’affû-tage très fine a été inclue dans la boîte à out-ils pour aiguiser les ciseaux chirurgicaux ophtalmiques. La plupart des boîtes à outils des cliniques contenaient des ciseaux ne fonctionnant pas, généralement émoussés. D’autres techniques consistaient à appren-dre à réparer les porte-aiguilles usés et les pinces à dissection.

Fabrication de matériels

Selon les besoins des cliniques, la fabrica-tion de matériel a été enseignée. Le matériel offert comprenait du fil de suture en soie 8-0, des bistouris (utilisant des lames de rasoir incassables) et des cryoextracteurs.

Leçons apprises

Formation centralisée ou éclatée

Au début du projet, et malgré le temps que cela impliquait, il avait été décidé de se ren-dre dans différentes cliniques plutôt que d’organiser un atelier de travail centralisé. Cela était possible car le projet était con-duits par des volontaires. Notre expérience au Laos et au Vietnam nous a permis de comparer les deux méthodes. D’après nous, se rendre dans chaque clinique fournissait de meilleurs résultats car on disposait de plus de temps pour former les apprentis par la pratique, et davantage d’instruments étaient disponibles pour la pratique super-visée. Lors des ateliers centralisés, le nom-bre trop important des participants ne per-mettait pas de superviser comme il le fallait chaque session pratique. De plus, la plupart des cliniques présentaient des problèmes spécifiques auxquels nous étions à même d’apporter des solutions lors de nos visites.

Un des techniciens formé avait déjà reçu une formation à l’étranger pour réparer les instruments, mais s’était plaint qu’à son retour la technique était plus difficile que ce qui lui avait été enseigné lors de la formation.

Formation des techniciens hospitaliers versus formation des infirmières de salles d’opération

Dans les cliniques disposant de techniciens, à la fois les techniciens et les infirmières de bloc opératoire ont été formés. Certaines cliniques, où les infirmiers assurent une rotation entre la salle d’opération, le service de consultations externes et les services d’hospitalisation, ont souhaité que tous les infir-miers suivent la formation. Pour ces groupes, des sessions plus générales furent organ-isées avec une formation plus approfondie pour quelques personnes, afin qu’elles devi-ennent les expertes de la clin-ique. Dans certains des hôpi-taux universitaires, il est arrivé que les techniciens soient trop occupés dans d’autres services pour par-venir à dégager du temps et se rendre dans le département d’ophtalmologie. La meilleure formation fut celle des techni-ciens des hôpitaux spécialisés comme le National Eye Centre à Kaduna, et le ECWA Eye Hospital de Kano, tous deux au Nigeria.

Formation versus don d’outils avec guides de formation

De nombreuses cliniques visitées avaient reçu des appareils d’affûtage accompagnés pour la plupart de manuels d’utilisation et/ou de vidéos. Les appareils d’affûtage n’ont pas été utilisés car les techniques se sont tout de même avérées trop compliquées et peu comprises.

Conclusion

Pour les auteurs, il est très important de fournir aux techniciens et/ou infirmiers une formation sur l’entretien et la réparation des instruments microchirurgicaux en salle d’opération et en services de consultation externe. Dans toutes les cliniques visitées, de nombreux instruments étaient soit émoussés soit cassés. Il est important que la formation soit l’occasion pour les partici-pants de recevoir une expérience suffisante à travers un apprentissage pratique. Cette formation, quand elle est menée dans les cliniques des participants, leur permet de réparer dans leur environnement, leurs propres instruments. Les dons de set de réparation sans la formation appropriée ne donnent que de faibles résultats, car la plu-part des manuels de formation et les vidéos demeurent trop complexes.

L’accent doit être mis sur l’importance d’un entretien régulier, il permet en effet de prévenir la détérioration des équipements ou des instruments. Un registre de mainte-nance et des instruments réparés doit être tenu. Cela est particulièrement important pour le gros matériel et pour, par exemple, les sets de chirurgie de la cataracte.

Il sera utile que chaque clinique désigne un responsable de l’entretien qui tiendra égale-ment à jour les registres d’entretien et qui s’assurera que celui-ci est régulièrement effectué.

Note : Cet article a été précédemment publié dans Community Eye Health, n°44, Vol 15, 2002.