Développer un programme d’enseignement
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Tout enseignant doit faire face à ces questions : « Que dois-je enseigner ? Comment puis-je décider de ce que les étudiants doivent apprendre ? Comment choisir ce qu’il faut inclure dans mon cours ? Que peut-on omettre ? ». Fort heureusement, nous pouvons nous en référer à la marche à suivre1 décrite ci-dessous pour répondre à ces questions :
Décrire en quoi consiste le travail :
- Dressez la liste exhaustive des tâches qui constituent le profil de poste des apprenants que vous devez former
Analyser chaque tâche :
- Déterminez quelles sont les compétences, les connaissances et les attitudes nécessaires pour mener chaque tâche à bien
- Formulez des « objectifs d’apprentissage »
Établir un plan de formation :
- Ordonnez les objectifs d’apprentissage de façon logique
Décrire en quoi consiste le travail
Dans le domaine de la santé, on sait très clairement pourquoi on forme des étudiants. Ceci signifie deux choses. Premièrement, nous devons clarifier parfaitement qui va être formé pour faire le travail ou occuper un poste, quel type de personnel, à quel échelon, de quelle région, et avec quel niveau d’études. Deuxièmement, nous devons définir précisément le travail que les apprenants devront accomplir après leur formation. Si l’on y réfléchit, on peut envisager chaque travail (au sens de poste) comme un ensemble de tâches. Il nous faut donc commencer en dressant la liste des tâches que l’apprenant (l’agent de santé par exemple) devra savoir exécuter correctement. Comment en arrive-t-on à cette liste ? Voici quelques idées sur la façon de procéder :
- Observez des personnels de santé qualifiés à l’œuvre et notez ce qu’ils font au quotidien.
- Demandez aux personnels de santé eux-mêmes de vous dire quelles tâches ils exécutent au quotidien dans leur travail. Posez la même question à d’autres membres de l’équipe de santé (directeurs ou gestionnaires par exemple).
- Consultez les données statistiques disponibles dans le domaine de la santé et déduisez-en ce que les personnels de santé devraient être capables de faire.
Décrire en quoi consiste le travail
Dans le domaine de la santé, on sait très clairement pourquoi on forme des étudiants. Ceci signifie deux choses. Premièrement, nous devons clarifier parfaitement qui va être formé pour faire le travail ou occuper un poste, quel type de personnel, à quel échelon, de quelle région, et avec quel niveau d’études. Deuxièmement, nous devons définir précisément le travail que les apprenants devront accomplir après leur formation. Si l’on y réfléchit, on peut envisager chaque travail (au sens de poste) comme un ensemble de tâches. Il nous faut donc commencer en dressant la liste des tâches que l’apprenant (l’agent de santé par exemple) devra savoir exécuter correctement. Comment en arrive-t-on à cette liste ? Voici quelques idées sur la façon de procéder :
- Observez des personnels de santé qualifiés à l’œuvre et notez ce qu’ils font au quotidien.
- Demandez aux personnels de santé eux-mêmes de vous dire quelles tâches ils exécutent au quotidien dans leur travail. Posez la même question à d’autres membres de l’équipe de santé (directeurs ou gestionnaires par exemple).
- Consultez les données statistiques disponibles dans le domaine de la santé et déduisez-en ce que les personnels de santé devraient être capables de faire.
Certaines tâches consignées sur la liste seront plus importantes que d’autres, soit parce qu’elles doivent être exécutées plus fréquemment, soit parce que les conséquences seront graves si ces tâches ne sont pas exécutées correctement.
À ce stade, il est très important de « voir les choses en grand ». Certains pensent que tout ce que les personnels de santé ont à faire, c’est traiter des personnes malades. Toutefois, ils ont beaucoup d’autres choses importantes à faire. Voici quelques exemples :
- Tâches de gestion : par exemple, planifier un programme de santé oculaire communautaire, maintenir l’approvisionnement en médicaments, tenir les comptes, gérer le temps correctement.
- Tâches ayant un rapport avec la lutte contre la maladie et la promotion sanitaire : par exemple, éducation sanitaire.
- Tâches ayant un rapport avec le travail en équipe : par exemple, résoudre les conflits internes.
- Tâches ayant un rapport avec la communication : par exemple, écrire une lettre pour orienter le patient vers un spécialiste.
Ce type de tâches doit également être inclus dans la liste.
Dans la première partie de cette série2, nous avons mentionné qu’il s’agit d’offrir aux apprenants une « éducation » plutôt qu’une « formation ». Si nous voulons que les apprenants soient capables de résoudre des problèmes par eux-mêmes, il faut en faire une des tâches sur la liste des tâches afférentes au poste ou au travail en question. De cette façon, nous serons certains qu’ils apprendront à le faire et que cela fera partie de leur « éducation ».
Analyser chaque tâche
Que devons-nous apprendre à quelqu’un, pour que cette personne soit capable d’exécuter une tâche avec compétence ? D’après Abbatt et McMahon1 , il faut transmettre aux apprenants à la fois les compétences et les objectifs contributifs qui favorisent l’acquisition des compétences. Prenons l’exemple suivant, s’appliquant à la formation d’un agent de santé :
Exemple de tâche no 1 : prendre en charge le trachome au quotidien.
Compétences nécessaires | Objectifs contributifs |
---|---|
Diagnostiquer un cas de trachome |
|
Appliquer une pommade oculaire |
|
Effectuer une rotation du tarse |
|
Enseigner aux personnes et aux communautés à lutter contre le trachome |
|
On voit ici qu’il y a trois types de compétences et deux types d’objectifs contributifs qui favorisent l’acquisition des compétences par l’apprenant :
Compétences
1. Compétences manuelles
2. Compétences en communication
3. Compétences décisionnelles
Objectifs contributifs
4. Connaissances
5. Attitudes
Ces 5 catégories sont ce que les pédagogues nomment les « domaines d’apprentissage »
Ceci signifie qu’il nous faut considérer séparément chacune des tâches et déterminer quelles sont les connaissances, les attitudes et les compétences que doivent apprendre les personnels de santé pour exécuter cette tâche correctement. Voici un autre exemple, s’appliquant à la formation d’un infirmier ou technicien spécialiste en ophtalmologie :
Exemple de tâche no 2 : diagnostic et prise en charge d’un patient présentant un glaucome chronique à angle ouvert (GCAO)
1 Compétences manuelles |
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---|---|
2 Compétences en communication |
|
3 Compétences décisionnelles |
|
4 Connaissances |
|
5 Attitudes |
|
Une fois cette analyse faite, nous savons exactement ce que les étudiants devront apprendre. En fait, les éléments dans la colonne de droite deviennent nos « objectifs d’apprentissage ». Il nous faut simplement les reformuler comme suit :
À l’issue de cette formation, les étudiants devraient être capables de :
- Mesurer la pression intraoculaire à l’aide d’un tonomètre de Schiötz
- Expliquer au patient comment prendre le traitement pour le GCAO
- Décider quand il faut traiter une personne présentant un GCAO
- Décrire l’anatomie de l’œil
- Adopter une attitude encourageante à l’égard des patients présentant un GCAO et leur offrir un soutien
À propos des objectifs d’apprentissage
Notez bien :
- Chaque objectif d’apprentissage commence par un verbe d’action. Il est relativement simple de formuler ainsi les objectifs qui sont des « compétences » et des « attitudes », mais pour les objectifs qui sont des « connaissances », ils nous faut utiliser des verbes comme « décrire », « établir la liste », « discuter », etc.
- Lorsque vous aurez analysé deux ou trois tâches spécifiques, vous vous rendrez compte que certaines tâches partagent des objectifs d’apprentissage. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des compétences en communication et des attitudes, mais c’est également vrai pour certaines connaissances indispensables comme l’anatomie et la physiologie.
- Les enseignants ont généralement tendance à vouloir que leurs étudiants engrangent trop de connaissances, plus qu’ils n’en auraient besoin pour exécuter le travail qui leur sera confié. Il est toujours utile de se représenter une cible allant du plus important au moins important (voir ci-dessus) : n’enseignez pas et n’évaluez pas des connaissances dont vous pouvez seulement dire : « ce serait bien si mes étudiants savaient ça ».
Établir un plan de formation
Une fois que vous aurez fini d’analyser toutes les tâches, vous aurez établi un grand nombre d’objectifs d’apprentissage. Il vous faut maintenant les caser dans un emploi du temps. Pour ce faire, gardez à l’esprit les points suivants :
- Les différents éléments du contenu doivent être présentés dans un ordre logique. Cela signifie deux choses :
1. Premièrement, il faut regrouper tous les éléments qui sont apparentés. Par exemple, il nous faut regrouper tout ce qui touche au trachome : organisme causal, épidémiologie, prévention, traitement, etc.
2. Deuxièmement, certains éléments de savoir doivent être présentés avant d’autres. Par exemple, les étudiants doivent apprendre les notions élémentaires en optique avant d’apprendre à pratiquer la réfraction.
- Vous devez prendre en compte le temps qui vous est accordé pour mener la formation. Pour une raison ou pour une autre, vous ne disposerez jamais d’assez de temps, ce qui veut dire que vous devrez établir un ordre de priorités. Il vous faudra omettre certains objectifs d’apprentissage ou leur consacrer moins de temps. Il vous faudra également éviter les duplications et répétitions inutiles.
- Vous devez réfléchir aux méthodes d’enseignement que vous utiliserez. Par exemple, les travaux pratiques ou travaux dirigés prennent plus de temps et nécessitent plus de personnel enseignant pour superviser leur exécution.
- Vous devez prendre en considération les installations mises à votre disposition. Si vous ne disposez pas des installations nécessaires dans votre propre établissement pour mener des travaux pratiques, il faudra peut-être que les étudiants se rendent ailleurs pour ces séances.
Complément d’information no 1 Pédagogie par résolution de problèmes
Dans le cas d’une formation classique, les enseignants décident de ce que les apprenants doivent apprendre et ils vérifient systématiquement que les apprenants assimilent les connaissances. Pourtant, d’autres manières de transmettre des connaissances peuvent être utilisées, comme celle qui consiste à demander aux apprenants de résoudre des problèmes. Il s’agit de l’apprentissage par résolution de problèmes. Il n’y a pas de cours magistraux ; à la place, l’enseignant présente un problème aux apprenants, généralement un problème clinique. Les apprenants travaillent en petits groupes, chaque groupe étant encadré par un facilitateur ; ils déterminent eux-mêmes leurs besoins en termes de savoir et de compétences et ce qu’il leur faut acquérir pour appréhender le problème qui leur est présenté. Ils se rendent ensuite à la bibliothèque, ainsi que dans les services et les consultations cliniques, pour apprendre les connaissances et les compétences nécessaires.
Par exemple, si le problème est celui d’un patient qui présente un entropion-trichiasis et une taie cornéenne, les apprenants se rendent compte qu’ils doivent apprendre l’anatomie de la conjonctive, de la cornée et des paupières, l’évolution clinique du trachome, l’organisme qui en est la cause, son traitement (médical et chirurgical), la prévention de cette maladie (amélioration de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement, participation de la communauté, etc.), son épidémiologie, les autres causes de taies cornéennes, etc. Le problème proposé permet donc aux apprenants d’appréhender un grand nombre de sujets et d’acquérir de nombreuses compétences.
Lorsqu’ils utilisent cette méthode, les formateurs doivent tout de même décider du contenu du programme. En sélectionnant avec soin les problèmes d’intérêt et en s’assurant qu’ils proposent aux apprenants suffisamment de problèmes à résoudre, ils feront en sorte que ceux-ci apprennent effectivement tout ce qu’ils ont besoin de savoir. La différence fondamentale avec la méthode classique tient en ceci : ce sont les apprenants eux-mêmes qui « découvrent » ce qu’ils doivent apprendre, au lieu de dépendre entièrement des enseignants.
La méthode d’enseignement par résolution de problèmes présente plusieurs avantages par rapport aux méthodes d’enseignement classiques :
- Les apprenants apprennent seuls à résoudre un problème, de façon systématique. Ceci signifie qu’ils seront donc capables de procéder de la même manière lorsqu’ils seront confrontés à de nouveaux problèmes.
- Les apprenants n’apprennent que ce dont ils ont besoin pour résoudre le problème. Il y a beaucoup moins de risque qu’ils accumulent des tas d’informations inutiles.
- Ils apprennent les différentes disciplines de façon intégrée ; cela leur est donc plus facile de retenir et de comprendre de nouvelles informations.
- L’apprentissage s’ancre plus vite et plus profondément, car les apprenants sont activement impliqués. En outre, ils peuvent voir la nécessité de savoir ce qu’ils apprennent.
Complément d’information no 2 La réforme des programmes et le modèle ÉPICES
Les programmes sont sans cesse modifiés, car les bons enseignants remettent à jour leurs propres connaissances et tentent d’apporter des solutions novatrices d’une année sur l’autre. Au cours des vingt dernières années, dans beaucoup de pays, on a œuvré pour améliorer la qualité de la formation des personnels de santé. Harden et al.3 décrivent ainsi les changements observés :
- Étudiants : les enseignements sont centrés sur les étudiants. Ce qui compte le plus, c’est que les étudiants apprennent de façon optimale. La nécessité de faire en sorte que les enseignements conviennent aux enseignants, ainsi que le statut de ces derniers, sont des préoccupations qui passent après cette préoccupation première.
- Problèmes à résoudre : les étudiants apprennent à résoudre des problèmes (relatifs à la clinique et à la gestion), au lieu de seulement mémoriser des faits.
- Intégration des différentes matières : nous essayons d’enseigner plusieurs matières ensemble, soit tous les éléments qui aident à résoudre un problème spécifique. Nous essayons d’abandonner l’enseignement de « matières » complètement séparées.
- Communauté : les étudiants font l’apprentissage de nouvelles connaissances et compétences dans un contexte communautaire, pas seulement dans de grands centres hospitaliers comme par le passé.
- Enseignements optionnels : le programme de formation n’est pas définitif et figé, les étudiants ont quelques opportunités d’approfondir ce qui les intéresse personnellement.
- Systématique : l’enseignement est plus systématique qu’autrefois. Nous faisons en sorte que les étudiants apprennent à gérer tous les problèmes importants en planifiant les enseignements avec soin. Nous ne nous contentons plus de placer les étudiants dans un service ou une consultation en espérant simplement que tout se passera au mieux.
Vous noterez que les premières lettres des six mots-clés de cette liste de contrôle forment le mot ÉPICES. Cette liste est un outil très utile pour évaluer les programmes tels qu’ils sont dispensés et pour envisager les améliorations qui peuvent être proposées.
Références
1 Abbatt F et McMahon R. Teaching Health Care Workers. 2ème éd. London : Macmillan, 1993.
2 Prozesky D, Stevens S et Hubley J. Pour un enseignement et un apprentissage efficaces. Revue de Santé Oculaire Communautaire, août 2007;4(4): 43-45.
3 Harden RM, Sowden S, Dunn WR. Educational Strategies in Curriculum Development: The SPICES Model. Medical Education 1984;18: 284-297.
Note de la rédaction
Cet article est le troisième dans notre série sur l’enseignement et l’apprentissage, tirée du livre des mêmes auteurs, Effective teaching and learning for eye health workers (ICEH, 2006).
Le premier article de la série, intitulé « Enseigner et apprendre », est paru dans le vol. 4 no 4 (août 2007) de la Revue de Santé Oculaire Communautaire
Le deuxième article, intitulé « Communication », est paru dans le vol. 5 no 5 (janvier 2008)
Le quatrième article de cette série paraîtra en janvier 2009 et s’intitulera : « Méthodes d’enseignement ».