RSOC Vol. 14 No. 18 2017 pp 6-8. Publié en ligne 19 octobre 2017.

Détection et prise en charge des complications de la chirurgie de la cataracte

Nick Astbury

Clinical Senior Lecturer, International Centre for Eye Heath (ICEH), London School of Hygiene and Tropical Medicine, Londres, Royaume-Uni.


Lily A Nyamai

Tutorial Fellow, Department of Ophthalmology, University of Nairobi, Kenya.


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Infirmière aidant un patient après l’opération. ÉTHIOPIE © Lance Bellers / ICEH
Infirmière aidant un patient après l’opération. ÉTHIOPIE © Lance Bellers / ICEH

Les soins postopératoires, y compris en cas de complication, sont indispensables à l’obtention d’un bon résultat visuel après extraction de la cataracte. Nous détaillons ici les complications précoces et tardives qui peuvent survenir, ainsi que la marche à suivre pour minimiser les mauvais résultats.

Pour obtenir de bons résultats et un minimum de complications après une opération de la cataracte, les conditions suivantes sont essentielles:

  • Personnel bien formé
  • Excellent travail d’équipe
  • Bonne évaluation préopératoire (recueil des antécédents, examen, analyses et biométrie)
  • Prévention des infections (y compris prophylaxie)
  • Équipement fonctionnel
  • Consommables disponibles (y compris lentilles intraoculaires)
  • Soins postopératoires adéquats.

Même lorsque toutes ces conditions sont réunies, des problèmes peuvent survenir si le patient ne reste pas immobile pendant l’opération, ou si le patient a des yeux enfoncés et d’accès difficile, une pupille de petite taille, une faiblesse zonulaire (qu’elle soit due à un syndrome de pseudo-exfoliation capsulaire ou à une subluxation), ou encore une cataracte hypermature dont l’exérèse doit être réalisée par un chirurgien très expérimenté.

Des problèmes peuvent également survenir après l’opération si des complications postopératoires passent inaperçues ou si les complications préopératoires ne sont pas bien gérées. Pour cette raison, il faut que tout le personnel de santé oculaire en contact avec le patient en postopératoire possède des connaissances de base sur l’intervention et sache reconnaître ce qui est normal, afin de pouvoir détecter les signes ou symptômes qui pourraient nécessiter une prise en charge supplémentaire. Le personnel doit savoir comment reconnaître une complication précoce ou tardive et comment la gérer efficacement afin de prévenir la perte de vision que nous aborderons plus en détail dans cet article.

Les complications sont rares et peuvent généralement être traitées de façon efficace. Dans un petit nombre de cas, une opération supplémentaire peut être nécessaire. Dans de très rares cas, certaines complications peuvent entraîner une cécité.

Certaines complications peuvent survenir même après une opération qui s’est bien déroulée. Cependant, dans la plupart des cas, les complications peuvent être évitées grâce à une communication efficace entre l’équipe de soins et les patients. Il est nécessaire d’avoir une bonne relation et des échanges francs sur les attentes dès le début.

En règle générale, une dégradation de la vision, une douleur croissante, une rougeur, un oedème ou un écoulement oculaire sont tous des symptômes ou des signes qui doivent déclencher un référencement du patient.

Vous trouverez ci-dessous une liste de complications et des conseils relatifs à leur prise en charge en vue de minimiser le risque de mauvais résultats.

Complications précoces

Ce sont des complications qui surviennent immédiatement après l’opération (et peuvent avoir leur origine dans l’opération elle-même). Une vigilance et une surveillance postopératoires adéquates des patients permettent de les détecter et de les traiter pendant que le patient est toujours hospitalisé. En outre, assurez-vous que les patients savent qu’ils doivent alerter un membre du personnel si :

  • Ils éprouvent des douleurs (pas seulement un léger inconfort)
  • Ils présentent une quelconque baisse de vision
  • Ils remarquent une rougeur, un oedème ou unécoulement oculaire
Cornée trouble après une opération de la cataracte. Il y a également eu perte de vitré durant l’intervention. KENYA © Lindsay Hampton
Cornée trouble après une opération de la cataracte. Il y a également eu perte de vitré durant l’intervention. KENYA © Lindsay Hampton

Inconfort. La plupart des patients passeront la nuit à la clinique et recevront leur premier pansement le lendemain. On peut s’attendre à une légère irritation, qui disparaît généralement au bout d’un ou deux jours, et la vision s’améliore progressivement. Une douleur intense est inhabituelle et peut indiquer une pression intraoculaire élevée ou le début d’une infection. Si la vision s’améliore, si l’oeil n’est pas trop rouge et si le patient n’éprouve qu’un léger inconfort, rassurez-le simplement en lui disant qu’il ira mieux.

Une ecchymose ou un oedème palpébral(e), ou une hémorragie sous-conjonctivale peuvent se produire après une injection d’anesthésique sous-ténonienne ou péribulbaire. Ceci disparaîtra au bout d’une semaine à 10 jours. Le patient n’a pas à s’inquiéter. Une hémorragie intraoculaire causée par le saignement de la plaie ou de l’iris est rare. Si l’ecchymose ou l’oedème sont importants ou si la pression intraoculaire est élevée, une intervention médicale ou chirurgicale peut être nécessaire.

Une allergie aux collyres corticoïdes ou antibiotiques prescrits en postopératoire peut provoquer une réaction dans de rares cas. Des démangeaisons, un érythème et un oedème peuvent se produire autour de l’oeil. Ils disparaissent à l’arrêt des collyres ou après l’utilisation d’une crème à l’hydrocortisone à 1 %.

Pression intraoculaire (PIO) élevée. Un pic de pression est fréquent en postopératoire et peut être dû à un reliquat de gel viscoélastique. Il disparaît généralement sans traitement. Les patients présentant déjà un glaucome sont plus exposés à ce risque ; par conséquent, il est conseillé de contrôler leur pression intraoculaire le jour suivant l’opération. Si vous réalisez l’opération dans le cadre d’une stratégie avancée ou si vous avez des raisons de soupçonner que les patients ne pourront pas revenir pour le suivi, un traitement court avec un bêta-bloquant comme le Timolol peut être prescrit.

Hypotonie oculaire/fuite de la plaie. Une fuite peut se produire en cas de plaie de grande taille ou mal réalisée, ce qui entraînera une hypotonie oculaire. La vue peut être floue et le risque d’infection est accru. Un référencement vers un spécialiste et de nouveaux points de suture seront probablement nécessaires.

Si la chambre antérieure est plate après l’opération, cela est généralement dû à une fuite au niveau de l’incision. Une fuite peu importante se résout généralement spontanément et peut également être prise en charge par l’administration de cycloplégiques, d’antibiotiques et d’inhibiteurs de l’anhydrase carbonique, et en diminuant la corticothérapie. Vous pouvez également utiliser un adhésif tissulaire ou une lentille pansement. En cas de fuite importante, il pourra éventuellement être nécessaire de reformer la chambre antérieure et suturer.

Parfois, cependant, on observe une chambre antérieure peu profonde en même temps qu’une pression intraoculaire élevée. Ceci est généralement dû à un blocage de la circulation de l’humeur aqueuse causé par un bloc pupillaire. Un bloc pupillaire peut être associé à une uvéite postopératoire, entraînant des adhérences de l’iris (synéchies) au vitré, à la capsule postérieure ou à la lentille intraoculaire (LIO). Ceci peut entraîner une chambre antérieure peu profonde et une PIO élevée. L’implantation d’une LIO en chambre antérieure sans avoir réalisé une iridectomie périphérique prophylactique peut également entraîner un bloc pupillaire. Une iridectomie périphérique, chirurgicale ou au laser, accompagnée d’instillations fréquentes de corticoïdes, s’avère généralement efficace.

Une opacification de la cornée peut se produire en cas de manipulations chirurgicales excessives ou en cas de dystrophie cornéenne préexistante. Généralement, la cornée retrouve progressivement sa transparence au bout de quelques semaines ou, plus rarement, quelques mois. Dans les rares cas où la cornée ne retrouve pas spontanément sa transparence, une greffe de cornée pourra s’avérer nécessaire. Avant d’orienter le patient, vous pouvez essayer de soulager un oedème cornéen avec des corticoïdes topiques, des agents hyperosmotiques et une lentille pansement. Toutefois, si le potentiel visuel de l’oeil semble faible ou nul, on peut réaliser un lambeau conjonctival recouvrant la totalité de la cornée (ce que les Anglo-Saxons nomment lambeau de Gundersen).

Décentrage ou luxation de la LIO (Figure 1). Si les anses de l’haptique de la LIO ont été mal placées, cette dernière peut être décentrée. Si l’intervention était compliquée et il y a eu rupture de la capsule postérieure, il peut y avoir eu luxation de la LIO. Dans ces deux cas de figure, le patient présentera une vision trouble ou une douleur oculaire et il sera nécessaire de réopérer.

Figure 1. Lentille intraoculaire décentrée © ICEH
Figure 1. Lentille intraoculaire décentrée © ICEH

Dans beaucoup de cas, les LIO utilisées sont des implants en acrylique rigides d’une seule pièce. La LIO décentrée ou luxée peut se retrouver en position intracapsulaire ou extracapsulaire. Si elle est en position intracapsulaire, la cause peut être un phimosis capsulaire ou un soutien insuffisant au niveau de la zonule (par exemple en cas de syndrome de pseudo-exfoliation). Un décentrage extracapsulaire se produit quand l’une des anses de l’haptique (ou les deux) est placée dans le sulcus ciliaire, l’optique étant placée dans le sac capsulaire. Il arrive que l’optique se retrouve inclinée ou déplacée devant l’iris dans la chambre antérieure. Dans ces cas de figure, il faut mettre le patient sous observation (s’il est symptomatique) ou bien imprimer à la LIO un mouvement de rotation de façon à la replacer en position centrale et à la stabiliser. Dans les cas où les fibres zonulaires sont inadéquates, il faudra éventuellement utiliser une LIO de chambre antérieure ou suturer un implant tout d’une pièce à l’iris ou à la sclère.

Erreur dans la puissance de la LIO. Les « surprises réfractives » (c’est-à-dire les vices de réfraction postopératoires supérieurs à 2 dioptries) se produisent dans 5 à 10 % des implantations. La plupart sont le résultat d’erreurs humaines et pourraient être évitées. Une biométrie préopératoire précise et une stricte adhésion au protocole devraient permettre d’éviter l’implantation d’une LIO de puissance incorrecte. La réfraction permettra de déterminer si le calcul de la puissance de la LIO était erroné. Une correction optique par des lunettes devrait généralement permettre au patient de tirer bénéfice de son opération.

Le vice de réfraction postopératoire doit être confirmé par skiascopie et corrigé par le port de lunettes. Ceci s’effectue généralement 4 à 6 semaines après l’intervention.

L’infection oculaire (endophtalmie) (Figure 2) est la complication la plus grave. Son incidence varie de moins de 1/1 000 à plusieurs fois ce chiffre en fonction des critères de diagnostic et selon que les cas sont confirmés par une culture bactériologique ou seulement cliniquement diagnostiqués.1 Lorsque l’endophtalmie est aiguë, elle se développe en 2 à 5 jours, la douleur étant un symptôme important. Cependant, l’endophtalmie peut survenir jusqu’à 6 semaines après l’intervention chirurgicale. Une injection ciliaire et un chémosis de la conjonctive peuvent être observés, ainsi qu’un hypopyon en chambre antérieure. Une orientation d’urgence pour une culture et un traitement antibiotique peuvent sauver l’oeil. Pour plus de détails, relire l’article du numéro 15 de cette revue2 : www.cehjournal.org/article/endophtalmie-postoperatoire/

Figure 2. Endophtalmie avec hypopyon © ICEH
Figure 2. Endophtalmie avec hypopyon © ICEH

Syndrome toxique du segment antérieur. Le syndrome toxique du segment antérieur (TASS pour les Anglo-Saxons) ressemble à l’endophtalmie. Il s’agit d’une réaction inflammatoire stérile grave survenant après l’opération, qui est due à l’utilisation de solutions contaminées durant l’intervention. Des collyres corticoïdes peuvent être administrés jusqu’à la disparition de l’inflammation. Un suivi fréquent est également essentiel pour surveiller les symptômes et réévaluer l’infection bactérienne et la pression intraoculaire.

Complications tardives

Ces complications peuvent survenir après le retour des patients chez eux. Il est donc essentiel que les patients surveillent leur propre santé oculaire et sachent que faire et où aller s’ils ont des inquiétudes. À leur sortie de l’hôpital, on peut remettre aux patients une liste de contrôle comportant les signes et les symptômes importants. L’oedème maculaire cystoïde (OMC) est souvent responsable d’une perte visuelle inattendue et peut se manifester 4 à 6 semaines après l’opération. Le risque est plus élevé lorsque l’opération a été compliquée ou en cas de rétinopathie diabétique ou de cicatrice maculaire. La majorité des cas se résolvent spontanément au bout de quelques semaines ou quelques mois, mais avec une certaine perte de sensibilité au contraste, ou même avec une mauvaise vision. L’OMC est souvent pris en charge par l’administration topique ou injection sous-ténonienne ou intravitréenne de corticoïdes ou par l’instillation de collyres anti-inflammatoires non stéroïdes. Une intervention chirurgicale est indiquée dans les cas où l’on a identifié la cause du problème, par exemple une mèche de vitré, des reliquats de cristallin ou une LIO décentrée. Par mesure de précaution, la plupart des patients présentant une rétinopathie diabétique doivent prendre des anti-inflammatoires en guise de prophylaxie après l’opération. Les symptômes sont une vision floue ou une baisse de la vision centrale.

Décollement de rétine

Celui-ci peut se produire des semaines ou des mois après l’opération. Il est plus fréquent chez les patients très myopes ou après une opération compliquée avec perte de vitré. Les symptômes d’un décollement de rétine comprennent l’apparition de « corps flottants », des éblouissements intermittents, ainsi que l’apparition d’un voile noir en bordure du champ de vision.

Opacification de la capsule postérieure (Figure 3)

Celle-ci se produit dans 10 % des cas au bout de deux ans et est la cause la plus fréquente d’intervention après une exérèse de la cataracte. Cette opacification résulte de la migration de cellules épithéliales du cristallin dans la capsule postérieure (normalement transparente). Les symptômes en sont une vision trouble et un éblouissement. Elle se traite au laser Nd YAG. Cette opacification peut apparaître précocement chez les patients jeunes et les enfants ; ils doivent donc en être avertis.

Figure 3. Opacification de la capsule postérieure © ICEH
Figure 3. Opacification de la capsule postérieure © ICEH

Conclusion

La fin de l’opération est le début d’une période d’anxiété durant laquelle le patient espère que sa vue sera restaurée. Si des complications surviennent, on doit en informer le patient et lui expliquer le pronostic. Il faut prêter attention aux symptômes postopératoires et rechercher soigneusement les signes de complications éventuelles, afin de prendre les mesures nécessaires. Un bon conseil préopératoire et une connaissance des problèmes pouvant se présenter après l’intervention permettront une détection rapide des complications pour une prise en charge efficace.

Références

1 Alshihry AM. Epidemiology of postoperative endophthalmitis (POE) in a specialised eye hospital. Epidemic 4 (2014):145.

2 Niyadurupola N et Astbury N. Endophtalmie postopératoire. Rev Santé Oculaire Comm Vol. 12 No.15 (2015) : 35–36.