RSOC Vol. 04 No. 03 2007 pp 14 - 15. Publié en ligne 01 janvier 2007.

Comment j’aborde la trabéculectomie

Ian Murdoch

Maître de conférence et chef de clinique ophtalmologique, Department of Epidemiology and International Eye Health, Institute of Ophthalmology, Bath Street, London EC1V 9EL, Royaume-Uni.

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Cet article a pour but de décrire une façon d’aborder la trabéculectomie, qui est le traitement chirurgical le plus courant pour le glaucome à angle ouvert. Il faut reconnaître que les patients ont d’abord du mal à comprendre le concept du traitement chirurgical par trabéculectomie. En effet, les médecins leur annoncent qu’ils sont malades, mais l’œil qui préoccupe le plus l’ophtalmologiste est souvent asymptomatique. En outre, le traitement ne peut qu’espérer préserver la vision existante. Il risque même de détériorer celle-ci. Il est crucial de prendre en compte tous ces éléments lorsqu’on envisage une intervention chirurgicale. Un traitement préventif est toujours plus difficile à accepter pour le patient. Le chirurgien devra produire le résultat le plus sûr possible et ressentira encore plus de pression que d’habitude. Un chirurgien bien reposé, un bloc opératoire calme, ainsi qu’une technique chirurgicale assurée représentent toujours un bon début.

L’objectif d’une trabéculectomie est la création d’une fistule protégée qui permet de drainer l’humeur aqueuse de la chambre antérieure et de réduire ainsi la pression intraoculaire (PIO) de façon stable. Il a été prouvé qu’une intervention fistulisante, lorsqu’on peut la recommander au patient, permet de contrôler la PIO à long terme et de préserver le champ visuel. La principale complication de cette intervention est un échec de la filtration dû à une cicatrisation fibreuse. Une hypotonie, une hémorragie et une infection sont d’autres complications possibles.

Cet article décrit chaque étape de l’intervention et dresse la liste des points que vous devez prendre en compte en tant que chirurgien. Nous nous plaçons dans le cas de figure où l’intervention chirurgicale est la bonne décision thérapeutique. Ce sont vos résultats qui comptent. Le suivi post-opératoire est absolument essentiel, car vous en tirerez des informations sur les résultats de votre intervention. Vous pourrez identifier vos points faibles éventuels et prendre les mesures nécessaires pour y remédier.

Préparation pré-opératoire

Une diminution rapide de la PIO n’est pas souhaitable pour l’œil (risque de rétinopathie de décompression et d’hémorragie suprachoroïdienne). Toute ponction des structures intraoculaires entraîne une baisse rapide de la PIO, par conséquent il faut contrôler les PIO élevées avant de pénétrer dans l’œil . Ceci doit être fait en administrant un traitement médical. Si les traitements hypotenseurs oculaires habituels échouent, le meilleur moyen pour réduire la PIO sera une anesthésie générale avec hyperventilation légère. Si celle-ci n’est pas réalisable, il vous faudra recourir à des agents osmotiques comme le glycérol ou le mannitol, qui ne sont pas sans risque.

Les conditions opératoires doivent être optimales : absence d’infection oculaire et absence de facteurs de risque infectieux (trichiasis, entropion, etc.). Si la conjonctive ou l’œil sont le siège d’une inflammation (iritis, etc.), il sera sage d’utiliser des corticoïdes en pré-opératoire (tout en surveillant leur effet sur la PIO). Dans le cas d’une inflammation conjonctivale, les corticoïdes peuvent être appliqués localement. Dans le cas d’une inflammation intraoculaire, il sera peut-être nécessaire de les administrer par voie générale.

Un collyre à la bétadine à 5 % est idéal, sauf contreindications (allergie, disponibilité, etc.). Laissez un peu de collyre dans le cul-de-sac conjonctival inférieur.

Utilisez la méthode de votre choix pour dégager les cils du champ opératoire. Si vous ne disposez pas d’un blépharostat ou de champ opératoire autocollant, vous pouvez plier un simple morceau de plastique autour du bord palpébral sous le blépharostat.

1 Anesthésie

L’anesthésie générale est habituellement un luxe, mais elle peut s’avérer nécessaire dans certains cas à risque comme les PIO élevées.

Utilisez la méthode d’anesthésie locale que vous maîtrisez le mieux pour minimiser les complications et optimiser l’anesthésie. Les anesthésies rétrobulbaire, péribulbaire et sous-ténonienne ont pour inconvénient de nécessiter plus souvent un fil de traction et de rendre la fermeture de la plaie conjonctivale plus difficile, car le globe est poussé vers l’avant et on aura plus de difficulté à le repositionner. Avec ces méthodes d’anesthésie locale, il y a souvent moins d’anesthésique dans la partie conjonctivale postérieure en fin d’intervention et l’améthocaïne en application locale n’est pas idéale. L’utilisation de lignocaïne à 2 % en sous-conjonctival au site opératoire est une solution possible. Ceci permet une rotation inférieure du globe oculaire pendant l’intervention principale et une rotation supérieure pour suturer la conjonctive. En outre, cette solution réalise une excellente anesthésie du bord conjonctival. L’inconvénient de cette méthode est qu’elle requiert la coopération du patient et entraîne parfois un inconfort de courte durée durant l’iridectomie périphérique.

2 Fil de traction

Ce peut être une bonne idée d’avoir un fil de traction bien placé dans le droit supérieur, mais il peut y avoir une tendance hémorragique sous-conjonctivale ou une ptôse en post-opératoire. En outre, un mauvais placement peut entraîner une traction de la conjonctive plutôt qu’une traction du globe.

Un fil de traction placé dans la partie supérieure de la cornée présente certains avantages, mais dans l’idéal il faudrait le relâcher avant de pénétrer dans la chambre antérieure. En outre, il risque de devenir une gêne durant la suture du volet scléral, car il aura tendance à récliner le volet.

Un médecin sud-africain a suggéré de placer un fil de traction dans la partie inférieure de la cornée, sous le blépharostat, pour réaliser une rotation inférieure de l’œil . J’ai testé moi-même cette méthode, que j’ai trouvée très efficace.

Personnellement, je n’utilise pas un fil de traction de façon systématique.

3 Incision conjonctivale

La plupart des spécialistes de la chirurgie du glaucome réalisent maintenant une incision dans le cul-de-sac conjonctival, car cela entraîne une meilleure bulle de filtration.

La capsule de Tenon s’insère au limbe à environ 5 mm derrière la conjonctive. Quand vous effectuez votre première incision, vous devez décider soit d’inciser en même temps conjonctive et capsule de Tenon, soit d’inciser un plan après l’autre. La décision varie en fonction du patient.

4 Agents cytotoxiques

Lorsqu’on applique un agent cytotoxique, on a plutôt tendance de nos jours à badigeonner une zone importante vers l’arrière, plutôt qu’une petite zone très localisée vers l’avant. La raison en est là encore une meilleure bulle de filtration.

Veillez bien à n’appliquer l’agent cytotoxique qu’à l’endroit voulu. Vous pouvez employer à cette fin plusieurs méthodes : de nombreuses petites éponges montées (il faut comptabiliser les entrées et les sorties), des éponges sèches de plus grande taille imbibées de cytotoxique in situ, ou bien encore des injections sous-conjonctivales en fin d’intervention.

Souvenez-vous que la radiothérapie bêta est une méthode simple et efficace, facile à appliquer si vous disposez d’une sonde.

5 Cautérisation

N’oubliez pas que la plupart des saignements se tarissent spontanément, à condition d’attendre un peu.

Le but est d’éviter un saignement, ni plus ni moins. Ne péchez pas par excès de zèle. Blanchissez simplement les vaisseaux à l’endroit où vous avez incisé (ou allez inciser) – nul besoin d’en faire des tonnes !

Il vaut mieux, si possible, éviter les veines perforantes, en choisissant avec soin le site opératoire.

Figure 1. Formes de volet scléral. Ian Murdoch
Figure 1. Formes de volet scléral. Ian Murdoch

6 Forme du volet scléral

Les formes les plus utilisées sont : triangulaire, semi-circulaire, carrée et rectangulaire. Personnellement, je préfère un volet scléral de forme rectangulaire, comme le montre la Figure 1, car ceci permet de diriger le flux vers l’arrière par le plus court trajet et permet également de masser l’œil très facilement. L’inconvénient principal d’un volet de cette forme est que celui-ci est susceptible d’entraîner un astigmatisme irrégulier qui peut prendre jusqu’à deux ans pour se résorber.

7 Dissection du volet scléral

Si vous réalisez une dissection directe, tirez fortement sur le volet à sa base, exactement à l’endroit de la dissection. Ceci permettra de créer plus facilement le plan de dissection.

Si vous utilisez un couteau, veillez à maintenir le plan de dissection parallèle. L’erreur la plus fréquente est la dissection d’un volet scléral d’épaisseur décroissante.

8 Paracentèse

À ce temps opératoire, je recommande une paracentèse inférotemporale, pour permettre l’accès en chambre antérieure en per et post-opératoire. La voie d’abord inféro-temporale est plus facile d’accès si on utilise une lampe à fente.

Figure 2. Incisions de sclérotomie. Ian Murdoch
Figure 2. Incisions de sclérotomie. Ian Murdoch

9 Sclérotomie

Personnellement, je considère que la méthode la plus sûre et la plus fiable est la réalisation d’incisions directes de pleine épaisseur. L’ordre des incisions est illustré dans la Figure 2. Après les incisions 1 et 2, saisissez par son milieu le pont de tissu scléral pour faciliter la réalisation des incisions 3 et 4.

Si vous utilisez une pince « punch », assurez-vous d’abord, avant d’appuyer, que celle-ci est bien positionnée perpendiculairement à la sclère. Ceci est essentiel pour obtenir une bonne sclérotomie non mortaisée.