RSOC Vol. 21 No. 31 2024 pp 8-9. Publié en ligne 12 juillet 2024.

Comment apprendre aux patients à gérer leur traitement oculaire à la maison

Nyawira Mwangi

Directrice adjointe, responsable des enseignants, Kenya Medical Training College, Nairobi, Kenya.


Leah Kenan

Directrice de la prise en charge des patients, City Eye Hospital, Nairobi, Kenya


Funmi Bankole

Directrice, Service d’ophtalmologie, Lagos Ministry of Health, Lagos, Nigeria.


Trois hommes sont debout face à une table sur laquelle sont posées des boîtes de médicaments. Une femme est assise à la table et tend une boîte de médicaments à l’un des hommes.
Il faut parler aux patients de leurs médicaments et leur expliquer comment les administrer. CÔTE D’IVOIRE © Ferdinand Ama
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Une fois qu’ils ont quitté le centre de soins, les patients en ophtalmologie doivent prendre en charge leur propre traitement ; notre rôle est de leur permettre de le faire efficacement et en toute sécurité.

Avant que les patients ne quittent le centre de santé, nous devons avoir la certitude que ces derniers et leurs aidants savent :

  1. Comment obtenir les bons médicaments
  2. Comment gérer leurs médicaments en toute sécurité
  3. Comment administrer correctement leurs médicaments.

1. Obtenir le bon médicament

Avant que le patient ne quitte l’établissement de santé, parlez-lui des médicaments qui lui ont été prescrits.

  • Le personnel formé en ophtalmologie ou le pharmacien de l’hôpital peut vérifier que les médicaments prescrits sont sans danger pour le patient. Demandez au patient s’il présente d’autres affections, s’il a des allergies, ou s’il prend d’autres médicaments, y compris des médicaments à base de plantes ou des produits en vente libre, tels que les suppléments vitaminiques et l’aspirine. Signalez toute inquiétude au pharmacien ou au médecin prescripteur.
  • Expliquez ensuite au patient où il doit se rendre pour obtenir ses médicaments et ce qu’on lui a prescrit (le nombre et le type de médicaments, par ex. s’il s’agit de collyre ou de pommade).
  • Conseillez au patient de vérifier ses médicaments avant de quitter la pharmacie : a-t-il le bon nombre de médicaments, le bon type de médicament, et la date de péremption est-elle ou non dépassée ? Dans certains hôpitaux, on demande au patient de revenir au service d’ophtalmologie avec ses médicaments pour que l’infirmier puisse les vérifier avant que le patient ne les rapporte à la maison.
  • S’il a un traitement au long court, expliquez au patient comment faire renouveler son ordonnance.

2. Gérer les médicaments en toute sécurité

Conservation des médicaments

Dites au patient ou à son aidant de garder le médicament hors de portée des enfants et de consulter la notice (contenue dans la boîte) pour savoir s’il doit être conservé au réfrigérateur.

Un médicament qui n’a pas besoin d’être réfrigéré doit être conservé dans un endroit frais et sec (meuble de rangement, pochette, boîte, étagère, tiroir, etc.). La cuisine est généralement trop chaude, et tout endroit exposé à la lumière directe du soleil n’est pas approprié.

Rappelez au patient de remettre en place le bouchon ou le couvercle du médicament immédiatement après utilisation (pour éviter toute contamination) et de conserver la notice en lieu sûr pendant toute la durée du traitement, au cas où il aurait besoin de s’y référer ultérieurement.

Dates d’expiration

Les médicaments périmés peuvent être contaminés, ce qui peut entraîner des infections et lésions oculaires ; ils peuvent également devenir inefficaces.

  • Si la date d’expiration indiquée sur l’emballage est après la date d’aujourd’hui, alors le médicament n’est pas périmé et il peut être utilisé sans danger.
  • Si la date d’expiration indiquée sur l’emballage est avant la date d’aujourd’hui, alors le médicament est périmé et il faut le jeter.

Il faut se débarrasser des médicaments périmés en toute sécurité, de préférence en les rapportant à la pharmacie. Prévenez les patients sous traitement pour une maladie chronique ou à long terme qu’ils doivent renouveler leur ordonnance seulement lorsque c’est nécessaire. S’ils achètent en une seule fois plusieurs mois de traitement, certains des médicaments risquent de se périmer avant que le patient puisse les utiliser.

Vérification des médicaments avant leur utilisation

Encouragez le patient à vérifier ses médicaments avant de les utiliser.

  • Vérifier la date de péremption. Ne pas utiliser un médicament dont la date de péremption est dépassée. Si vous ne voyez pas la date de péremption, par exemple parce qu’elle a été effacée, rapporter le médicament à la pharmacie pour qu’il soit éliminé en toute sécurité, puis renouveler l’ordonnance.
  • Ne pas utiliser un médicament qui était transparent à l’origine mais est devenu trouble, ou qui contient des particules visibles.
  • Vérifier la durée du traitement dans les instructions données par le clinicien. Arrêter le traitement lorsque les médicaments ont été pris suffisamment longtemps et se débarrasser des médicaments restants. Une fois ouvert, un collyre peut être contaminé au fil du temps. Il est donc important de l’utiliser conformément aux instructions et pendant la durée conseillée par le médecin. Ne pas conserver les médicaments restants pour les utiliser plus tard. En général, les collyres doivent être jetés dans le mois qui suit l’ouverture du flacon.
  • Lors de l’administration des gouttes, il peut arriver que l’on touche accidentellement la pointe du flacon ou du comptegouttes, ce qui peut entraîner une contamination. Il est donc important de ne pas partager ses médicaments avec d’autres personnes, car cela pourrait propager l’infection.

3. Administrer correctement les médicaments

Gestion des attentes du patient

  • Informez le patient si le médicament qui lui a été prescrit est susceptible de provoquer une irritation ou des picotements. Rassurez-le en lui disant que cela ne durera que quelques secondes et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
  • Informez le patient que l’utilisation de certains collyres peut provoquer un goût de médicament dans la bouche. Rassurez-le en lui disant que c’est normal et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

Posologie et horaire des prises

Dites au patient d’utiliser son collyre en respectant strictement la prescription. Le choix du moment de l’instillation des gouttes oculaires peut être crucial dans la réussite du traitement. Suggérezlui d’instiller son médicament à des heures précises, par exemple à 7 heures du matin et à 19 heures lorsque le collyre doit être administré deux fois par jour. Expliquez pourquoi il est important d’instiller les gouttes à ces moments-là (le moment est généralement choisi en fonction de la durée d’action du médicament).

Rappelez au patient d’instiller le nombre de gouttes qui a été prescrit. Si on lui prescrit un collyre et une pommade, il doit d’abord instiller le collyre et attendre 5 à 10 minutes avant d’appliquer la pommade. Cela permet de s’assurer que la quantité de médicament absorbée est suffisante.

Image montrant les mains d’un médecin en blouse blanche. Dans sa main gauche il tient un tube de pommade oculaire et dans sa main droite il tient la boîte d’emballage de la pommade.
Figure 1 a. Vérification de la conformité avec la prescription et de la date de péremption. NIGER © Laminou Laouali
Image en gros plan montrant le visage d’un jeune patient et les mains d’un médecin appliquant de la pommade oculaire dans l’œil droit du patient.
Figure 1 b. Dépôt d’une frange de pommade oculaire dans le fornix inférieur. NIGER

Utilisation du collyre ou de la pommade

Montrez au patient et à son aidant les étapes décrites à la page 22. Permettez-leur de s’exercer pendant qu’ils sont encore au centre de santé.

Pour les patients post-opératoires, il est conseillé qu’une autre personne administre le médicament, par exemple un membre de la famille ou un ami. Ceci permet de réduire le risque d’infection résultant d’un contact accidentel entre les cils et l’embout du flacon ou du tube, ce risque étant plus élevé lorsque l’on s’administre soi-même le médicament. Il est également plus facile pour l’aidant de vérifier qu’une seule goutte est instillée à la fois.

Il convient de donner aux patients souffrant d’affections oculaires chroniques, telles que le glaucome, les compétences et la confiance nécessaires pour instiller eux-mêmes leurs médicaments.

Conseils et soutien

Certains patients ont beaucoup de mal à garder les yeux ouverts pendant la procédure d’administration du médicament. La technique des yeux fermés, décrite ci-après, pourrait leur être utile :

  1. Allongez-vous sur un canapé ou un lit ou asseyez-vous sur une chaise et inclinez votre tête vers l’arrière le plus possible.
  2. Fermez légèrement les yeux.
  3. Tenez le flacon de collyre entre le pouce et les deux premiers doigts.
  4. Posez les deux autres doigts sur votre nez pour stabiliser votre main.
  5. Sans mettre l’embout du flacon en contact avec la paupière ou le visage, instillez une goutte dans le coin de l’oeil, près du nez.
  6. Tout en gardant la tête penchée en arrière, ouvrez les yeux et clignez des paupières plusieurs fois jusqu’à ce que la goutte coule dans l’oeil.

Si le patient trouve que le flacon est trop petit ou glissant, suggérezlui de l’entourer d’une serviette ou d’un mouchoir en papier. Si cela ne suffit pas, recommandez un dispositif d’administration de médicaments disponible sur le marché local à un prix abordable.

Autres problèmes

Certaines personnes peuvent continuer à rencontrer des difficultés, en particulier si elles sont anxieuses, si elles souffrent d’une grave déficience visuelle, si leurs mains sont douloureuses ou tremblantes, si elles souffrent d’un handicap qui affecte leurs mains ou leurs doigts, ou si elles n’ont pas la coordination ou la force nécessaires pour instiller leurs propres médicaments. Pour ces patients, il est conseillé de demander à quelqu’un de les aider, par exemple un membre de la famille, un ami ou un voisin, et de demander à cette personne d’être présente au prochain rendez-vous afin que le médecin ou l’infirmier puisse la former à l’instillation des médicaments.

Erreurs courantes

Ces erreurs ne concernent pas que les patients ; les professionnels de la santé qui n’ont pas reçu une formation sur le sujet peuvent également les commettre.

  1. Rétracter la paupière supérieure au lieu de la paupière inférieure. Le collyre s’écoule généralement hors du globe oculaire et se répand sur la joue du patient. La quantité de collyre qui pénètre dans l’oeil est très faible, de sorte que le patient ne reçoit pas la dose nécessaire.
  2. Rétracter la paupière inférieure, mais instiller plus d’une goutte. Cela peut arriver lorsque le patient ne sait pas si la première goutte est bien tombée dans l’oeil. C’est souvent la raison pour laquelle le patient dit que son collyre s’épuise très rapidement.
  3. Ne pas attendre 5 minutes entre deux médicaments pour les yeux. Le deuxième collyre peut « chasser » le premier collyre de l’oeil avant qu’il ne soit absorbé. C’est souvent la raison pour laquelle le médecin ne constate pas d’amélioration, même si le patient prend son traitement.

Résolution des problèmes

Si le patient dit utiliser son collyre alors que le médecin ne voit pas d’effet, posez-lui des questions directes sur le moment où il l’utilise et sur la manière dont il le fait.

  • Est-ce qu’il attend au moins cinq minutes avant l’administration d’un autre médicament pour les yeux, et est-ce qu’il n’instille qu’une goutte à la fois ?
  • Combien de fois par jour utilise-t-il son médicament ?
  • Vérifiez que la concentration du médicament est correcte.
  • Demandez au patient de décrire chacun des médicaments qu’il prend et d’indiquer le moment où il l’applique ou l’instille. S’il n’attend pas assez longtemps entre les médicaments, le deuxième peut « chasser » le premier, ce qui fait perdre au patient le bénéfice du traitement.
  • Vérifiez comment le patient conserve ses médicaments ; les médicaments qui nécessitent une réfrigération perdent leur efficacité s’ils ne sont pas conservés au réfrigérateur. Le traitement n’aura donc pas l’effet escompté, même si le patient respecte la prescription.
  • Demandez au patient s’il y a eu une quelconque interruption de son traitement depuis sa dernière visite. Il peut omettre de communiquer cette information si vous ne lui posez pas directement la question.

Prévention des infections oculaires : conseils aux patients

  • Si vous touchez le compte-gouttes par accident, il est préférable de jeter le flacon et d’en racheter un autre. Si cela s’avère difficile pour quelque raison que ce soit, nettoyez immédiatement le flacon.
  • Si le bouchon du collyre ou de la pommade tombe par terre, ramassez-le immédiatement et nettoyez-le à l’aide d’un tampon stérile imbibé d’alcool avant de le remettre en place.

Référence

1 Organisation mondiale de la Santé. Rapport mondial sur la vision. Genève : OMS, 2019. https://www.who.int/fr/publications-detail/9789241516570