RSOC Vol. 15 No. 19 2018 pp 20. Publié en ligne 26 mars 2018.

Atteindre les communautés rurales laissées pour compte : étude de cas

Samara Ahmed

Chef de projet, Sightsavers, Calcutta, Inde.


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Patiente consultant un « médecin de campagne » à Basanti, dans la région des Sundarbans. INDE © Seema Rupani Shah
Patiente consultant un « médecin de campagne » à Basanti, dans la région des Sundarbans. INDE © Seema Rupani Shah

Pour lutter contre les iniquités à long terme, les organisations doivent collaborer avec le gouvernement local, comme le montre cet exemple dans la région très isolée des Sundarbans.

La région des Sundarbans, dans le Bengale occidental, en Inde, est constituée de 106 îles, dont 52 sont habitées. Ses habitants sont les plus marginalisés et les plus défavorisés parmi la population indienne1. Presque 70 % des soins de santé sont fournis par le système de santé publique du gouvernement, mais l’infrastructure est dans un état désastreux et la pénurie de personnel de santé et de centres de santé primaire est énorme. La prévalence de la cécité parmi les personnes âgées de 50 ans et plus s’élève à 2,1 % (alors qu’elle est de 1,19 % dans le Bengale occidental et de 1,0 % en Inde).

Sightsavers a mis en place un projet, également soutenu par Seeing is Believing, pour lutter contre les iniquités en santé oculaire dans la population rurale des Sundarbans. Ce projet, lancé en 2013, est prévu pour une durée de cinq ans.

Mise en place de Centres de la vision

Le projet repose sur la mise en place de 17 « Centres de la vision » dans les lieux où se situent les bureaux administratifs du gouvernement. Ces centres offrent, entre autres, les services suivants : réfraction, dépistage de la cataracte, fourniture de lunettes subventionnées et orientation de patients vers des services spécialisés si nécessaire. Ces Centres de la vision sont gérés par des personnes issues de la population locale, qui ont suivi une formation spécialisée pour assurer la prestation de services de qualité. Les Centres de la vision sont liés à des hôpitaux, afin d’aider les patients à faire usage des services subventionnés offerts par le gouvernement, y compris les interventions chirurgicales. Ils sont conçus dans une optique de durabilité afin d’assurer la prestation de services après la fin du projet.

Prestation directe de services

Au fur et à mesure que les Centres de la vision gagnent en popularité, nous organisons des interventions de stratégie avancée pour offrir des services aux personnes vivant dans des zones encore plus isolées et aux personnes vulnérables ou laissées pour compte, notamment les femmes et les filles, les personnes âgées et les personnes handicapées. Nous organisons également dans les écoles des tests de vision et des services de correction des vices de réfraction. Notre but est d’offrir ce dépistage à 457 000 enfants. Chaque fois que l’on diagnostique un vice de réfraction pouvant être corrigé, l’enfant reçoit une paire de lunettes gratuite.

Renforcement des systèmes existants

Il serait futile de tenter d’améliorer l’accessibilité sans collaborer avec le gouvernement. À l’heure actuelle, dans les Sundarbans, les hôpitaux départementaux du gouvernement sont mal gérés et réalisent moins de 100 opérations de la cataracte par an. Dans le cadre de notre projet, nous projetons de réaliser une enquête sur les installations existantes afin de déterminer ce qui doit être fait pour augmenter la capacité de ces hôpitaux (par exemple une formation à la prise en charge de la cataracte). Par ailleurs, nous formons actuellement les 930 agents de santé du gouvernement (notamment les promoteurs de santé et les sages-femmes) à identifier la cataracte et sensibiliser les communautés, ceci afin que ces personnels puissent soutenir les hôpitaux et travailler avec eux pour améliorer les services.

Lorsque l’on travaille au sein de la communauté, il est impossible d’ignorer les moyens non officiels par lesquels les habitants cherchent à retrouver la santé, notamment en consultant ce que l’on appelle les « médecins de campagne ». Ces personnes pratiquent la médecine moderne, mais sans licence ou diplôme ; en dépit de cela, 62 % des patients vus en consultation externe ont déjà consulté un « médecin de campagne »1. Notre projet envisage donc de former 2 250 « médecins de campagne »à prodiguer des soins oculaires primaires et à orienter leurs patients vers un hôpital lorsque c’est nécessaire.

Former de nouveaux agents et sensibiliser la population

Nous formons des bénévoles dans les villages afin qu’ils puissent sensibiliser la communauté à la santé oculaire et l’encourager à utiliser les services locaux. Ces bénévoles sont sélectionnés parmi les groupes les plus susceptibles d’avoir besoins de services de soins oculaires : les femmes et les jeunes. Ces bénévoles, nommés « ambassadeurs de la santé », renforcent la crédibilité du projet, son acceptation et sa portée. Nous allons former 3 814 bénévoles au total.

La disponibilité de services de soins ne suffit pas : il faut aussi que la population ait conscience des services et soit prête à en faire usage. Notre projet utilise des moyens de communication de masse pour informer la population de l’existence de services accessibles et financièrement abordables (radio, dépliants, affiches, théâtre de rue, jeux de rôle, etc.).

Suivi par technologie SIG

Il est crucial de mesurer dans le temps l’efficacité et la portée du programme. La population des Sundarbans étant très dispersée, il est indispensable d’utiliser un système d’information géographique (SIG). Avec cette technologie, nous avons d’abord cartographié les besoins en soins oculaires, puis reporté sur la même carte les données relatives aux patients consultant les Centres de la vision. Ceci nous permet d’estimer la couverture des services et la portée de chaque Centre de la vision et nous aide à assurer une bonne couverture à tous égards.

Référence

1 http://r4d.dfid.gov.uk/PDF/Outputs/FutureHealth_RPC/sundarbans.pdf