RSOC Vol. 19 No. 28 2022 pp 33-34. Publié en ligne 16 février 2023.

Appui aux soins oculaires primaires : le rôle des équipes de santé oculaire au niveau secondaire

Daksha Patel

Maître de conférences en santé oculaire internationale, International Centre for Eye Health, London School of Hygiene &Tropical Medicine, Londres, Royaume-Uni.


© Simi Vijay/Mission for Vision CC BY-NC 4.0
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Les équipes de santé oculaire primaire pourraient réduire considérablement la charge de travail des personnels de soins oculaires dans les établissements de santé secondaires et contribuer à améliorer l’accès et la qualité des soins – à condition de leur fournir l’appui dont elles ont besoin.

Dans de nombreux pays, les équipes de soins oculaires au niveau secondaire du système de santé (qui est généralement le niveau du district) sont composées d’un ophtalmologiste, d’un optométriste, d’officiers de la santé oculaire et d’infirmiers (le nom et les fonctions du personnel paramédical pouvant varier selon les pays). Ce sont souvent les établissements de soins de santé secondaires qui dispensent les soins de premiers recours aux personnes souffrant de problèmes oculaires, en particulier dans les régions rurales ou éloignées où on manque de personnel ophtalmologique. Dans l’idéal, un service ophtalmologique au niveau secondaire devrait disposer des ressources nécessaires pour couvrir une population de 0,5 à 1 million de personnes1, dont 20 à 25 % sont susceptibles de souffrir d’une affection oculaire nécessitant une prise en charge (y compris une prise en charge des vices de réfraction)2.

Les équipes de soins au niveau secondaire ont un rôle important à jouer dans l’appui aux équipes de soins de santé primaires – les personnels qui fournissent les soins oculaires primaires (SOP) dans la communauté – même si ce rôle n’est pas formalisé3. Si les équipes de soins au niveau secondaire aident les équipes locales de soins primaires à fournir des soins oculaires de qualité pour les affections oculaires simples au sein de la communauté, ceci peut contribuer à réduire la charge des consultations externes dans les établissements de soins de santé secondaires et tertiaires. Ce soutien permet de fournir des soins de qualité aussi près que possible des communautés, de faire gagner du temps aux patients et de réduire les coûts ; il permet également aux spécialistes de l’ophtalmologie de se concentrer sur les affections et les interventions complexes. En aidant les agents de soins de santé primaires à prendre en charge les affections oculaires simples, on peut donc améliorer l’efficacité et la qualité des soins aux patients et de l’ensemble du système de santé. La plupart des unités de soins oculaires au niveau secondaire disposent des ressources nécessaires pour fournir une gamme de soins ophtalmologiques médicaux et chirurgicaux. La prestation de ces services est souvent renforcée par des activités de stratégie avancée pour toucher par exemple les personnes présentant une cataracte opérable dans la zone desservie par l’hôpital2. Ces activités de stratégie avancée doivent être planifiées et coordonnées en étroite collaboration avec les équipes de soins de santé primaires qui peuvent informer la communauté de la date, de l’heure et du lieu de la prochaine activité de stratégie avancée, ou, le cas échéant, de l’annulation des activités prévues.

Les unités de soins oculaires au niveau secondaire doivent informer les équipes de santé primaire des services qu’elles proposent à l’hôpital et pendant les activités de stratégie avancée, afin que les patients qui se rendent dans les établissements de soins de santé primaires puissent être correctement renseignés. Les services fournis au niveau secondaire peuvent comprendre le dépistage de la rétinopathie diabétique dans des centres de santé ou en stratégie avancée, ou des activités menées dans la région dans le cadre de programmes de santé oculaire en milieu scolaire. Dans un système idéal, tous les patients qui ont des problèmes oculaires se présenteraient dans un centre de santé primaire, l’équipe de soins primaires prendrait en charge la grande majorité des affections oculaires courantes (par exemple la conjonctivite), puis orienterait les affections plus complexes vers un établissement de santé secondaire. Dans certains contextes, notamment en Asie, il existe des établissements non gouvernementaux de soins secondaires qui proposent des téléconsultations pour des patients consultant des structures de soins primaires.

Retour d’information aux équipes de soins primaires

Les professionnels de la santé oculaire au niveau secondaire peuvent notamment soutenir le personnel de santé oculaire primaire en assurant un retour d’information sur les patients qui ont été référés dans leur service et en indiquant le rôle que l’équipe de soins primaires devra jouer dans la continuation des soins. Le personnel des centres de soins secondaires décide également quels patients doivent être orientés vers des établissements de soins tertiaires. Lorsque l’équipe de soins primaires oriente un patient vers un établissement secondaire qui l’oriente par la suite vers un établissement tertiaire, l’information doit être répercutée au niveau primaire. Grâce à cette information, l’équipe de soins primaires sera en mesure de fournir des soins continus et centrés sur le patient lorsque celui-ci reviendra de l’établissement de soins de santé tertiaires.

Les programmes de santé oculaire en milieu scolaire gérés par les services ophtalmologiques des établissements de soins de santé secondaires peuvent également être améliorés en travaillant avec les équipes de soins oculaires primaires.

Formation

Les établissements de santé secondaires fournissent aux prestataires de soins primaires une formation continue et un recyclage d’une importance inestimable. Ces opportunités de formation permettent à tout le monde de faire connaissance, ce qui renforce la confiance, et permet aux équipes de soins oculaires primaires de voir directement les services fournis au niveau secondaire et de mieux les comprendre. Par exemple, dans le cadre de leur formation, ils peuvent assister à une opération de la cataracte et être ainsi en mesure de répondre aux questions des patients au niveau communautaire. Ils peuvent aussi s’entretenir avec des patients qui sont satisfaits de leur opération de la cataracte ou des lunettes qu’ils ont reçues, ce qui leur permet de comprendre l’impact du traitement. Ils peuvent également apprendre à utiliser efficacement les informations et les outils d’éducation et de promotion de la santé.

Exemple d’orientation et de retour d’information entre les niveaux primaire et secondaire

Aboubacar, un prestataire de soins oculaires primaires, a identifié une cataracte bilatérale mature chez Mariama (78 ans). Il a persuadé sa famille que la meilleure prise en charge serait une intervention chirurgicale à l’hôpital de district local. Se basant sur le protocole d’orientation agréé, Aboubacar a fourni à la famille des consignes claires à l’oral et à l’écrit, notamment concernant le déroulement de la prise en charge hospitalière et les horaires de visite. Il leur a également donné la feuille d’orientation qu’il leur faudrait remettre au service ophtalmologique de l’hôpital à leur arrivée. Mariama a fait le trajet de 50 km jusqu’à l’hôpital avec un membre de sa famille ; elle se sentait rassurée, car elle savait à quoi s’attendre.

Une semaine après que l’oeil droit a été opéré de la cataracte, Aboubacar a reçu un retour d’information de l’établissement de santé secondaire sur le bon déroulement de l’opération ; il a rendu visite à Mariama. Durant cette visite, Aboubacar a constaté que l’oeil n’était pas rouge, que sa patiente avait une bonne vision et n’éprouvait pas de douleur oculaire. L’hôpital l’a également informé que la prise en charge du diabète de Mariama avait été modifiée durant son séjour hospitalier.

Aboubacar était bien informé et a pu offrir à Mariama le soutien et les renseignements dont elle avait besoin ; il a également pu donner un retour à l’établissement de santé secondaire sur le rétablissement de Mariama après l’opération. Aboubacar s’est senti rassuré de savoir qu’il prenait en charge sa patiente de façon appropriée, parce qu’il a bénéficié d’une bonne communication avec l’établissement de santé secondaire durant tout le parcours de soins.

Conseils pour réussir

Dans la plupart des districts, on trouve de multiples établissements de santé primaire qui dépendent du même service ophtalmologique au niveau secondaire. Une bonne communication est donc essentielle à la réussite du partenariat entre ces deux niveaux du système de santé :

  • Veiller à mettre en place des formulaires d’orientation détaillés entre les deux niveaux de soins. Ceci est non seulement important pour les prestataires de soins de santé, mais rassure également les patients qui ne connaissent pas forcément les services spécialisés et sont susceptibles d’être anxieux.
  • Utiliser des mécanismes de retour d’information pour les prestataires de soins oculaires primaires et mettre en place un soutien au suivi ; cela peut se faire au moyen de formulaires de rapport clairs et par des fonctions et des alertes de santé mobile. Il est important de fournir des informations sur des patients spécifiques afin d’assurer la continuité des soins ; il peut s’agir, par exemple, des médicaments que le patients doit prendre et de la fréquence des prises, afin que les professionnels des établissements de soins de santé primaires puissent soutenir les patients. Cela peut renforcer l’adhésion au traitement et améliorer les capacités et les résultats du système de santé4.
  • Fournir trimestriellement des informations relatives au calendrier des activités de stratégie avancée ou autres, notamment les lieux et dates de celles-ci.

Partage de données probantes

Le renforcement des services de santé oculaire repose sur le recueil et l’utilisation d’informations au niveau local, notamment pour identifier les personnes laissées pour compte. Les équipes au niveau secondaire sont souvent chargées de la planification régulière des services, de l’analyse et de la communication du nombre de personnes qui fréquentent les services de soins oculaires et du nombre qui acceptent de se faire opérer. Les agents de soins oculaires primaires ont un rôle de sensibilisation à la santé et sont chargés d’identifier les cas pour les programmes de chirurgie de la cataracte ; par conséquent, le partage d’informations-clés avec les agents des soins oculaires primaires peut permettre de résoudre certains des problèmes qui se posent au niveau local, par exemple l’acceptation de la chirurgie de la cataracte par les femmes.

Le partenariat de collaboration entre les soins oculaires aux niveaux primaire et secondaire est en constante évolution, particulièrement parce que la communication s’améliore régulièrement grâce à de nouvelles technologies. La mise en place de parcours formalisés entre les deux niveaux de soins de santé améliore non seulement l’accès aux services et la qualité de ces derniers, mais également les capacités du système de santé dans son ensemble.

Références

1 Shamanna BR, Nirmalan PK, et Saravanan S. Roles and responsibilities in the secondary level eye care model. Community Eye Health 2005 ; 18 (56) : 120–121.

2 Gilbert G et Piyasena MP. Pourquoi les soins oculaires primaires sont-ils nécessaires ? Rev Santé Oculaire Communautaire 2022 ; 19 (28) : 27–29.

3 Parkins D. The need for more integration of primary and secondary eye care. BMJ 2014 ; 348 : g3043.

4 Lewallen S et Kello AB. The need for management capacity to achieve VISION 2020 in Sub-Saharan Africa. PLoS Med 2009 ; 6 (12) : e1000184.