Améliorer les services de cataracte : accessibilité, résultats et rendement
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Une approche équilibrée prenant en compte le nombre d’opérations, les résultats et les dépenses, ainsi que des partenariats solides, permettent de créer des services de cataracte centrés sur le patient et offrant à tous une meilleure santé oculaire.
Malgré un traitement très efficace et disponible à travers le monde depuis des décennies, la cataracte demeure la principale cause de cécité évitable. Il est totalement inacceptable qu’une maladie dont on peut guérir grâce à une opération sûre, rapide et peu coûteuse prive des millions de personnes de leur droit à la vue.
Les articles de ce numéro montrent que les avancées ne reposent pas uniquement sur de nouvelles techniques, de nouveaux médicaments ou de nouveaux équipements. Elles sont aussi le résultat d’un effort coordonné de tous les membres de l’équipe de soins oculaires pour fournir des services centrés sur le patient.
La lutte contre la déficience visuelle imputable à la cataracte comporte trois grands axes :
- Le volume d’opérations, ou le nombre d’opérations de la cataracte effectuées, généralement exprimé sous forme de taux de chirurgie de la cataracte (nombre d’opérations de la cataracte par million d’habitants et par an).
- Les résultats des opérations de la cataracte, c’està- dire le pourcentage de patients ayant une bonne vision après une opération de la cataracte, et le taux de complications.
- Les dépenses, ou les frais qu’un service de soins oculaires doit engager pour effectuer une opération de la cataracte (ces frais ont une incidence sur le montant que les patients doivent payer).
L’amélioration des services de cataracte passe par la prise en compte de ces trois aspects. Une approche équilibrée qui prend en compte le volume chirurgical, les résultats et les dépenses permet d’obtenir des améliorations majeures dans ces trois domaines.
Comment y parvenir ?
L’élément-clé, comme le montrent les articles de ce numéro, est le partenariat. Tout d’abord, il y a le partenariat avec les patients. Nous devons chercher à mieux comprendre ce qui est important pour les patients et nous assurer que la prise en charge de la cataracte que nous proposons est accessible et appropriée pour les utilisateurs de nos services. Essayez d’en savoir davantage sur les priorités de vos malades de la cataracte – leurs réponses pourraient vous surprendre. Par exemple, le City Hospital de Nairobi (voir article en page 4) fournissait déjà des services de grande qualité, mais ses responsables ont quand même demandé aux patients comment les services pouvaient être améliorés. L’enquête a montré que les patients souhaitaient disposer d’un numéro de téléphone à appeler au cas où ils auraient des inquiétudes, et que ceux d’entre eux qui trouvaient l’opération douloureuse étaient plus nombreux que prévu, ce qui a conduit l’hôpital à revoir sa politique d’anesthésie locale.
Le deuxième partenariat est celui avec la communauté. Vous trouverez dans ce numéro des exemples de collaboration avec la communauté. On peut inclure dans ce type de partenariat des actions communes pour promouvoir et mieux faire connaître le traitement de la cataracte, par exemple. Au niveau de la communauté, les partenaires peuvent être des organisations communautaires, des autorités locales, des entreprises, des médias, des organismes confessionnels, des établissements d’enseignement et des patients satisfaits de leur opération de la cataracte. Les partenariats peuvent impliquer une collaboration dans la prestation de services ; ainsi, dans le cadre d’une stratégie avancée, on peut par exemple mettre en place une consultation de soins oculaires dans une école pendant le week-end. Les membres de la communauté peuvent également être formés à l’identification des patients présentant une cataracte et à leur suivi postopératoire. Plus la communauté locale est impliquée, plus les patients sont susceptibles de connaître les services et de faire confiance à leur prestataire local de soins oculaires. Pensez aux relations entre votre établissement de soins et la communauté locale. Y a-t-il des pistes de collaboration que vous n’avez pas explorées ? Existe-t-il des organisations locales fortes qui pourraient aider à promouvoir ou à fournir des services de prise en charge de la cataracte ? Qu’en est-il des modèles de partage des coûts tels que l’assurance maladie ?
Le troisième partenariat à prendre en compte est celui avec la direction de l’hôpital. Dans les hôpitaux et les établissements de soins oculaires, tant dans les pays à revenu élevé que dans les pays à faible revenu, il faut trouver un équilibre entre la génération de revenus et la maîtrise des coûts exigées par les gestionnaires, d’une part, et l’étendue des services fournis par les cliniciens, d’autre part. Cela peut parfois conduire à des conflits : entant que professionnels de la santé, nous voulons fournir les meilleurs services possibles à tous ceux qui en ont besoin, quel qu’en soit le coût ; cependant, les gestionnaires ont la responsabilité d’équilibrer les comptes et de veiller à ce que l’établissement de soins dispose de suffisamment de ressources financières pour payer les salaires à la fin du mois. Si nous voulons traiter davantage de patients (améliorer le nombre d’opérations ou volume chirurgical) et obtenir les meilleurs résultats possibles (améliorer les résultats), nous devons admettre que cela impliquera des coûts supplémentaires (augmentation des dépenses) et nous aurons besoin que les responsables approuvent ces dépenses supplémentaires. Heureusement, tout le monde peut avoir satisfaction. Si le nombre d’opérations augmente, le coût unitaire par opération diminue. Ceci permet de dégager davantage de bénéfices qui pourront être réinvestis dans l’amélioration des services ou dans l’octroi de subventions à des patients qui, autrement, n’auraient pas les moyens de se faire opérer (voir article en page 14). L’augmentation des dépenses est donc tout à fait compatible avec le renforcement de la viabilité financière.
Le quatrième partenariat est celui avec le personnel de santé oculaire, soit l’équipe de soins oculaires. La ressource la plus précieuse d’un établissement de santé oculaire est son personnel, et nous devons garantir des politiques de ressources humaines équitables et transparentes selon lesquelles tous les membres du personnel remplissent leurs rôles de manière responsable et sont traités équitablement et sans favoritisme. Il faut du temps et des efforts pour construire ce type de partenariat fondé sur la confiance et la compréhension des besoins et des objectifs des gestionnaires, du personnel de soutien et des cliniciens, qui sont différents, mais complémentaires. Avez-vous déjà parlé à la réceptionniste de la clinique, ou à l’administrateur de l’hôpital, en dehors d’une réunion formelle sur le lieu de travail ? Si ce n’est pas le cas, il est peut-être temps de commencer à établir de tels partenariats.
Nous avons le devoir de lutter contre la déficience visuelle imputable à la cataracte, et ce numéro propose quelques pistes. Si nous gardons à l’esprit les messages essentiels du partenariat et de l’équilibre entre le nombre d’opérations, les résultats et les dépenses, alors nous atteindrons notre but.
Couverture effective de la chirurgie de la cataracte : améliorer la qualité, le volume chirurgical et l’accès aux soins
Les gouvernements et les organisations internationales, notamment l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), doivent pouvoir évaluer dans quelle mesure les services de santé oculaire parviennent à réduire la cécité évitable. Dans le passé, ils ne s’intéressaient qu’à la quantité, c’est-à-dire au nombre de personnes dans une population qui avaient subi une opération de la cataracte, et ils utilisaient la couverture de la chirurgie de la cataracte (CCC) comme indicateur.
Il s’agissait alors de comparer le nombre de personnes ayant subi une opération de la cataracte à celui des personnes qui avaient besoin de cette opération, et de l’exprimer en pourcentage. La CCC ne mesurait pas la qualité de la chirurgie, notamment l’acuité visuelle des patients après leur opération de la cataracte.
Pour s’assurer de mesurer aussi bien la quantité que la qualité, les ministères de la Santé, l’OMS et d’autres institutions souhaitent de plus en plus connaître la couverture effective de la chirurgie de la cataracte (eCSC en anglais), c’est-à-dire le nombre de personnes ayant une bonne vision après une chirurgie de la cataracte, exprimé en pourcentage par rapport au nombre de personnes qui avaient besoin d’une opération de la cataracte (que ces personnes aient été opérées ou non).
En 2021, tous les pays membres de l’OMS ont convenu d’un nouvel objectif mondial : augmenter de 30 points la couverture effective de la chirurgie de la cataracte d’ici 20301,2. Cet objectif fixe une nouvelle norme pour le résultat visuel de l’opération de la cataracte : une acuité visuelle (AV) avec correction optique existante supérieure ou égale à 5/10e. À noter que cette nouvelle norme est plus exigeante que la précédente1, qui était une AV avec correction optique existante supérieure ou égale à 3/10e.
L’amélioration de la couverture effective de la chirurgie de la cataracte exige que les unités de soins oculaires fournissent des services chirurgicaux de grande qualité – il est donc plus important que jamais de mesurer et communiquer les résultats de la chirurgie de façon systématique. Il est également essentiel de savoir qui vient se faire opérer afin de pouvoir garantir un accès équitable pour tous, y compris les femmes et les personnes handicapées.
Une chirurgie de la cataracte centrée sur la personne, proposée à travers des services de proximité (en stratégie avancée) et intégrée dans les services de santé existants au niveau primaire (voir notre numéro précédent sur les soins oculaires primaires3) permettra également d’améliorer la sensibilisation et l’acceptation de la chirurgie par les patients, ainsi que l’accès physique aux services.
Références
1 Keel S, Muller A, Block S, et al. Keeping an eye on eye care: monitoring progress towards effective coverage. Lancet Glob Health. 2021; 9(10): e1460-4.
2 World Health Organization. Global eye care targets endorsed by Member States at the 74th World Health Assembly. https://bit.ly/eCSC
3 Revue de santé oculaire communautaire. Soins oculaires primaires : le fondement de l’accès universel à la santé oculaire. Volume 19 nº 28 (2022).