RSOC Vol. 21 No. 31 2024 pp 13. Publié en ligne 12 juillet 2024.

Améliorer l’adhésion au traitement : l’exemple d’un service d’ophtalmologie au Niger

Laminou Laouali

Ophtalmologiste, Université André Salifou-Hôpital National de Zinder, Zinder, Niger


Arche indiquant l’entrée d’un bâtiment entouré de palmiers. Un panneau au-dessus de l’arche indique « Service d’ophtalmologie ».
Entrée du service d’ophtalmologie de l’HNZ. NIGER © Laminou Laouali
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En s’adaptant à la situation de chaque patient, on peut diminuer les obstacles à l’adhésion.

L’Hôpital National de Zinder (HNZ) a été officiellement créé en 1930 en tant que circonscription médicale et érigé en établissement public à caractère administratif en 1992. Cet hôpital de niveau tertiaire de la pyramide sanitaire au Niger est situé dans la communauté urbaine de Zinder, à 900 km de Niamey. Il dessert en plus des populations de la région de Zinder (plus de 4,5 millions d’habitants) les régions avoisinantes de Maradi, d’Agadez et de Diffa, y compris les populations de la partie Nord du Nigeria.

Il n’y a pas d’assurance maladie pour la majorité des patients. La majorité d’entre eux se payent eux-mêmes leurs soins. La pharmacie de l’hôpital est une pharmacie de cession, et à ce titre n’offre pas toute la gamme des produits. La plupart des produits que nous prescrivons sont achetés par les patients dans les officines privées.

Pendant près de 10 mois après juin 2023, suite aux sanctions contre le Niger, les frontières étaient fermées, y compris à l’approvisionnement en médicaments. Pendant cette période, nos prescriptions dépendaient de ce qui était disponible en stock dans les pharmacies locales ; depuis la levée des sanctions la situation se normalise de plus en plus.

Principes suivis pour améliorer l’adhésion

Toujours expliquer aux patients le but du traitement

Pour que le patient puisse adhérer au traitement, il faut d’abord qu’il comprenne sa maladie et pourquoi il doit prendre le traitement. En cas d’association de plusieurs produits, les patients se demandent souvent pourquoi il leur faut plusieurs produits alors qu’ils n’ont qu’une seule maladie. Si on prend le temps de leur expliquer, ils sont beaucoup plus réceptifs et adhèrent au traitement beaucoup plus facilement.

Au cours de nos consultations, les ophtalmologistes sont assistés par les techniciens supérieurs en ophtalmologie (TSO) qui font le counselling et l’IEC avec la démonstration des bonnes pratiques d’instillation des collyres. Les consultations se font majoritairement en langues locales (haoussa, kanouri, zarma, touareg, arabe) pour les patients qui ne parlent pas le français, et en français pour les patients lettrés.

Vérifier la conformité des prescriptions

Après qu’ils ont acheté les produits en pharmacie, nous demandons aux patients non lettrés de ramener ces derniers au service d’ophtalmologie, pour nous assurer que c’est le produit prescrit qui a été servi. Nous avons remarqué assez souvent, surtout dans le cas des patients non lettrés, que certaines officines livrent des produits qui n’ont pas fait l’objet de prescription. Dans ce cas nous envoyons les patients se faire remplacer le produit livré par le bon médicament ou, le cas échéant, se faire rembourser.

Parfois aussi les patients viennent avec des produits que nous ne connaissons pas ou des produits envoyés par un membre de la famille vivant dans une autre localité ou parfois à l’extérieur du pays, mais qui ne correspondent pas à nos prescriptions.

S’adapter au patient

Il est important d’être à l’écoute du patient et de s’adapter à sa situation pour obtenir une meilleure adhésion au traitement.

Par exemple, les prostaglandines entraînent une rougeur oculaire chez certains patients. Les patients sont prévenus de cet effet secondaire, mais certains reviennent nous voir parce qu’ils pensent que leur problème s’est aggravé à l’instillation du produit prescrit au lieu de s’améliorer. Si le patient ne nous croit pas, il ne va plus adhérer au traitement ; il est alors préférable de lui prescrire une autre classe pharmaceutique, plutôt que de s’obstiner.

Un autre élément important à prendre en compte est la situation financière du patient. Si le médicament idéal s’avère trop cher, il faut choisir le produit le moins cher avec une bonne efficacité et une bonne tolérance que le patient pourra supporter financièrement.

Le cas du glaucome

Le traitement médicamenteux du glaucome est généralement le plus difficile à respecter. L’annonce qu’il s’agit d’un traitement à vie est parfois un choc pour les patients. Ceux-ci ne respectent pas toujours à la lettre ce traitement ; certains l’arrêtent totalement, d’autres le suivent de façon discontinue à leur convenance, ce pour plusieurs raisons, notamment : incompréhension du traitement parce que le patient n’a pas suffisamment reçu d’informations de la part des soignants, indisponibilité du produit prescrit dans les officines locales, coût trop élevé de certains médicaments pour un usage au long cours, et isolement des patients résidant dans des contrées lointaines sans système d’approvisionnement.

Nous essayons de trouver des solutions pour une meilleure adhésion au traitement. En exemple, bien que les analogues des prostaglandines soient maintenant recommandés pour tous les stades du glaucome, leur coût est jugé trop élevé pour bon nombre des patients, ce qui nous oblige à prescrire des classes pharmacologiques moins chères et plus accessibles.

De même, il est préconisé par beaucoup d’auteurs (bien qu’il n’existe pas de consensus) de commencer le traitement du glaucome par le traitement médical (plutôt que d’autres types de traitements comme la chirurgie). Il arrive que nous proposions en première intention la chirurgie en fonction du stade évolutif du glaucome, mais aussi à la demande du patient lui-même (la chirurgie étant moins chère à long terme), ou pour améliorer l’observance du traitement. Si les patients glaucomateux viennent de très loin ou d’une région mal desservie, n’ont pas beaucoup de moyens et ne pourront pas supporter le coût du traitement, alors nous opérons d’emblée.

Dans tous les cas, Il faut faire quelque chose : on ne peut pas ne pas traiter. Il faut trouver une solution avec les patients, comme pour toute autre affection oculaire, car le traitement le plus efficace qui soit ne servira à rien s’il n’est pas suivi par le patient.