Adopter une approche centrée sur le patient dans la prescription
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La prise en charge de certaines affections nécessite que les patients administrent leurs médicaments oculaires, souvent pendant de longues durées. Comment les prescripteurs peuventils encourager l’adhésion au traitement ?
Pour être efficaces, les médicaments oculaires doivent être utilisés tels qu’ils ont été prescrits et en respectant la durée du traitement. Dans le cas des maladies chroniques, notamment le glaucome, le traitement est à vie.
En ce qui concerne l’adhésion au traitement, les difficultés sont nombreuses. Il faut notamment veiller à ce que les médicaments soient disponibles, abordables, et utilisés correctement ; en outre, le patient doit se rappeler d’instiller ses gouttes au moment indiqué sur l’ordonnance et de les instiller chaque jour, comme c’est le cas pour les affections oculaires chroniques ou de longue durée.
C’est pourquoi, lorsqu’ils doivent décider de la prise en charge, les cliniciens doivent examiner avec attention la capacité du patient à adhérer au traitement. Par exemple, les cliniciens peuvent se poser les questions suivantes :
- Faut-il hospitaliser un patient souffrant d’une infection cornéenne grave ou faut-il lui prescrire un collyre et le laisser rentrer chez lui ?
- Si un patient est atteint de glaucome, faut-il lui prescrire un collyre pour abaisser la pression intraoculaire (PIO) ou faut-il lui proposer une intervention chirurgicale ou un traitement au laser ?
Qu’est-ce que l’adhésion au traitement ?
Nous préférons le terme « adhésion » à celui d’« observance » pour désigner dans quelle mesure un patient parvient à suivre le traitement médicamenteux convenu entre lui et le prescripteur ou clinicien.
Le terme « observance » renvoie à l’idée que le patient doit suivre un ensemble d’instructions qui lui sont imposées. Lorsque l’on adopte cette approche, les professionnels de la santé peuvent considérer les patients comme des bénéficiaires passifs des soins de santé, et ils peuvent les blâmer ou les mettre mal à l’aise s’ils n’utilisent pas leurs médicaments tels qu’ils ont été prescrits.
Le terme « adhésion », en revanche, implique que la prescription est le résultat d’une décision commune du patient et du clinicien. Le patient est considéré comme un participant actif à ses propres soins de santé (c’est-àdire un coproducteur de santé) ; son droit de choisir est reconnu, sa situation personnelle et les défis auxquels il est confronté sont pris en compte. Ainsi, lorsqu’il y a un problème, par exemple lorsqu’un patient n’adhère pas au traitement médicamenteux, le professionnel de la santé explore les causes et les solutions en travaillant avec le patient.
Prescrire de manière à favoriser l’adhésion
Les aspects suivants doivent être pris en compte lorsque vous décidez du meilleur traitement médicamenteux pour vos patients :
- La disponibilité locale du médicament et la capacité de paiement du patient. Si le médicament n’est pas disponible localement ou s’il est trop cher, envisagez un autre médicament ou d’autres options thérapeutiques telles que la chirurgie, le cas échéant. Si le médicament n’est pas couvert par l’assurance maladie, ou s’il ne figure pas sur la liste des médicaments approuvés (ou fournis) par les services de santé de votre pays, envisagez de plaider en faveur d’un changement (voir article en page 12). Les médicaments génériques constituent une alternative importante lorsqu’ils sont disponibles, car ils sont souvent moins chers et aussi efficaces que les médicaments de marque plus coûteux.
- La complexité du traitement médicamenteux du patient pris dans sa globalité. Demandez au patient quels sont les autres traitements médicamenteux qu’il suit, en particulier les traitements au long cours, et tenez compte des éventuelles interactions médicamenteuses indésirables qui pourraient amener le patient à interrompre son traitement ophtalmologique. Vous pouvez également aider le patient à ne pas oublier d’administrer son médicament pour les yeux, par exemple en lui suggérant d’instiller le collyre au moment où il prend généralement son traitement au long cours, ou en faisant coïncider l’instillation du médicament avec des activités quotidiennes, telles que les prières chez les musulmans.
- Le soutien dont peut bénéficier le patient (réseau de soutien). Le patient a-t-il des membres de sa famille ou d’autres personnes qui peuvent lui rappeler de prendre ses médicaments ou l’encourager à continuer le traitement lorsqu’il est tenté de l’interrompre ? Il est important de toujours parler à un proche du traitement prescrit au patient, afin que ce proche puisse soutenir le patient en lui faisant des rappels et en l’aidant à instiller les médicaments.
- La santé physique du patient. Il s’agit entre autres de sa capacité à administrer lui-même ses médicaments pour les yeux, par exemple lorsqu’il souffre d’arthrite. Quelqu’un d’autre peut-il l’aider ? Renseignez-vous sur les dispositifs d’aide à l’instillation disponibles sur le marché local ; ils permettent aux patients souffrant de pathologies telles que l’arthrite d’instiller plus facilement leurs collyres.
- La santé cognitive du patient. Les patients souffrant de troubles cognitifs, de démence ou de déficit de l’attention peuvent avoir du mal à se souvenir de l’heure d’administration de leur collyre ; ils peuvent donc avoir besoin de l’aide de quelqu’un ou de rappels électroniques (on peut par exemple programmer sur leur téléphone portable des rappels pour la prise des médicaments).
Quelques mots sur le confort du patient
Une sensation de picotements ou une vue brouillée sont des effets secondaires courants de nombreux collyres. Il s’agit d’effets passagers, et il est généralement recommandé d’en informer le patient et de lui apprendre à gérer la situation si les effets ne sont pas sévères, car il n’est peut-être pas possible de changer de médicament, ou alors le coût en serait prohibitif. La chlorhexidine, par contre, est une exception, car elle peut être fabriquée localement avec une solution tampon qui réduit les picotements.
Témoignage : Prescription de médicaments antiglaucomateux
Mohammed Abdull
« Pour la plupart de mes patients glaucomateux, je privilégie la prescription d’un médicament combiné à administrer juste une ou deux fois par jour. »
Pourquoi un médicament combiné ?
« Il vaut mieux prescrire aussi peu de collyres différents que possible, parce que la probabilité que le traitement soit mal suivi augmente avec le nombre de médicaments utilisés. Par conséquent, lorsque le patient doit prendre plusieurs médicaments, il est logique de prescrire un médicament combiné, soit une bouteille de collyre qui contient deux ingrédients actifs ou plus, qui interagissent sans danger et sans perdre en efficacité. »
Pourquoi administrer le médicament moins souvent ?
« Il est toujours préférable de donner au patient un collyre qui doit être instillé aussi peu souvent que possible chaque jour. Là encore, la probabilité de mal suivre son traitement augmente avec la fréquence d’instillation requise. Le patient suivra donc généralement mieux son traitement s’il doit instiller son collyre une fois par jour, que s’il doit l’instiller quatre fois dans la journée. À cet égard, il semble logique de recourir à des préparations à libération prolongée, si elles sont disponibles. »