RSOC Vol. 02 No. 01 2005 pp 22. Publié en ligne 01 août 2005.

Données probantes en faveur des interventions contre le trachome

Richard Wormald

Rédacteur de coordination, Cochrane Eyes and Vision Group (CEVG), International Centre for Eye Health, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Keppel Street, London WC1E 7HT, Royaume-Uni

Related content

CHANCE est une politique basée sur le bon sens et le savoir-faire pratique, qui prend en compte tous les facteurs dont on sait qu’ils jouent un rôle dans la cécité par trachome. Le but de cette stratégie est d’interrompre le processus de la perte de vue à plusieurs stades différents.

Il est toutefois utile d’examiner les données probantes qui sous-tendent cette stratégie. Comme très souvent dans les domaines de la politique et de la planification, on adopte une politique avant de récolter après coup des preuves en faveur de celle-ci. Cette aproche n’est pas strictement fondée sur des données probantes.

Des revues Cochrane ont été publiées, ou sont en cours de rédaction, sur les quatre composantes de la stratégie CHANCE.

Chirurgie du trichiasis

Le trichiasis est l’une des composantes les plus importantes dans la perte de vue. Il ne fait pas de doute qu’il faille traiter les cils qui écorchent la cornée. Cependant, il n’existe pas d’études comparatives entre le traitement chirurgical et la simple épilation, bien que l’on sache que l’épilation est moins efficace que le sparadrap pour arracher les cils retournés contre le globe oculaire.

Une revue Cochrane sur ce sujet paraîtra prochainement, mais bien entendu, comme souvent, les études de bonne qualité abordant ce problème sont rares.

D’autres questions importantes concernent les mesures visant à favoriser l’adoption du traitement chirurgical : l’intervention peut-elle être pratiquée en toute sécurité dans la communauté et le personnel paramédical peut-il être formé correctement pour pratiquer l’intervention ? Ces questions sont abordées dans la revue systématique qui sera prochainement publiée par la Bibliothèque Cochrane.

Antibiotiques contre le trachome actif

Une revue Cochrane sur cette question a été publiée deux années de suite et est actuellement en cours de mise à jour. En dépit d’une confiance croissante en l’innocuité et l’efficacité de l’azithromycine, il n’existe que peu d’études sur ce sujet et aucune ne démontre de façon convaincante l’avantage de l’azithromycine par rapport aux aux traitements existants. Ceci reflète la nature des études et la difficulté de mener des essais cliniques de grande envergure sur des communautés à risque. Des études de type « avant et après », comme celle publiée récemment dans le New England Journal of Medicine, offrent des preuves d’efficacité tellement convaincantes qu’il sera maintenant difficile sur le plan éthique de mettre en place de nouveaux essais cliniques (N. Engl. J. Med., 2004, 351 (19), 1962-71). Il est bien dommage que l’on n’ait pas mené de tels essais car des études sans groupe comparatif ne permettent pas d’évaluer l’intensité de l’effet. Nous ne pouvons que conclure que le traitement est efficace, mais pas à quel point il est efficace. Il est également difficile de construire des modèles de rentabilité. Il est cependant nécessaire d’obtenir plus de résultats sur l’antibiothérapie dans la lutte contre le trachome. Une revue importante, publiée dans le Lancet l’année dernière, a mis l’accent sur les problèmes concernant la posologie, la fréquence et les moyens de distribution, le choix entre une distribution de masse et une distribution ciblée, le suivi de l’innocuité, ainsi que la résistance aux antibiotiques (H. Kuper, A. W. Solomon, J. Buchan, M. Zondervan, A. Foster, D. Mabey, « A critical review of the SAFE strategy for the prevention of blinding trachoma », Lancet Infect. Dis., 2003, 3 (6), 372-81).

Propreté du visage

Il est difficile d’évaluer par des essais des interventions de bon sens comme l’amélioration de l’hygiène personnelle et le nettoyage régulier des mains et du visage des enfants. Les auteurs d’une revue de la Bibliothèque Cochrane publiée l’année dernière ont trouvé deux études sur ce sujet. La première était un essai clinique aléatoire dans lequel trois village se voyaient attribuer au hasard des interventions différentes. Dans la deuxième, qui n’avait pas été publiée jusqu’alors, on avait attribué aux enfants de façon aléatoire les traitements suivants : application topique de tétracycline, nettoyage du visage, nettoyage du visage et tétracycline, ou aucun traitement. Ni l’une ni l’autre de ces études n’ont fourni de données probantes sur l’efficacité. Il est manifestement nécessaire de mener plus de recherches dans ce domaine.

Interventions environnementales

Une revue Cochrane sur ce sujet va paraître prochainement. Parmi 285 citations, une seule étude abordait ce problème et ce, sous la forme d’un essai clinique aléatoire en grappes. Les résultats de cette étude suggèrent que l’éducation sanitaire a un certain impact. Cependant, il n’existe aucune étude permettant de répondre aux questions concernant les autres interventions environnementales possibles, telles que la construction de latrines, la lutte contre les mouches, l’approvisionnement en eau et l’enlèvement des ordures.

La revue publiée dans le Lancet conclut qu’il est nécessaire d’obtenir beaucoup plus de données probantes pour renforcer tous les aspects de la stratégie CHANCE, tout particulièrement les interventions pour la propreté du visage et l’amélioration de l’environnement. Celles-ci peuvent être aussi efficaces que des antibiotiques coûteux et ont en outre l’avantage d’améliorer beaucoup d’autres aspects de la qualité de vie.