RSOC Vol. 05 No. 05 2008 pp 17 - 20. Publié en ligne 01 janvier 2008.

Communication

Detlef Prozesky

Directeur, Centre for Health Science and Education, Faculty of Health Sciences, University of Witwatersrand, 7 York Road, Park Town, Johannesburg 2193, Afrique du Sud.


Sue Stevens

Infirmière conseillère pour le Community Eye Health Journal, International Centre for Eye Health, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Keppel Street, London WC1E 7HT, Royaume-Uni.


John Hubley (décédé en 2007)

Maître de conférences en promotion sanitaire, School of Health and Community Eye Care, Leeds Metropolitan University, Calverley Street, Leeds LS1 3HE, Royaume-Uni.

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L’agent de santé communique clairement avec les patients avant l’intervention chirurgicale. TANZANIE.  Lance Bellers/Sightsavers
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Cet article, le deuxième de notre série1, examine brièvement le rôle important que joue la communication dans l’enseignement et offre quelques suggestions pour mieux communiquer, et donc devenir un meilleur enseignant.

À propos de la « communication »

Qu’est-ce que la communication ? Le dictionnaire Larousse nous propose : « fait d’établir une relation avec autrui » ou « action de transmettre quelque chose à quelqu’un ». Ces définitions montrent clairement le lien entre enseignement et communication ; les enseignants transmettent constamment de nouveaux savoirs à leurs étudiants. Selon Hubley2, la communication est un processus complexe (voir Figure 1).

Figure 1. La communication est un processus complexe
Figure 1. La communication est un processus complexe
Communication dans les deux sens
Communication dans les deux sens

Communication dans les deux sens

Des problèmes peuvent survenir à n’importe quelle étape du processus de communication et en diminuer l’efficacité. Par exemple, l’émetteur peut ne pas exprimer clairement ce qu’il/elle veut dire, ou il peut y avoir beaucoup de bruit dans la pièce, ou encore le récepteur peut ne pas comprendre les mots employés par l’émetteur. Pour être efficaces, les enseignants doivent réduire au minimum les obstacles à la communication. Ils peuvent le faire de différentes manières : par exemple, en faisant en sorte que la salle soit isolée des bruits extérieurs et bien éclairée, en parlant lentement et clairement, et en employant uniquement des mots que les étudiants devraient être capables de comprendre. Toutefois, une communication dans les deux sens est le meilleur moyen de surmonter les obstacles. Ceci signifie obtenir les commentaires en retour (« feedback ») des récepteurs (les étudiants dans le cas présent). Ont-ils vraiment compris le message que l’on voulait faire passer ?

L’aide-infirmière (à gauche) explique clairement ce qui va se passer durant la consultation. CÔTE D’IVOIRE. Ferdinand Ama
L’aide-infirmière (à gauche) explique clairement ce qui va se passer durant la consultation. CÔTE D’IVOIRE. Ferdinand Ama

Communication non verbale

Nous ne communiquons pas seulement avec des mots. La communication non verbale est tout aussi importante. Nous connaissons tous très bien les différentes formes de communication non verbale (voir Figure 2) : celle-ci englobe l’expression du visage, la façon de se tenir, etc. La communication non verbale est quelquefois appelée, de façon imagée, le « langage du corps ». Ce type de communication se fait généralement de manière subconsciente – nous l’utilisons sans y penser. C’est pour cette raison que l’on dit que la communication non verbale « ne peut pas mentir ». Si les enseignants observent l’expression de leurs étudiants et la façon dont ils se tiennent, ils sauront s’ils s’ennuient ou s’ils ne sont pas sûrs d’avoir compris. En observant la façon dont se comportent leurs enseignants, les étudiants en déduisent qu’ils sont (ou ne sont pas) sûr d’eux-mêmes, enthousiastes, encourageants, etc.

Figure 2. Communication non verbale
Figure 2. Communication non verbale

Communication en position de face à face : compétences nécessaires pour une bonne présentation

Styles d’enseignement

Dans le numéro d’août 2007, nous avons évoqué différents styles d’enseignement1. Certains enseignants aiment parler et s’attendent à ce que leurs étudiants écrivent ce qu’ils disent et l’apprennent ensuite (ce style d’enseignement encourage l’apprentissage superficiel … et l’oubli à court terme !). D’autres enseignants considèrent que leur rôle consiste à aider les étudiants à apprendre de manière plus approfondie : ils veulent faire en sorte que les étudiants comprennent si bien les nouvelles idées et compétences apprises qu’ils pourront les mettre en application dans leur environnement professionnel. Quoi qu’il en soit, quel que soit son style d’enseignement, un enseignant sera plus efficace et fera mieux son travail s’il communique bien avec ses étudiants.

Matériels pédagogiques

L’utilisation de matériels pédagogiques est un élément important de la communication dans l’enseignement. Vous connaissez peut-être l’expression : « J’oublie ce que j’ai entendu ; je me souviens de ce que j’ai vu ; je sais ce que j’ai fait ». Les photographies, les illustrations, les posters et les démonstrations pratiques améliorent la communication et nous devons en faire usage aussi souvent que possible. La plupart d’entre nous peuvent se procurer du papier, des posters, un tableau noir ou un rétroprojecteur (certains même peuvent projeter des présentations à partir de l’ordinateur). Nous pouvons utiliser ces outils pour préparer des matériels pédagogiques pour nos cours ou stages : ce peut être des résumés des notions importantes, des illustrations, des diagrammes, et même des modèles réduits. Les projecteurs sont particulièrement pratiques, parce que nous n’avons pas besoin de tourner le dos aux étudiants lorsque nous nous en servons.

Commentaires en retour

Comment savoir si, en tant qu’enseignant, je suis capable de bien communiquer ? Savoir communiquer est une compétence comme une autre, et c’est en obtenant des commentaires en retour sur sa performance que l’on améliore ses compétences. Nous pouvons obtenir cette information en demandant à un collègue expérimenté de nous observer durant notre cours et de nous livrer ensuite ses commentaires. Nous pouvons aussi demander à quelqu’un de nous filmer durant le cours et visionner ensuite la cassette avec un œil critique. Dans chaque cas, les commentaires en retour seront plus constructifs si nous utilisons une liste de contrôle (« checklist ») pour évaluer notre performance. L’encadré no 1 est un exemple de liste de contrôle.

Communication par écrit : polycopiés

Les enseignants communiquent oralement, mais ils communiquent aussi par écrit. Pour les étudiants, la majorité de l’apprentissage se fait par le biais de documents écrits, qu’il s’agisse de livres ou de leurs propres notes.

Obstacles linguistiques

Dans beaucoup de pays, les étudiants qui se spécialisent en ophtalmologie ou en santé oculaire doivent utiliser pour leur apprentissage des documents dans une langue (souvent l’anglais ou le français) qui n’est pas leur première langue. Grâce aux études qui ont été faites, nous savons aujourd’hui que presque tous les étudiants ont des problèmes lorsqu’ils lisent dans cette « deuxième langue » : ils lisent plus lentement, et comprennent moins, que les étudiants dont la première langue est l’anglais ou le français. C’est purement une question de langue et cela n’a bien entendu rien à voir avec leur capacité de compréhension.

Présentation devant un atelier de discussion. ROYAUME - UNI. Lance Bellers/Sightsavers
Présentation devant un atelier de discussion. ROYAUME – UNI. Lance Bellers/Sightsavers

Préparation de polycopiés

Cette question de langue est très importante pour les enseignants, qui doivent garder ces problèmes à l’esprit quand ils sélectionnent ou préparent des matériels écrits pour leurs étudiants. Les photocopies d’articles de revues scientifiques ou de pages de manuels sont des textes souvent complexes et difficiles à lire ; il faut donc les utiliser avec circonspection. C’est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup d’enseignants préparent des polycopiés ou des documents qu’ils écrivent eux-mêmes pour leurs étudiants. Il peut s’agir d’un résumé des points importants à apprendre, d’un guide de travail pour les étudiants, ou encore d’une liste de références que les étudiants auront à consulter. Les enseignants peuvent distribuer des polycopiés aux étudiants pour que ces derniers puissent s’y référer durant le cours ; les étudiants se servent également des polycopiés lorsqu’ils étudient à la maison ou en bibliothèque.

Bien communiquer par écrit

Les polycopiés sont des outils de communication importants avec les étudiants, aussi doivent-ils permettrent de communiquer efficacement. L’encadré no 2 présente une liste de contrôle qui vous permettra d’améliorer vos polycopiés.

De nos jours, de nombreux établissements d’enseignement disposent de leur propre site Internet, sur lequel les étudiants peuvent consulter ou télécharger les polycopiés de leurs enseignants. Toutefois, peu importe qu’un polycopié soit imprimé sur un support papier ou disponible « en ligne » ; il doit toujours être correctement écrit. Pour ceux que cela intéresse, il existe quelques tests simples (comme le test de Cloze, dans l’encadré no 3 ) qui permettent de vérifier que votre texte est « lisible » et d’un niveau de complexité qui convient à vos étudiants.

Encadré no 1
Liste de contrôle pour évaluer la communication durant la séance d’enseignement

Style de présentation :

  • Est-ce que l’enseignant parle clairement ?
    (suffisamment fort ; pas trop vite ; en faisant face à la classe ; en évitant les tics comme « euh … »)
  • Est-ce que la communication non verbale de l’enseignant convient à la situation ?
    (a les bons gestes et expressions ; circule dans la salle ; regarde les étudiants dans les yeux)
  • Est-ce que l’enseignant s’exprime de manière compréhensible ?
    (emploie des mots que les étudiants devraient pouvoir comprendre)
  • La vitesse de présentation est-elle la bonne ?
    (les étudiants doivent pouvoir assimiler ce qui leur est présenté)
  • Est-ce que la communication se fait dans les deux sens ?
    (l’enseignant vérifie régulièrement que les étudiants ont bien compris)
  • Est-ce que l’enseignant favorise un « apprentissage en profondeur » ?
    (l’enseignant propose aux étudiants des problèmes à résoudre ; ils participent au cours et à la discussion)
  • Est-ce qu’on observe les signes d’un bon rapport entre l’enseignant et les étudiants ?
    (l’enseignant et les étudiants font preuve de respect mutuel et s’écoutent les uns les autres)

Contenu :

  • Est-ce que l’enseignant met l’accent sur les notions importantes ?
    (les principaux messages sont clairs et soulignés par l’enseignant ; il/elle évite les détails inutiles)
  • Est-ce que l’information est présentée dans un ordre logique ?
    (les éléments d’information sont présentés dans un ordre qui a du sens, facile à comprendre et à retenir)

Endroit où a lieu la séance d’enseignement :

  • Est-ce que cet endroit se prête aisément à une bonne communication ?
    (suffisamment de lumière ; pas de bruits venant de l’extérieur)
  • Est-ce que les étudiants sont bien installés ?
    (ils ont de quoi s’asseoir ; ils voient bien l’enseignant ; ils n’ont ni trop chaud ni trop froid)

Matériels pédagogiques utilisés :

  • Les matériels pédagogiques utilisés sont-ils pertinents ?
    (ils se rapportent uniquement au sujet du cours et permettent de le clarifier)
  • Les matériels pédagogiques ont-ils été bien préparés ?
    (contiennent seulement les points importants ; bien présentés ; plusieurs couleurs sont utilisées)
  • Les matériels pédagogiques sont-ils faciles à lire et à comprendre ?
    (le texte et les illustrations sont de taille suffisante ; pas trop d’information sur une page ou sur une diapositive)
  • Les matériels pédagogiques sont-ils bien utilisés par l’enseignant ?
    (il/elle sait bien s’en servir ; ne les mélange pas entre eux ; utilise une baguette ou une flèche lumineuse).

Encadré no 2
Liste de contrôle pour améliorer un document écrit

Contenu :

  • Est-ce que ce document met l’accent sur les savoirs importants ?
    (souligne clairement ce qui est important, car les étudiants ne peuvent pas le deviner)
  • Est-ce que l’information est présentée dans un ordre logique ?
    (un ordre logique rend les notions plus faciles à comprendre et à apprendre)
  • Le document est-il précis et à jour sur le plan scientifique ?
    (l’information est exacte, complète et en accord avec les connaissances actuelles)

Style :

  • Les phrases sont-elles courtes ?
    (pas plus de 20 mots ; une idée par phrase)
  • La voix active est-elle utilisée le plus souvent possible ?
    (« appliquer la pommade régulièrement » plutôt que « la pommade doit être appliquée régulièrement »)
  • Est-ce que les lecteurs vont comprendre les mots utilisés ?
    (pas de jargon ; employez les mots les plus simples possibles pour exprimer ce que vous voulez dire)

Présentation :

  • Le document est-il lisible/facile à lire ?
    (écriture nette ; polycopies ou photocopies claires et non floues)
  • Est-ce que les éléments ou lignes sont bien espacés et la page pas trop chargée ?
    (une page imprimée trop serré décourage et ennuie le lecteur et elle est difficile à lire)
  • Est-ce que le document est attirant et intéressant ?
    (lettres de tailles différentes, mots soulignés en gras, diagrammes et illustrations).

Encadré no 3
Test de « lisibilité » de Cloze

Prenez un échantillon du matériel que vous souhaitez tester, une demi-page généralement. Ensuite, comptez les mots et effacez le cinquième mot du texte, puis le dixième, puis le quinzième mot, etc., jusqu’à la fin de l’échantillon : vous effacez donc un mot sur cinq. Vous pouvez soit effacer les mots au correcteur sur une copie papier, soit les remplacer par des espaces sur une version électronique.

Donnez ensuite cet échantillon de texte à quelques personnes parmi vos lecteurs potentiels (à qui est destiné ce matériel pédagogique). Demandez-leur de remplir les blancs et de deviner les mots effacés. Une fois qu’ils ont fini, calculez le pourcentage de mots effacés que chacun a deviné correctement, puis calculez le pourcentage moyen de mots effacés que les personnes soumises au test ont devinés correctement. L’interprétation du pourcentage est la suivante :

  • Le groupe a deviné correctement 60-100 % de mots effacés : le matériel convient à ce groupe
  • Le groupe a deviné correctement 40-59 % de mots effacés : il faut modifier le matériel pour le rendre plus compréhensible
  • Le groupe a deviné correctement 0-39 % de mots effacés :ce matériel est trop complexe et il faut complètement le ré-écrire.

Le test de Cloze permet aux personnes qui vont utiliser le matériel pédagogique de le tester elles-mêmes, ce qui est un atout.

Références

1 Prozesky D, Stevens S et Hubley J. Pour un enseignement et un apprentissage efficaces. Revue de Santé Oculaire Communautaire, août 2007;4(4): 43-45.

2 Hubley J. Communicating Health. London: Macmillan, 1993, pages 47-51