RSOC Vol. 11 No. 13 2014 pp 11 - 12. Publié en ligne 16 juillet 2014.

Comment détecter un déficit pupillaire afférent relatif ou signe de Marcus Gunn

David C Broadway

Chirurgien ophtalmologiste, Department of Ophthalmology, Norfolk and Norwich University Hospital ; Maître de conférences honoraire, University of East Anglia, Norwich, Royaume-Uni.

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Figure 1. Les voies afférente (en rouge) et efférente (en bleu) du réflexe photomoteur. John Yaw-Jong Tsai, Touro University
Figure 1. Les voies afférente (en rouge) et efférente (en bleu) du réflexe photomoteur. John Yaw-Jong Tsai, Touro University

Le test d’alternance lumineuse, utilisé pour détecter un déficit pupillaire afférent relatif (DPAR), permet de mettre en évidence des différences de réaction à la lumière entre les deux yeux, en éclairant un œil après l’autre. Ce test est très utile pour détecter une affection unilatérale ou asymétrique de la rétine ou du nerf optique (si cette dernière est localisée entre la rétine et le chiasma optique).

Ce test repose sur le principe physiologique suivant : dans des yeux sains, les réactions de la pupille droite et de la pupille gauche sont liées. En d’autres termes, si vous éclairez un seul œil avec un faisceau de lumière vive, les deux pupilles vont se contracter de la même manière ; lorsque vous éteignez ce faisceau lumineux, les deux pupilles se dilatent de la même manière. C’est ce que l’on appelle le réflexe pupillaire consensuel.

Pour comprendre la réaction des pupilles à la lumière, il est important de se familiariser avec les voies du réflexe photomoteur (Figure 1). Ce réflexe se compose de deux voies :

  1. La voie afférente désigne le message (ou influx nerveux) envoyé au cerveau par la pupille de l’œil éclairé, le long du nerf optique.
  2. La voie efférente désigne le message (ou influx nerveux) renvoyé par le mésencéphale aux deux pupilles, passant par le ganglion ophtalmique et la troisième paire de nerfs crâniens (nerf oculomoteur). Ce message entraîne la contraction des deux pupilles, bien que le faisceau lumineux n’éclaire qu’une seule des deux.

La présence d’un DPAR (appelé aussi signe de Marcus Gunn) signifie qu’il existe une différence entre les deux yeux au niveau de la voie afférente, en raison d’une affection de la rétine ou du nerf optique. Si la source lumineuse utilisée pour effectuer ce test est suffisamment vive, même une cataracte très opaque ou une taie cornéenne ne pourront pas produire un DPAR, à condition que la rétine et le nerf optique soient sains dans les deux yeux. Ce test peut d’ailleurs être utilisé pour vérifier l’état de la rétine et du nerf optique en cas de cataracte opaque, par exemple.

En cas de glaucome, en particulier si vous ne pouvez pas tester la fonction visuelle autrement (par ex. en explorant le champ visuel), la mise en évidence d’un DPAR peut s’avérer très utile car elle indique que l’atteinte du nerf optique est plus importante dans un œil que dans l’autre, même si les deux yeux présentent la même acuité visuelle.

Attention : si l’atteinte glaucomateuse est la même dans les deux yeux, et ce quelle que soit sa gravité, vous ne pourrez pas mettre en évidence un DPAR.

Figures 2-4.
Figure 2. Test d’alternance lumineuse : résultat normal (pas de DPAR). L’éclairement d’un oeil comme de l’autre entraîne une réaction pupillaire normale et de même intensité dans les deux yeux (réaction consensuelle).
Figure 3. Test d’alternance lumineuse : DPAR dans l’œil gauche. L’éclairement de l’œil droit normal (ou moins atteint) entraîne la contraction des deux pupilles. Lorsque l’on déplace le faisceau lumineux vers l’œil atteint (ou plus atteint, par ex. neuropathie optique), les deux pupilles se dilatent (sont moins contractées), la pupille gauche se dilatant bien qu’elle soit maintenant éclairée directement. Lorsque le faisceau lumineux est ramené vers l’œil normal, les deux pupilles se contractent à nouveau.
Figure 4. Test d’alternance lumineuse : DPAR dans l’œil gauche et pupille gauche non réactive. L’éclairement de l’œil droit normal (ou moins atteint) entraîne uniquement la contraction de la pupille droite. Lorsque l’on déplace le faisceau lumineux vers l’œil gauche plus atteint (par ex. pupille fixe et neuropathie optique), la pupille droite se dilate (est moins contractée). Dans ce cas de figure, pour identifier un DPAR, il suffit d’observer uniquement l’œil dont la pupille est réactive.

Test d’alternance lumineuse

Lorsqu’il n’y a pas de DPAR, les pupilles de chaque œil se contractent de la même façon, quel que soit l’œil éclairé par le faisceau lumineux (Figure 2). Lorsqu’il y a DPAR, la pupille de l’œil présentant une atteinte de la rétine ou du nerf optique se contracte moins bien (Figure 3).

Étapes du test

  • Utilisez une lampe torche pouvant produire un faisceau lumineux étroit et uniforme. Le test doit être réalisé dans une pièce semiobscure. Si cette dernière est trop sombre vous aurez du mal à observer les réactions pupillaires, particulièrement si les yeux sont très pigmentés.
  • Demandez au patient de fixer son regard sur un objet-cible éloigné (par ex. une échelle d’acuité visuelle ou un poster) pendant toute la durée du test. Ceci évitera de stimuler le réflexe d’accommodation du patient, qui entraînerait une contraction pupillaire. Pendant le test, veillez à ce que le patient puisse fixer l’objet-cible à tout moment ; ne vous interposez pas entre le patient et l’objet éloigné.
  • Déplacez toute la lampe torche (pas seulement son extrémité) dans un mouvement latéral pour diriger le faisceau directement vers un œil puis directement vers l’autre. N’effectuez surtout pas un mouvement de rotation autour d’un axe central (par ex. en maintenant la lampe devant le nez du patient et en déplaçant l’extrémité d’un œil à l’autre), car ceci provoquerait également une réaction d’accommodation.
  • Maintenez la source lumineuse à la même distance du visage lorsque vous passez à l’autre œil, afin que l’intensité du stimulus lumineux reste constante.
  • Maintenez sans bouger le faisceau lumineux sur le premier œil pendant au moins trois secondes. Ceci permettra au diamètre pupillaire de se stabiliser. Notez si la pupille de l’œil éclairé réagit rapidement et si elle se contracte pleinement à la lumière. Notez également la réaction de la pupille de l’œil non éclairé : se contracte-t-elle rapidement, elle aussi ?
  • Déplacez rapidement la lampe torche pour diriger le faisceau lumineux vers l’autre œil. Là encore, maintenez le faisceau pendant au moins trois secondes. Notez si la pupille de l’œil éclairé ne change pas de taille ou si elle se dilate. Notez également la réaction pupillaire de l’autre œil.
  • Ce peut être beaucoup de choses à observer en une fois, donc répétez le test autant que nécessaire et notez les réactions des deux pupilles quand vous éclairez un seul œil, puis l’autre.

Lorsque ce test est réalisé chez un patient présentant une atteinte unilatérale ou asymétrique de la rétine ou du nerf optique, il met en évidence un DPAR (Figure 3). Voici ce qui se passe durant le test :

  • Lorsque vous éclairez l’œil présentant une affection rétinienne ou une neuropathie optique, les deux pupilles se contractent, mais pas complètement. Ceci est dû au fait que le problème touche la voie afférente.
  • Lorsque vous éclairez ensuite l’autre œil (l’œil normal ou l’œil moins atteint), les deux pupilles se contractent plus qu’auparavant (quand vous éclairiez l’œil atteint). La raison en est que la voie afférente liée à l’œil normal (ou moins atteint) est intacte (ou moins atteinte) que celle liée à l’œil atteint.
  • Lorsque vous ramenez le faisceau lumineux sur l’œil « anormal » (le plus atteint), les deux pupilles se dilatent, même la pupille de l’œil normal.
  • Cela n’a aucune importance que vous commenciez par éclairer l’œil que vous estimez le plus atteint ou l’œil moins atteint : du moment que vous faites passer le faisceau lumineux d’un œil à l’autre, avant de revenir au premier œil, les signes d’un éventuel DPAR seront manifestes.

Parfois la présence d’un DPAR est indéniable : la pupille de l’œil le plus atteint se dilate de façon évidente quand vous l’éclairez. Cependant, les signes d’un DPAR peuvent aussi être plus subtils (voir Tableau 1).

Tableau 1. Classification du DPAR dans le test d’alternance lumineuse en fonction de son importance

Niveau Observations pendant le test
Amaurose Dans ce cas, un des deux yeux n’a aucune perception lumineuse (PL). La pupille de cet œil ne se contracte que lorsque le faisceau lumineux éclaire l’autre œil. Lorsque vous ramenez le faisceau sur l’œil sans PL, sa pupille se dilate rapidement à la lumière
3-4 La pupille se dilate dès que le faisceau lumineux passe de l’œil normal à l’œil atteint
1-2 La pupille se dilate après un court délai quand le faisceau lumineux passe de l’œil normal à l’œil atteint
Déficit subtil Parfois, les pupilles des deux yeux se dilatent durant le bref intervalle pendant lequel le faisceau passe de l’œil normal à l’œil atteint. Si ceci se produit, il se peut que la pupille de l’œil atteint se contracte un peu avant de se dilater

Situations particulières

Hippus (athéthose pupillaire)

La taille des pupilles normales, particulièrement chez les sujets jeunes, fluctue parfois très légèrement (variations inférieures à 1 mm), même en présence d’une source lumineuse d’intensité constante. Ce phénomène, appelé hippus ou encore athéthose pupillaire, peut rendre la détection d’un DPAR plus difficile.

Pupilles non réactives

Vous pouvez détecter un DPAR même si l’une des pupilles ne peut pas réagir (pupille fixe), en raison d’un traumatisme, de synéchies postérieures ou simplement après instillation d’un collyre mydriatique ou myotique (Figure 4). Une fois que vous avez établi que l’une des pupilles ne change pas de taille, quel que soit l’œil éclairé, concentrez-vous sur les réactions de la pupille réactive. Observez ses réactions lorsque vous éclairez un œil après l’autre. La Figure 4 montre ce qui se produit lorsque l’œil présentant une atteinte de la voie afférente est celui dont la pupille ne réagit pas. Si, au contraire, c’est l’œil normal (ou moins atteint) qui a une pupille fixe, alors la pupille réactive de l’autre œil (l’œil atteint) va se dilater lorsque le faisceau lumineux passera de l’œil normal à l’œil atteint.

Vices de réfraction et/ou amblyopie asymétrique(s)

Ceux-ci surviennent lorsque la vision est mauvaise, mais l’œil lui-même est normal. Ils ne produisent pas de DPAR.

Maculopathie

Une maculopathie, à moins qu’elle ne soit très grave, ne produit généralement pas de DPAR. Lorsque l’atteinte maculaire est suffisamment importante pour produire un DPAR, la réaction observée est rarement plus importante que ce qui correspond au niveau 1–2 dans le Tableau 1. Par contre une lésion grave de la rétine, une occlusion vasculaire rétinienne importante, ou encore un décollement de rétine peuvent tous entraîner un DPAR important.

Causes de DPAR

Les causes les plus courantes de neuropathie optique unilatérale pouvant entraîner un DPAR sont : neuropathie optique ischémique, névrite optique, compression du nerf optique (tumeur orbitaire ou ophtalmopathie dysthyroïdienne), traumatisme ou glaucome asymétrique. Parmi les causes moins fréquentes on peut citer les neuropathies optiques dues à une infection, à une infiltration, à un carcinome ou à une irradiation.

Le DPAR est un signe de localisation très important qui peut être mis en évidence par un test clinique simple, rapide et non invasif, à condition que ce test soit réalisé correctement.

Références

1 Gunn RM. Functional or hysterical amblyopia. Ophthalmol Reviews 1902;21:271–280.

2 Levatin P. Pupillary escape in disease of the retina and optic nerve. Arch Ophthalmol 1959;62:768–779.

3 Bell RA, Waggoner PM, Boyd WM, et al. Clinical grading of relative afferent pupillary defects. Arch Ophthalmol. 1993;111:938–942.