RSOC Vol. 04 No. 04 2007 pp 36 - 37. Publié en ligne 01 août 2007.

Comment améliorer l’utilisation des services de cataracte en utilisant une structure de soins oculaires existante

Christopher Ogoshi

Coordonnateur, CBM VISION 2020 Support Programme, PO Box 8426, Anglo Jos Plateau State, Nigeria.

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Figure 1. Carte montrant les états où CBMI travaille en collaboration avec les ministères de la santé
Figure 1. Carte montrant les états où CBMI travaille en collaboration avec les ministères de la santé

Contexte

Le traitement par l’ivermectine sous directives communautaires (TIDC) est la principale stratégie employée par le Programme africain de lutte contre l’onchocercose, ou APOC en anglais (African Programme for Onchocerciasis Control). Cette stratégie a permis au programme de desservir les communautés où l’onchocercose est une maladie endémique qui sont les plus éloignées et qui ont le moins accès aux services. Lorsque le TIDC est mis en œuvre, la communauté est impliquée dans la prise de décisions importantes concernant la distribution des médicaments et la sélection des distributeurs. Une relation de confiance se développe de ce fait entre dispensateurs et bénéficiaires des soins. Ceci fournit une « porte d’entrée » pour développer plus avant les activités de prévention de la cécité.

C’est en 1995 que l’association Christian Blind Mission International (CBMI) a commencé à collaborer avec le gouvernement du Nigeria dans sa lutte contre l’onchocercose. En 2003, les deux partenaires ont élargi cette collaboration pour lutter contre la cécité d’une façon plus globale. La structure déjà mise en place permettait de prendre contact avec des populations résidant loin des services de soins oculaires (en effet, dans plusieurs états, ces services n’existent qu’en zone urbaine). Il fut alors décidé de renforcer non seulement les services de soins oculaires, mais aussi de sensibiliser les populations rurales afin de créer une demande pour les services de cataractes.

Le programme que nous décrivons dans cet article a pour objectif d’organiser dans le nord du Nigeria des missions visant à rapprocher la chirurgie de la cataracte dans le cadre de la stratégie avancée (MSA). Ce programme est sous la tutelle des ministères de la santé des états de Kano, de Jigawa, de Yobe et de Taraba et du territoire de la capitale fédérale, Abuja.

Intervention chirurgicale durant une MSA. NIGERIA. Musa Goyol
Intervention chirurgicale durant une MSA. NIGERIA. Musa Goyol

Les services offerts par les MSA

Dans chaque état, une activité est organisée au moins une fois par an dans le cadre de la stratégie avancée. L’état choisit un emplacement qui permet de toucher le plus de personnes possible.

En 2004, 632 yeux atteints de cataracte cécitante ont été opérés. Ce chiffre a atteint 768 en 2005. Entre janvier et juillet 2006, 1 920 yeux atteints de cataracte cécitante ont été opérés. Dans tous les cas cités, les yeux ont également été implantés.

Durant les camps mobiles de chirurgie de la cataracte, des infirmiers spécialisés en ophtalmologie prennent également en charge les patients atteints de trichiasis trachomateux. Ceci complémente les camps de chirurgie palpébrale organisés par chaque état à intervalles réguliers. En 2005, plus de 500 paupières atteintes de trichiasis trachomateux ont été opérées.

Tous les patients opérés durant une mission dans le cadre de la stratégie avancée font l’objet d’un suivi sur place. On leur demande ensuite de se présenter au centre de santé une semaine après leur retour à la maison, puis six semaines après. En cas de problème, ils ont pour instruction de revenir immédiatement. De la même façon, s’ils se trouvent à court de médicaments, on leur conseille de se rendre sans attendre au centre de santé plutôt que de patienter jusqu’à la date du rendez-vous suivant. Dans certains cas, un infirmier spécialisé en ophtalmologie accompagne le patient depuis son domicile, pour assurer un bon suivi.

Utilisation de la structure de lutte contre l’onchocercose pour créer une demande de chirurgie de la cataracte

La structure mise en place pour le TIDC sert à distribuer de l’ivermectine (Mectizan®) à tous les membres des communautés vivant dans les zones endémiques. Les distributeurs de médicaments sont des bénévoles choisis par la communauté au sein de laquelle ils résident. Nous avons constaté qu’ils pouvaient s’acquitter d’autres responsabilités si on leur offrait une formation supplémentaire. Les distributeurs ont suivi deux jours de formation en santé oculaire primaire, dont une journée de pratique sur le terrain, afin de les initier à la reconnaissance des maladies oculaires évitables ou curables prévalentes dans la communauté et au transfert des personnes atteintes vers les centres de soins existants.

Cette catégorie de personnel nous a aidé à identifier les patients atteints de cataracte et à les diriger vers les centres de chirurgie durant la période de la MSA. Les responsabilités confiées à ce type de personnel sont les suivantes :

  • sensibiliser la population rurale à la cécité par cataracte, en utilisant les langues parlées localement
  • identifier les personnes aveugles en raison d’une cataracte lors de la distribution de médicaments effectuée « porte-à-porte » (cette distribution a lieu une fois par an)
  • informer le coordonnateur régional du programme de lutte contre la cécité du nombre de personnes aveugles par cataracte dans chaque village
  • informer la population locale sur l’existence des traitements actuels de la cataracte, dont les résultats sont bien meilleurs. Leur déconseiller de recourir à la technique traditionnelle de « l’abaissement », qui est dangereuse mais pourtant largement utilisée
  • informer la population locale du coût de l’opération ; les frais sont généralement partagés entre le gouvernement local (local government area ou LGA), le gouvernement de l’état et l’association CBMI, afin que le patient ne débourse que ce qu’il peut se permettre de payer
  • aider à surmonter les obstacles à l’utilisation de tels services ; ceci peut se faire en rassurant les patients, en les accompagnant à l’endroit où se pratique l’opération et en veillant à ce que tout se déroule parfaitement. De cette façon, de bons résultats valant mieux qu’un long discours, dans la communauté, même les pessimistes seront convaincus
  • rappeler aux patients de se rendre à la clinique pour leur suivi post-opératoire.

Rôles des différents partenaires dans les MSA

Le ministère de la santé organise le programme de MSA. Il a aussi les rôles suivants :

  • sensibiliser la population en entrant en contact avec le gouvernement local et les communautés
  • dépister les patients aveugles en raison d’une cataracte et identifier ceux qu’il faut opérer
  • fournir un lieu et un générateur durant les MSA
  • offrir son hospitalité à l’équipe
  • participer aux opérations (lorsqu’il dispose d’un ophtalmologiste)
  • déterminer les centres où auront lieu les MSA
  • assurer la participation des autorités locales et des communautés
  • établir un plan annuel pour que les passages dans les centres de stratégie avancée aient lieu de façon régulière et cohérente.

Le gouvernement local a une responsabilité directe envers les membres des communautés. Il a les rôles suivants :

  • organiser la publicité nécessaire
  • fournir des tapis de sol et de l’argent pour la nourriture durant les camps de chirurgie mobile ; ceci s’applique lorsque le gouvernement local a directement financé une MSA dans sa circonscription
  • participer à toutes les activités planifiées en amont et en aval de la MSA.

Les membres de la communauté qui souffrent d’affections oculaires :

  • se rendent par leurs propres moyens au lieu de la MSA
  • subviennent à leur propres besoins durant leur séjour au « camp de chirurgie mobile ».

La communauté-hôte :

  • recrute des volontaires pour contrôler la foule et aider à transporter les patients au bloc opératoire.

Les individus ou les groupes ayant une certaine influence peuvent contribuer au succès de la MSA en :

  • organisant certains programmes
  • finançant directement certains patients
  • permettant à toute l’équipe d’utiliser leur maison.

L’organisation internationale, CBMI, fournit l’équipe chirurgicale qui réalisera les opérations durant la MSA. Cette équipe provient généralement de projets de santé oculaire soutenus par CBMI. L’équipe veille aux points suivants :

  • plaidoyer et dissémination de l’information avant l’arrivée de l’équipe
  • patients satisfaits des services offerts
  • nombre d’opérations maximal durant la MSA
  • durée d’attente minimale pour le patient
  • usage judicieux du temps et des installations
  • personnel employé de façon efficace
  • disponibilité des équipements et des consommables
  • coût abordable des services, afin que toute personne puisse en profiter si elle le souhaite.

Partage des coûts et développement durable

On s’attend à ce que les patients participent aux frais des services de cataracte qui leur sont offerts. Le montant de cette participation dépend de la méthode de partage des coûts adoptée par chaque MSA. Pour déterminer ce montant, on prend en considération la situation financière des patients, à savoir, s’ils sont pauvres, très pauvres, ou bien riches. Dans la plupart des cas, la majorité des bénéficiaires des soins sont pauvres. Il devient alors difficile d’établir des catégories de participation financière. On fournit systématiquement une subvention pour permettre aux patients de profiter des services. Dans quelques cas, les patients très pauvres sont subventionnés entièrement et bénéficient gratuitement d’une intervention chirurgicale.

Résultats et leçons apprises

Les stratégies avancées ont suscité des changements positifs. Par exemple, les états sont en train d’identifier des personnel pouvant être formés comme ophtalmologistes, afin de combler cette lacune en ressources humaines. Dans plusieurs états, des individus et des organisations ont financés des camps mobiles de chirurgie de la cataracte pour le bénéfice des membres de la communauté ; en 2005, plus de 500 personnes aveugles par cataracte ont bénéficié d’une opération de cette façon.

Nous avons dû faire face aux défis suivants :

  • mobilisation insuffisante dans les zones où l’onchocercose n’est pas endémique, ce qui a entraîné une mauvaise utilisation des services
  • défaut d’une source d’électricité fiable
  • moyens logistiques insuffisants
  • les stratégies avancées offrant des services gratuits mettent en péril la durabilité des services de soins oculaires hospitaliers permanents.

Comment avons-nous relevé ces défis ? D’une part, nous avons fait en sorte qu’une équipe du programme de soutien à VISION 2020 arrive sur le lieu de la MSA avant l’équipe chirurgicale, afin d’assurer une mobilisation suffisante et de prendre les dispositions nécessaires. D’autre part, nous projetons de fournir un générateur portable de dépannage pour complémenter les générateurs fournis par les états durant les missions organisées dans le cadre d’une stratégie avancée.

Conclusion

Cette étude de cas démontre comment il est possible de développer des services de soins oculaires en utilisant comme « porte d’entrée » une infrastructure existante de prévention de la cécité. Nos activités ont été facilitées par la relation fructueuse qui existe entre les autorités sanitaires du gouvernement et une organisation internationale.